Lu dans la presse

mis à jour le samedi 22 mai, 2010 10:36
   
 
 

à propos du Crépuscule d'une Idole de Michel Onfray

 

   
Dans le Nouvel Observateur du 21/05/2010

Pourquoi j’aime le livre d’Onfray

par Pascal Bruckner

BibliObs.- Que pensez-vous des réactions, très violentes, suscitées par le livre de Michel Onfray dans l'ensemble des journaux français ?


Pascal Bruckner.- Il y a d'abord une jalousie inhérente au milieu intellectuel, qui explique cette violence face à son succès. Un succès dont, pour ma part, je me réjouis, parce qu'Onfray est un gros bosseur. En pratiquant une philosophie au bazooka, souvent sans nuances, il a touché quelque chose de profond, qui est la sclérose intellectuelle du monde analytique aujourd'hui. Dans les années 1970, il y avait une circulation entre différents courants, et une production théorique de premier plan ; le livre d'Onfray a réveillé un monde assoupi et dogmatique.

 
 

BibliObs.- Vous avez donc apprécié son livre ?


P. Bruckner.- Oui, même si sa volonté de tuer le père Freud est évidemment assez cocasse : il démontre malgré lui la pertinence des hypothèses freudiennes. En réalité, ce qu'on pourrait plutôt lui reprocher, c'est son côté Charles Bronson, dans « Un justicier dans la ville ». Il y a chez lui la tentation d'un nettoyage éthique rétrospectif : du haut de notre position actuelle, juger les auteurs du passé risque toujours de passer pour une forme d'inquisition a posteriori, pour une façon assez arrogante de verser dans une sorte de maccarthysme philosophique. D'autre part, quand il s'en prend à la « France moisie », il exagère un peu : il est lui aussi un produit de Saint-Germain-des-Prés, je suis bien placé pour le savoir - nous avons le même éditeur ! Sa vocation de justicier le place donc dans une position délicate. Mais au-delà des polémiques, ce que je retiens, c'est qu'il m'a donné envie de relire Freud. Et puis un homme qui suscite de telles passions ne peut être complètement mauvais, il ne peut pas avoir tout faux. Ce qui serait intéressant, à présent, c'est que Michel Onfray fasse la même chose avec Nietzsche, en examinant de près ce qui a permis au nazisme de se réclamer de sa pensée...

BibliObs.- Son succès public, qui est assez considérable, ne vous surprend donc pas...


P. Bruckner.- C'est précisément parce qu'on lui tape dessus que tout le monde l'achète. Son seul défenseur est l'un des auteurs du « Livre noir de la psychanalyse ». Ça le rend sympathique, ce rôle de bouc émissaire. Ce qui aurait pu lui arriver de pire, c'est l'indifférence... Il a d'ailleurs synthétisé beaucoup de critiques du freudisme qui existaient avant lui, chez Emmanuel Levinas, chez René Girard ou même chez Roland Barthes. Simplement, il leur donne la forme d'un uppercut théorique... Au fond, je pense que beaucoup de philosophes se mordent les doigts de n'avoir pas eu cette idée avant lui !


BibliObs.- Est-ce votre cas ?


P. Bruckner.- Non, pas du tout ! Quand il y a un succès, je crois qu'il faut s'incliner sans trépigner comme un enfant à qui on a piqué son jouet. Or il a bel et bien levé un lièvre, reconnaissons-le.


BibliObs.- Est-ce sous cet angle que vous avez lu sa récente passe d'armes avec Bernard-Henri Lévy, dans les colonnes du « Point » ?


P. Bruckner.- Comme souvent quand il y a un règlement de comptes entre intellectuels, c'est d'abord parce qu'ils ont beaucoup de choses en commun : BHL a été l'éditeur d'Onfray, et j'ai toujours été frappé par leur mimétisme physique ; pour la diction, notamment, je pense qu'Onfray a beaucoup pris à Lévy. Leur querelle est à bien des égards, je crois, une querelle d'orgueil, une querelle d'ego. Mais peu importe : l'essentiel, c'est de bien considérer que ce genre de débat ne peut avoir lieu qu'en France. C'est le dernier lieu au monde où on peut s'écharper pour des idées ! Comme au XVIIIe siècle, en somme, où les philosophes des Lumières s'insultaient déjà très violemment...

Propos recueillis par Grégoire Leménager
dans le cadre de l'enquête sur Michel Onfray et Bernard-Herni Lévy
publiée par «le Nouvel Observateur»

 

   
 

Il déparle… Il révèle ici la vérité du monde intellectuel français, placé sous l'empire de la crainte du ridicule — monde fait de jalousies qui, pour être mesquines et égocentriques, ne s'en révèle pas moins dévastateur et quelquefois meurtrier…

TN

   

LE MONDE 07.05.10

Psychanalystes, encore un effort si vous voulez être républicains…,

par Michel Onfray

 
Socrate a raison, ô combien !, d'affirmer qu'il vaut mieux subir l'injustice que la commettre. Dans le flot de haine qui a accueilli un livre d'un million de signes qu'on n'aura pas eu le temps de lire vraiment pour le critiquer dignement, j'aurais au moins eu la satisfaction d'opposer ma décence et ma retenue en ne tombant pas dans le caniveau où d'aucuns souhaitaient me conduire.
 
 

Pour ma part, en effet, je n'ai traité personne de nazi, de fasciste, de pétainiste, de vichyste alors qu'il m'aurait été facile de souligner le paradoxe qu'il y a à m'invectiver avec pareilles insultes pour sauver Freud qui , lui, a manifesté sa sympathie pour Mussolini et l'austro-fascisme du Chancelier Dollfuss, avant de travailler avec les envoyés de l'Institut Göring pour que la psychanalyse puisse continuer à exister dans un régime national-socialiste ; je n'ai pas eu non plus recours aux facilités d'une psychanalyse sauvage de tel ou tel de mes adversaires pour attaquer sa vie privée, salir son père ou sa mère, stigmatiser son enfance comme il a été fait à mon propos ; de même, je n'ai pas utilisé les nombreuses informations qui m'ont été données depuis par d'anciens patients sur le comportement délinquant et délictuel de certains analystes très en vue à Paris qui utilisent le divan d'une façon qui pourrait les conduire en correctionnelle si les victimes osaient parler ; enfin, je n'ai pas effectué d'attaques ad hominem, tout ceci est vérifiable.

QUANT À L'ARGENT, QU'ON ME PERMETTE DE SOURIRE

On a cru voir dans un livre qui d'ores et déjà est un succès de librairie une stratégie médiatique de ma part sous tendue par un goût de l'argent ! Faut-il croire qu'en plus de leurs vices déjà bien connus les journalistes soient serviles avec un philosophe qui ne dispose d'aucun moyen de nuire comme ils le sont habituellement avec les grands de ce monde , les politiciens en particulier ? Les ministres ou le président de la République convoquent la presse, qui accourt, mais elle ne se déplace pas pour un philosophe qu'on s'évertue en même temps et sans craindre la contradiction à présenter comme un négligeable "penseur du bocage normand"… Elle est tout juste dans son rôle qui consiste à arriver après, car la rumeur est la seule maîtresse du journaliste. Le crépuscule d'une idole est mon cinquante troisième livre, combien ont été des succès de librairie ? Combien de livres ai-je publié sans bénéficier d' un seul papier dans la presse, sans une seule invitation à la télévision, ou à la radio ? Soyons sérieux…

Quant à l'argent, qu'on me permette de sourire : la création de l' Université Populaire de Caen en 2002 que j'anime bénévolement depuis huit années avec des amis eux aussi bénévoles, celle de l'Université Populaire du goût d'Argentan depuis 2006, sans parler d'autres activités gratuites que je ne vais pas ici détailler, montrent qu'en effet, c'est le lucre qui me guide ! J'assure vingt-et-une séances chaque année, chacune est constituée de deux heures, la première est un exposé qui me demande environ une trentaine d'heures de travail pour lequel je ne suis pas payé. Faudrait-il que je renonce aussi à publier ce cours et à vivre des droits d'auteur que m'accordent les lecteurs qui achètent mes livres ?

Car ce texte de plus de six cent pages sur Freud, rappelons le, est issu de ma huitième année de cours à l'UP de Caen. Il n'est pas question pour moi de faire un petit commerce lucratif de ce personnage dans les années à venir.

Ici comme ailleurs, certains me prêtent des travers qui sont les leurs ou qu'ils auraient à ma place. J'ai commencé mon cours en 2002 avec Leucippe et Démocrite, personne ne me reprochait alors de vouloir faire de l'argent ! J'ai continué l'année suivante avec les gnostiques licencieux, les Frères et Sœurs du Libre Esprit, puis plus tard avec les libertins baroques : des sujets racoleurs pour engranger de substantiels bénéfices ? L'an dernier il était question de Jean-Marie Guyau : pour me remplir les poches ? L'an prochain, je réhabiliterai le freudo-marxisme contre la psychanalyse freudienne : là encore pour remplir mon portefeuille ? Après dix années de labeur, j'aurais mené à bien mon travail de Contre histoire de la philosophie dans un séminaire tenu en Normandie, sans gagner d'autre argent que celui des droits d'auteur de mon cours. Je ne détaillerai pas combien de refus j'ai signifié de faire mon UP à Paris pour de l'argent sonnant et trébuchant…

L'UP, UN LIEU DE DÉBAT

Cette Université Populaire est ma création. Des amis m'ont apporté leur concours dès la première année. Nous existons depuis huit années. Aujourd'hui, il existe dix-sept séminaires – dont un de psychanalyse. En 2002, j'avais rencontré un psychanalyste de Caen pour lui proposer d'enseigner les grands concepts de sa discipline. Il a refusé de s'associer bénévolement à cette aventure. L'année suivante, j'ai sollicité Françoise Gorog qui, avec son équipe de Sainte-Anne, a assuré bénévolement elle aussi, quatre années de cours. L'an dernier, j'ai demandé à Myriam Illouz, psychanalyste, ( la compagne de Jean-Yves Clément, un ami de plus de vingt-cinq ans qui anime pour sa part un séminaire musique), d'assurer ce séminaire.

Car l'UP est un lieu de débat : je n'ai jamais caché mon athéisme, et pour cause, le Traité d'athéologie témoigne, toutefois, à ma demande, une amie catholique pratiquante qui enseigne également au séminaire de Caen assure un cours de littérature contemporaine ; je n'ai jamais fait mystère de mes positions de gauche antilibérale, mais un autre ami, libéral affiché, propose un séminaire d'idées politique , et ce depuis la première année ; je consacre mon travail de cette session 2009/2010 à Freud, et, en même temps, on peut assister à un cours de défense et illustration de la psychanalyse. Car le libertaire que je suis n'aspire pas à une UP dirigée de main de maître idéologique par un gourou : dans notre aventure, c'est l'autonomie, sinon l'autogestion qui fait la loi. Je crois aux vertus du débat, du dialogue et de l'échange afin de solliciter la pensée critique des auditeurs. Je n'aspire pas à ce qu'on pense comme moi, mais qu'on s'interroge et réfléchisse à partir des propositions faites par l'UP, dont moi parmi d'autres.

 

 
 

LE MONDE 07.05.10

Le crime de M. Onfray ? Avoir suggéré que Freud n'était pas de gauche,

par Mikkel Borch-Jacobsen

Quel est donc le crime de Michel Onfray, qui lui vaut aujourd'hui d'être traité dans la presse et sur Internet de "fou raisonnant" (René Major), de "révisionniste", de "néo-paganiste antijudéochrétien ", de "masturbateur", de personnage douteux "projetant sur l'objet haï (c'est-à-dire Freud) ses propres obsessions - les juifs, le sexe pervers, les complots" (Elisabeth Roudinesco) ? Est-ce d'avoir pris au sérieux, dans son dernier livre, les travaux d'historiens de la psychanalyse montrant à quel point Freud a manipulé ses données cliniques, trompetté des résultats thérapeutiques imaginaires, fait silence sur ses dettes intellectuelles ?
Il semblerait que non, car on nous assure de toutes parts que tout cela était connu depuis belle lurette - ce qui bien sûr dispense une fois de plus d'en débattre sérieusement, comme à l'époque d'un certain Livre noir de la psychanalyse. Mais pourquoi alors tout ce bruit ?

Le véritable crime de Michel Onfray est d'avoir suggéré, lui un homme de gauche, que Freud n'en était pas un. Cela est proprement intolérable pour une génération intellectuelle habituée à considérer Freud comme un penseur progressiste, et c'est ce qui vaut à Onfray d'être dépeint, contre toute vraisemblance, comme un suppôt de l'extrême droite.

Pourtant, il suffit de lire sans oeillères les écrits "politiques" de Freud des années 1920-1930, notamment Psychologie des masses et analyse du moi, pour s'aviser qu'Onfray ne fait qu'énoncer une évidence. Reprenant à son compte la Psychologie des foules de Gustave Le Bon, dont on sait à quel point elle a influencé Mussolini et Hitler, Freud y décrit la société comme une "masse" d'individus suggestibles, soudés dans un amour unanime pour un "meneur" (Führer) hypnotisant, mis à la place de leur "idéal du moi" : "La masse veut toujours et encore être dominée par un pouvoir illimité, elle est au plus haut degré avide d'autorité, elle a, selon l'expression de Le Bon, soif de soumission."

Contrairement à ce qu'on lui a fait dire ici ou là (ce fut entre autres la thèse de Lacan), Freud n'a nullement critiqué la "psychologie des masses", convaincu qu'il était, au contraire, d'y trouver l'essence même de la société.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que Freud ait été un fasciste, mais à tout le moins - et sur ce point Onfray a tout à fait raison - que rien dans sa pensée politique ne lui permettait de résister efficacement au fascisme. Le montrent suffisamment sa consternante naïveté politique dans la tourmente des années 1930, son soutien passif à l'austro-fascisme de Dollfuss, son vain espoir que Mussolini protège l'Autriche contre Hitler et enfin ses coupables compromissions avec les nazis en vue de sauver la psychanalyse en Allemagne.

Onfray cite à cet égard une anecdote autour de laquelle semble se cristalliser désormais la polémique. En 1933, Freud reçoit une patiente italienne accompagnée de son père, Giovacchino Forzano, un ami personnel de Mussolini (Forzano dirigeait les films de propagande du Parti national fasciste). Prié par Forzano de dédicacer un ouvrage au Duce, Freud prend un exemplaire de son essai Pourquoi la guerre ? et écrit : "A Benito Mussolini, avec le salut respectueux d'un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture. Vienne, 26 avril 1933."

René Major dans Libération et Philippe Petit dans Marianne s'indignent qu'Onfray ait pris cette dédicace au sérieux et lui reprochent de ne pas avoir compris l'humour bien particulier de Freud. Pour preuve, la mention manuscrite ajoutée par Freud au document de décharge que la Gestapo lui demandait de signer et par lequel il reconnaissait avoir été bien traité par elle avant son départ de Vienne en 1938 : "Je puis hautement recommander la Gestapo à quiconque. " Or cette histoire, popularisée par Ernest Jones dans sa biographie de Freud, est entièrement apocryphe. Comme il a été établi depuis maintenant plus de vingt ans, cette mention manuscrite est introuvable sur le document original signé par Freud. Il s'agit donc soit d'une vantardise de Freud, soit d'une invention de son hagiographe, soit encore d'une combinaison des deux.

Philippe Petit, qui accuse Onfray d'accabler Freud "au mépris des situations historiques", aurait d'ailleurs pu se demander comment il se fait que la Gestapo ait pris tant de gants avec Freud, un juif dont les nazis avaient brûlé les livres.

La réponse se trouve dans la supplique que Forzano, l'intermédiaire entre Freud et Mussolini, avait adressée à ce dernier le 14 mai 1938, deux jours exactement après l'annexion de l'Autriche par les nazis : "Je recommande à Votre Excellence un glorieux vieil homme de quatre-vingt-deux ans qui admire grandement Votre Excellence : Freud, un juif." D'après Jones, "Mussolini était intervenu soit directement auprès d'Hitler soit auprès de son ambassadeur à Vienne", pour que Freud puisse quitter le pays. "Il s'était probablement souvenu du compliment que Freud lui avait fait. "

On ne peut que s'en réjouir, bien sûr, mais on se doute bien que Mussolini n'eût pas fait de même s'il avait perçu la moindre ironie dans la dédicace de Freud ou encore dans cette phrase terrible de l'essai que celui-ci lui avait fait parvenir : "C'est l'une des faces de l'inégalité humaine - inégalité native et que l'on ne saurait combattre - qui veut cette répartition en meneur et sujets. Ceux-ci forment la très grosse majorité ; ils ont besoin d'une autorité prenant pour eux des décisions auxquelles ils se rangent presque toujours sans réserves." Est-il besoin de préciser que Führer se dit en italien Duce ?
 

Mikkel Borch-Jacobsen est professeur de littérature comparée à l'université de Washington à Seattle, auteur du "Dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse" (Empêcheurs de penser en rond, 2006).
   
 
   

Pourquoi tant de haine ?

par Elisabeth Roudinesco

http://www.mediapart.fr/club/edition/bookclub/article/170410/pourquoi-tant-de-haine

 
Dans un brûlot truffé d'erreurs et traversé de rumeurs, à paraître le 21 avril chez Grasset sous le titre Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne, Michel Onfray, qui n'est pas historien et ignore tout des travaux produits depuis quarante ans par les véritables historiens de Freud et de la psychanalyse (des dizaines d'essais dans le monde, dont les principaux sont traduits en français), se présente pourtant comme le premier biographe de Freud capable de décrypter des légendes dorées déjà invalidées depuis des décennies. Se transformant en affabulateur découvrant des vérités occultes qui auraient été dissimulées par la société occidentale - elle-même dominée par la dictature freudienne et par ses milices - il traite les Juifs, inventeurs d'un monothéisme mortifère, de précurseurs des régimes totalitaires, Freud de tyran de toutes les femmes de sa maisonnée et d'abuseur sexuel pervers de sa belle-soeur : homophobe, phallocrate, faussaire, avide d'argent, faisant payer ses séances d'analyse 450 euros.

Il décrit le savant viennois comme un admirateur de Mussolini, complice du régime hitlérien (par sa théorisation de la pulsion de mort) et fait de la psychanalyse une science fasciste fondée sur l'adéquation du bourreau et de la victime. Tout en se déclarant proudhonien et parfois freudo-marxiste, il réhabilite le discours de l'extrême droite française (Debray-Ritzen et Bénesteau, notamment) avec lequel il entretient une réelle connivence. De telles positions vont bien au-delà d'un simple débat sur Freud et la psychanalyse. Car à force d'inventer des faits qui n'existent pas et de fabriquer des révélations qui n'en sont pas, l'auteur de ce brûlot hâtif et brouillon favorise la prolifération des rumeurs les plus extravagantes : c'est ainsi que des médias ont déjà annoncé que Freud avait séjourné à Berlin durant l'entre deux guerres, qu'il avait été le médecin d'Hitler et de Göring, l'ami personnel de Mussolini et un formidable violeur de femmes.

Quand on sait que huit millions de personnes en France sont traités par des thérapies qui dérivent de la psychanalyse, on voit bien qu'il y a dans un tel livre et dans les propos tenus par l'auteur une volonté de nuire qui ne pourra, à terme, que soulever l'indignation de tous ceux qui - psychiatres, psychanalystes, psychologues, psychothérapeutes - apportent une aide indispensable à une population saisie autant par la misère économique - les enfants en détresse, les fous, les immigrés, les pauvres - que par une souffrance psychique largement mise en évidence par tous les collectifs de spécialistes.
 
 
1- Description de l'ouvrage

Le 21 avril 2010 sort en librairie, sous la plume de Michel Onfray, un nouveau brûlot contre Freud : Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne. Publié chez Grasset et composé de cinq parties, l'ouvrage est dénué de sources et de notes bibliographiques. Il est truffé d'erreurs et traversé de rumeurs. L'auteur projette sur l'objet haï ses propres obsessions - les Juifs, le sexe pervers, les complots - au point de faire de Freud un double inverti de lui-même, et de la psychanalyse l'expression d'une autobiographie de son fondateur transformé en criminel affabulateur. Face à cet alter-ego, rejeté en enfer, l'auteur se veut un libérateur venant sauver le peuple français de sa croyance en une idole dont il annonce le crépuscule.

Négligeant les ouvrages consacrés à Freud depuis quarante ans, Onfray se présente comme un historien sérieux, écrivant la première biographie non autorisée de Freud et laissant croire que ne sont aujourd'hui disponibles que celles d'Ernest Jones et de Peter Gay, parues, la première entre 1953 et 1957, et la deuxième en 1988. Il ne cite ni les travaux des historiens de Vienne (Schorske, Johnston, Le Rider, etc...), ni ceux consacrés à la question de la judéité de Freud (Yerushalmi, Yovel, Derrida, Gay, etc...), ni aucun des essais (des dizaines dans le monde, dont beaucoup sont traduits en français) concernant les différents aspects de la vie de Freud : on connaît aujourd'hui au jour le jour chaque événement de la vie de celui-ci et de celles de ses compagnons, disciples et dissidents. Onfray ne connaît rien à la vie de Josef Breuer, Wilhelm Fliess, Sandor Ferenczi, Otto Rank, Ernest Jones, Alfred Adler, Carl Gustav Jung, Melanie Klein, Marie Bonaparte, Lou Andreas-Salomé, Anna Freud (à propos de laquelle il cite une biographie erronée que plus personne ne lit). Pas un mot sur la question discutée de la sexualité féminine (de Helen Deutsch à Karen Horney en passant par Simone de Beauvoir, Juliet Mitchell Judith Butler), ni sur l'histoire de la fondation de l'International Psychoanalytical Association (IPA), ni sur la révision des grands cas (à propos desquels il commet de lourdes bévues).

Quant à l'oeuvre de Freud, traduite en 60 langues, Onfray dit en avoir pris connaissance pendant cinq mois (entre juin et décembre 2009) dans la traduction des PUF, celle qui est aujourd'hui la plus critiquée par l'ensemble des spécialistes. Il ne fait aucune référence au grand débat sur les traductions et n'a consulté aucune archive : ni à la Library of Congress (LOc) de Washington, ni au Freud Museum de Londres. Il ignore le monde anglophone, germanophone et latino-américain et ne connaît guère l'histoire de la psychanalyse en France.

Onfray cite l'ouvrage de Henri Ellenberger, Histoire de la découverte de l'inconscient paru en 1970 (en anglais) et traduit pour la première fois en français en 1974 et réédité en 1994. Il souligne qu'il s'agit là de la première grande révision de l'histoire officielle de Freud, ce qui est inexact puisqu'il oublie l'oeuvre d'Ola Andersson (Freud avant Freud. La préhistoire de la psychanalyse (1962), Les empêcheurs de penser en rond, 1997), antérieure à celle d'Ellenberger. En outre, comme il date la parution du livre d'Ellenberger de 1991, il fait donc débuter l'historiographie savante avec vingt ans de retard, tout en soulignant qu'elle est encore occultée aujourd'hui, alors même qu'elle est en pleine expansion et que les archives de la LOc, après les grandes batailles des années 1990, sont en train d'être déclassifiées selon les règles en vigueur. Onfray se trompe également sur la date de parution du livre de Frank Sulloway, Freud biologiste de l'esprit, publié en anglais en 1978 et deux fois édité en français (1981 et 1998, Fayard.) Il croit donc qu'aucun travail non hagiographique n'existe à ce jour sur Freud, ce qui lui permet de se présenter comme le premier auteur à redresser des légendes dorées, déjà invalidées depuis trente ans. Il ne fait d'ailleurs aucune différence entre histoire pieuse, histoire officielle, pensée irrationnelle, historiographie fondée sur des légendes noires et des rumeurs (courant dit «révisionniste» ou, en anglais, «destructeur de Freud») et histoire savante. D'où un manichéisme absolu : d'un côté les «bons» anti-freudiens, de l'autre, les «mauvais» adeptes d'une affabulation.

Ignorant les travaux américains et ne connaissant Freud que par ce qu'il en a lu en français, Onfray se trompe également sur la date de parution de la correspondance non expurgée de Freud avec le médecin berlinois Wilhelm Fliess essentielle pour décrypter les modalités de de l'invention de la psychanalyse et les hésitations et errances du premier Freud. Celle-ci est pourtant disponible en anglais, allemand, portugais, espagnol depuis 1986. Elle a été traduite pour la première fois en français en 2006, soit vingt ans plus tard, ce qui fait croire à Onfray qu'elle a été occultée jusqu'à nos jours.

N'étant formé à aucune tradition de recherche universitaire, n'ayant aucune idée de ce qu'est l'internationalisation de la recherche en histoire, Onfray néglige la réalité du travail historiographique qui se fait dans ce domaine depuis des décennies, mais il s'appuie sur ce qu'il considère comme le nec plus ultra de la recherche historique : Le lIvre noir de la psychanalyse (Les Arènes, 2005), qui réunit une quarantaine de contributions. Si Freud y est traité d'escroc et de menteur, avide d'argent et incestueux par le courant historiographique révisionniste américain, les psychanalystes - français notamment - y sont accusés de complots et de contaminations diverses, les uns parce qu'ils auraient été défavorables à la vente de seringues pour les malades du sida - rumeur inventée de toutes pièces - et les autres parce que, adeptes de Françoise Dolto, morte en 1988, ils auraient favorisé après 2000 l'abaissement de l'autorité à l'école en idéalisant l' «enfant roi». Quant à Jacques Lacan, il est comparé à un gourou de secte, tandis que l'ensemble des associations psychanalytiques sont brocardées pour avoir été à l'origine d'un véritable goulag freudien : au moins dix mille morts en France. Aucune source ne vient étayer cette affirmation insensée.

Contrairement à ses nouveaux amis qui ont réussi, comme il le raconte lui-même (Crépuscule, p. 585), à le convertir à la vraie vérité - celle de la conspiration des freudiens contre la société occidentale -, Onfray ne s'attaque qu'à Freud, laissant entendre que plus tard, dans un autre volume, il s'occupera de ses héritiers.
 
 

2- Portrait de l'auteur en dieu solaire, hédoniste et masturbateur


Avant d'analyser le contenu du brûlot, il faut donner quelques indications permettant de comprendre comment Onfray en est arrivé à se «convertir» à l'anti-freudisme le plus radical.
Fondateur d'une Université populaire à Caen, il est connu pour avoir rassemblé autour de lui un vaste public qui suit son enseignement en croyant avoir affaire à une entreprise moderne de rénovation du discours philosophique. Convaincu que l'Université française et l'Ecole républicaine sont des lieux de perdition dans lesquels des professeurs assènent à des enfants des vérités officielles dictées par un Etat totalitaire, Onfray a entrepris une révision de l'histoire des savoirs dits «officiels». Il se veut libertaire, d'extrême gauche, adepte de Proudhon contre Marx et se proclame le défenseur du peuple exploité par le capitalisme. Aussi a-t-il été pendant un temps proche du Nouveau parti anticapitaliste avant d'appeler à voter pour le Front gauche aux dernières élections régionales.

Depuis plusieurs années, il diffuse largement une «contre-histoire de la philosophie», qui prétend lever des refoulements sur des savoirs qui auraient été censurés par les professeurs, par le pape, par les prêtres. Aussi a-t-il mis au point une méthodologie qui s'appuie sur le principe de la préfiguration : tout est déjà dans tout avant même la survenue d'un événement.

Grâce à cette méthodologie, qui rencontre un vrai succès populaire auprès d'un public fasciné par ce qu'il croit être une insurrection des consciences, Onfray a pu affirmer qu'Emmanuel Kant, philosophe allemand des Lumières, n'était qu'un précurseur d'Adolf Eichmann - l'organisateur de la «Solution finale» qui se voulait kantien (Le songe d'Eichmann, Galilée, 2008) -, que les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) sont en eux-mêmes des entreprises génocidaires, que l'évangéliste Jean est l'ancêtre d'Hitler, que Jésus préfigure Hiroshima, et qu'enfin tous les musulmans de la planète sont des fascistes guidés par d'infâmes ayatollahs (Traité d'athéologie, Grasset, 2005)

A l'origine de cette sombre affaire, les Juifs, fondateurs du premier monothéisme - c'est-à-dire d'une religion sanguinaire, axée sur la pulsion de mort - seraient donc, selon Onfray, les responsables de tous les malheurs de l'Occident, les véritables «inventeurs de la guerre sainte» : «Car le monothéisme tient pour la pulsion de mort, il chérit la mort, il jouit de la mort, il est fasciné par la mort, il est fasciné par elle (...) De l'épée sanguinaire des Juifs exterminant les Cananéens à l'usage d'avion de ligne comme de bombes volantes à New York, en passant par le largage de charges atomiques à Hiroshima et Nagasaki, tout se fait au nom de Dieu, béni par lui mais surtout béni par ceux qui s'en réclament.» (Traité d'athéologie, p. 201, 212, 228, etc...)

A cette humanité monothéiste (juive, chrétienne, musulmane) exclusivement vouée à la haine et à la destruction, Onfray oppose une humanité athéologique, soucieuse de l'avénement d'un monde hygiéniste, paradisiaque, hédoniste : celle orchestrée par un dieu solaire et païen, entièrement habité par la pulsion de vie et dont lui, Onfray, serait le représentant sur terre avec pour mission d'inculquer à ses disciples la meilleure manière de jouir sexuellement de leur corps et du corps de leurs voisins : par la masturbation. Bien qu'il ne sache pas de quoi il parle et qu'il ne cite pas le livre de Thomas Laqueur (Le sexe solitaire. Contribution à une histoire de la sexualité, Gallimard, 2004), Onfray se montre bien décidé à faire du pénis l'objet d'un culte phallique et volcanique hérité des anciens dieux de la Grèce, lesquels, en tant que présocratiques, seraient les précurseurs de Nietzsche. Que Nietzsche ait effectué un grand retour aux présocratiques ne fait pourtant pas de ceux-ci un précurseur de celui-là.

Au fil d'un enseignement fortement médiatisé, Onfray a réussi à convaincre un large public que les représentants de ce dieu païen, célébrant les vertus de la foudre, des comètes et des orages, n'ont jamais fait la guerre à quiconque et sont des pacifistes admirables. Dans cette Grèce vertueuse du bocage de basse Normandie, inventée par Onfray, Homère n'existe pas, ni la guerre de Troie, ni Ulysse, ni Achille, ni Zeus, ni Ouranos, ni les titans, ni la tragédie....
Onfray raconte qu'il a été, dans son enfance, la victime de méchants prêtres «salésiens», dont certains étaient pédophiles (Le crépuscule, p. 15) et qui ont fait de lui ce qu'il est devenu. Rebelle en émoi, hanté par le complot oedipien qui se serait abattu sur lui, il affirme que son père, «malheureux employé de laiterie», aurait été la victime passive de sa mère tout au long d'un drame ayant pour toile de fond le «marché de la sous-préfecture d'Argentan» (p.15). Cette mère haïe avait été elle-même abandonnée dans un cageot à sa naissance et elle en avait conçu une détestation de son propre fils, au point de le frapper et de lui prédire qu'il finirait sa vie sous l'échafaud : «Sans jamais avoir tué père (et surtout) mère, ni visé une carrière de bandit de grand chemin, encore moins envisagé l'art de l'égorgeur, je me voyais mal sous le couteau de la veuve. Ma mère si!» (La puissance d'exister,Grasset, 2006, présentation par l'auteur)

Pour se venger de la haine que lui a inspiré sa mère, il a décidé d'attaquer celui qu'il considère comme le responsable de tous les complots contre le père : Sigmund Freud, dont on sait qu'il fut adoré par sa mère. Onfray l'avait admiré pourtant au point de le lire dès son enfance en se masturbant (Philosophie Magazine, 36, février 2010, p. 10) puis d'inclure sa glorieuse histoire dans celle de l'athéologie (Traité, p. 265). Mais voilà que, depuis sa conversion, Onfray dénonce le complotisme freudien qui consiste, selon lui, à promouvoir la haine des pères et l'adoration des mères pour mieux les séduire sexuellement : telle est à ses yeux l'essence de la psychanalyse, pur et simple récit autobiographique de ce fondateur dépravé dont il «n'avait pas prémédité l'assassinat» (Livres-hebdo, p. 16.)

Et du coup, il tente, contre Freud et contre le judéo-christianisme, de réhabiliter la figure maltraitée du père : un père solaire, flamboyant et phallique. Mais il n'aime les pères qu'à condition qu'ils ne soient jamais pères. Fervent adepte du célibat, Onfray ne cesse d'affirmer son refus de la paternité : «Les stériles volontaires aiment autant les enfants, voire plus, que les reproducteurs prolifiques (...) Qui trouve le réel assez désirable pour initier son fils ou sa fille à l'inéluctabilité de la mort, à la fausseté des relations entre les hommes, à l'intérêt qui mène le monde, à l'obligation du travail salarié? (...) Il faudrait appeler amour cet art de transmettre pareilles vilenies à la chair de sa chair?» (Théorie du corps amoureux(2000), LGF, 2007, p. 218-220)

3- Freud pervers sexuel, la psychanalyse science nazie

Pour mieux faire de son brûlot la suite logique de sa contre histoire des savoirs officiels, Onfray présente Freud comme un monstre pervers, maltraitant son père jugé pédophile, ayant abusé psychiquement de ses trois filles (Mathilde, Sophie et Anna), et commis l'adultère avec sa belle-sœur pendant quarante ans, de 1898 à sa mort. L'appartement de Vienne aurait été, selon lui, un lupanar et Freud un abominable Œdipe : il ne pensait qu'à coucher réellement avec sa mère (même à un âge avancé) puis à occire vraiment son père (même après la mort de celui-ci, survenue en 1896), et enfin a fabriquer des enfants incestueux pour mieux les violenter.

C'est ainsi que pendant dix ans, Freud aurait torturé sa fille Anna tout au long d'une analyse en forme de procès inquisitorial qui se serait déroulé de 1918 à 1929 et au cours de laquelle, chaque jour, dans le secret de son cabinet, il l'aurait incité à devenir homosexuelle (Le crépuscule, p. 243-245). S'il est exact que Freud a bien analysé sa fille, la cure a duré quatre ans et non pas dix. Et quand Anna a commencé à se rendre compte de son attirance pour les femmes, Freud l'a plutôt incitée à s'orienter vers le travail intellectuel. Par la suite, quand elle a vécu avec Dorothy Burlingham et qu'elle a «adopté» les enfants de celle-ci, il a fait preuve de tolérance. Freud n'était ni homophobe ni misogyne, même si sa conception de la sexualité féminine est discutable et a été discutée de nombreuses fois.

Peu importe les discussions des féministes et autres chercheurs : Onfray affirme que le grand abuseur viennois n'était autre qu'un escroc «ontologiquement homophobe» (Le crépuscule, p. 513-513). L'homophobie ontologique selon Onfray serait très différente de l'homophobie politique. La première consisterait à faire de l'homosexualité une perversion et la deuxième viserait à «criminaliser» l'homosexualité. Cette distinction est d'autant plus ridicule qu'elle vise à faire entrer Freud dans la catégorie des pervers. Or, la vérité sur cette affaire est toute différente. Freud, au contraire de bon nombre de ses disciples, ne considérait pas l'homosexualité comme une perversion et il était favorable, politiquement, à une émancipation des homosexuels.

Une fois de plus, la thèse d'Onfray n'a aucun fondement, sinon d'exprimer la détestation qu'il voue lui-même à l'homosexualité masculine et féminine. En faisant de Freud un dictateur phallocrate possesseur de toutes les femmes - sa mère, ses soeurs, sa belle soeur, ses filles, son épouse -, il parle encore de lui-même. N'a-t-il pas, à de nombreuses reprises, énoncé, en plus de son choix du célibat et de la non paternité, son goût philosophique pour la polygamie solaire, érotique, hédoniste, volcanique, païenne et anti-judéochrétienne ? Rien à redire à cela sinon que, s'agissant de Freud, il se transforme en inquisiteur de ce dont, par ailleurs, il prétend être l'adepte.

Cédant à une ancienne rumeur inventée par Carl Gustav Jung (et réactualisée par les révisionnistes de l'école américaine et les puritains) selon laquelle, Freud aurait eu, en 1898, une liaison avec Minna Bernays, la soeur de sa femme Martha, lors d'un voyage en Engadine (cf. Sigmund Freud, Notre coeur tend vers le sud. Correspondance de voyage 1895-1923, Fayard, 2005 et Le nouvel observateur, 1er février 2007), Onfray en vient à imaginer que celui-ci aurait eu des relations sexuelles perverses avec elle tout au long de sa vie, dans la chambre contiguë à la sienne et sous le regard complice de sa femme qui aurait souvent assisté aux ébats des deux amants. Pire encore, Freud aurait engrossée Minna pour l'obliger ensuite à se faire avorter. A l'évidence, Onfray, aussi peu soucieux des lois de la chronologie que de celles de la procréation, situe cet événement en 1923. Or, à cette date, Minna était âgée de 58 ans et Freud de 67.

Et Onfray d'ajouter que Freud aurait cédé à la tentation de subir une opération des canaux spermatiques destinée à augmenter sa puissance sexuelle afin de mieux jouir du corps de MInna : «Cette année-là, âgé de soixante-sept ans, écrit-il, Freud le scientifique se fait ligaturer les canaux spermatiques sous prétexte que ce genre d'intervention rajeunit le sujet et ravive les puissances sexuelles défaillantes - les tenants de la version hagiographique du héros renonçant à la sexualité pour sublimer sa libido dans la production d'une oeuvre universelle, la psychanalyse, devront revoir leur copie... En revanche, pour les tenants d'une vie sexuelle active avec tante Minna, et l'hypothèse d'un voyage effectué en Italie pour cause d'avortement, les choses paraissent cohérentes... Les hagiographes l'affirment benoîtement : cette ligature prévenait la récidive de cancer.» (Crépuscule, p. 246). Et dans un entretien donné à Livres-hebdo (9 avril 2010, p. 16), il ajoute que Freud aurait aussi entretenu des «relations symboliquement incestueuses avec la fille de sa maîtresse. Avec Freud, le bordel n'est jamais très loin du monastère». Mais qui est donc cette fille? Minna n'a jamais eu d'enfant. On se demande comment le journaliste qui s'entretient avec Onfray peut avaler de telles sottises. A l'émission de Franz-Olivier Giesbert (France 2, 9 avril), il a même dit devant la mine réjouie de son interlocuteur - fier de recueillir des «révélations» de première main - que Freud avait «travaillé à l'Institut-Göring de Berlin entre 1935 et 1938». Or il n'a pas bougé de Vienne à cette époque. Quant à la collaboration des freudiens et de Jones à la politique d'«aryanisation» de la psychothérapie allemande orchestrée par Matthias Göring, elle est parfaitement connue des historiens : Freud a laissé faire - et c'est une faute politique grave - à la suite d'un long conflit dont on trouve la trace dans sa correspondance avec Max Eitingon (Hachette-Littératures, 2009) que Onfray ne cite pas puisqu'il ne connaît pas le détail de cette affaire. Onfray a affirmé en outre que Freud, avide d'argent, escroc, faussaire, menteur prenait pour ses séances à Vienne la somme de 450 euros, ce qui laisserait entendre que tous ses héritiers l'auraient imité. Pour qui connaît la réalité de la pratique psychanalytique - et même celle de ses pires dérives -, force est de constater qu'il s'agit là d'une conviction délirante.
Convaincu que Minna pouvait être enceinte à l'âge de 58 ans, et ignorant l'histoire de la médecine, Onfray attribue aux hagiographes d'avoir occulté la vérité concernant la sexualité de Freud. La réalité est toute différente : en 1923, Freud a en effet subi une opération de ligature dite «opération de Steinbach». Cet endocrinologue était l'un des premiers à avoir découvert la fonction des cellules interstitielles qui sécrètent les hormones mâles. En ligaturant les canaux, il pensait obtenir une relative hypertrophie des cellules et par conséquent un «rajeunissement» du sujet. Comme on pensait à l'époque que la formation du cancer était partiellement due au processus de vieillissement, l'opération de «rajeunissement de Steinbach» était considérée comme un moyen de prévenir le retour du cancer (cf. Max Schur, La mort dans la vie de Freud, Gallimard, 1972, p. 434).

Défenseur du plaisir solitaire et solaire, Onfray accuse Freud, non seulement d'avoir engrossé sa belle soeur, mais d'avoir favorisé une immense répression de la masturbation (Le crépuscule, p. 497-504). L'attaque est d'autant plus comique que Freud a été voué aux gémonies par de nombreux sexologues puritains du début du XXè siècle pour avoir condamné toutes les tortures que l'on infligeait aux enfants pour réprimer la masturbation (mains attachées dans le lit, appareils effrayants, excision des filles, menaces diverses, coups, etc...).

Obsédé par la pédophilie, Onfray ne cesse de faire des déclarations dans la presse pour dénoncer tous ceux qu'il soupçonne d'être les complices de ce crime. Reprenant à son compte des accusations grotesques contre Daniel Cohn-Bendit, et citant une fameuse pétition de 1977 signée par de nombreux intellectuels français favorables, à l'époque, à une révision de la loi sur la sexualité des adolescents (Sirinelli, Intellectuels et passions françaises, Fayard, 1990, p. 269-270), il n'a pas hésité, dans son blog de novembre 2009, à fustiger l'ensemble de l'intelligentsia française : des suppôts de la pédophilie, dit-il («Pédophilie mon amour»). Et de même, il a pourfendu Roman Polanski et Frédéric Mitterrand : «La pédophilie a bonne presse, écrit-il. Quand Bayrou rappelle à juste titre que Cohn-Bendit caressait le sexe des enfants et se laissait caresser par eux, c'est Bayrou l'infâme! (...) Quand la pétition contre la majorité sexuelle rassemble en 1977 la fine fleur des intellectuels d'alors (Derrida, Deleuze, Guattari, Althusser, Sartre, Beauvoir, Sollers, etc.....) mais aussi les désormais sarkozystes Kouchner, Bruckner, Glucksmann (...) personne ne trouve à redire, pas même Dolto, signataire elle aussi».

Si Freud est un pervers sexuel, cela signifie pour Onfray que sa doctrine n'est que le prolongement d'une perversion plus grave encore en ce qu'elle a trait à des origines honteuses : elle serait, selon Onfray, le produit de quelque chose d'étranger au corps normal et sain de l'homme, un hétérogène lié à des stigmates précis. Elle serait donc l'inverse de la doctrine professée par ce dieu solaire et volcanique, source de vie et antithèse absolue du judéo-christianisme créateur de guerre, de destruction et de pulsion de mort. Aussi bien Onfray fait-il alors de la psychanalyse le «produit d'une culture décadente fin de siècle qui a proliféré comme une plante vénéneuse» (Le crépuscule, p. 566-567). Il reprend ainsi à son compte la grande thématique de l'extrême droite française qui, depuis Léon Daudet, a toujours comparé la psychanalyse à une une science étrangère («boche» ou «juive»), venant se greffer comme un parasite sur le corps de l'Etat-nation, une science mortifère, conçue par un cerveau dégénéré et née dans une ville dépravée (Vienne) au coeur d'un Empire en pleine déliquescence.
On ne s'étonnera donc pas de voir surgir sous sa plume, non pas une critique de la psychanalyse à la manière de Theodor Adorno, d'Herbert Marcuse, des féministes ou des culturalistes américains, ou encore de Gilles Deleuze ou de Michel Foucault, mais une accusation semblable à celle des adeptes du néo-paganisme anti-judéochrétien. Car c'est bien dans cette veine que se situe l'auteur du Crépuscule d'une idole quand, retournant l'accusation de «science juive» prononcée par les nazis contre la psychanalyse, il fait de celle-ci une science fasciste (Crépuscule, p. 566 et sq.) et de son fondateur une sorte de dictateur hitlérien adepte de l'inégalité des races (p.533).

Le raisonnement est simple : accusant Freud d'avoir théorisé la notion de pulsion de mort et de l'avoir inscrite au coeur de l'histoire humaine, Onfray en vient à affirmer que puisque les nazis ont mené à son terme le plus barbare l'accomplissement de cette pulsion, cela signifie bien que Freud serait le précurseur de cette barbarie et aussi un représentant des anti-Lumières, animé par la «haine de soi juive» (Crépuscule, p. 228 et 476). Mais il aurait fait pire encore : en publiant, en 1939, L'homme Moïse et la religion monothéiste, c'est-à-dire en faisant de Moïse un Egyptien et du meurtre du père l'un des principes de l'avènement des sociétés humaines, il aurait assassiné le père de la Loi judaïque, favorisant ainsi l'extermination par les nazis de son propre peuple (Crépuscule, p. 226-227). Il serait donc, de nouveau par anticipation, un persécuteur de Juif, qui, ne pouvant pas s'avouer national-socialiste parce qu'il est juif, aurait transféré sa ferveur envers Hitler en une admiration pour Mussolini, au point de les imiter dans Psychologie des masses et analyse du moi, ouvrage publié en 1921 et qui ne traite pas de ce sujet : «A l'évidence, Freud, en tant que Juif, ne peut rien sauver du national-socialisme. En revanche, le césarisme autoritaire de Mussolini et l'austro-fascisme de Dollfuss illustrent à merveille les thèses de Psychologie des masses et analyse du moi.» Et Onfray prétend apporter la preuve de ce qu'il avance en utilisant une anecdote connue de tous les historiens..

En 1933, Edoardo Weiss, disciple italien de Freud, présente à celui-ci, à Vienne, une patiente qu'il a en traitement. Le père de celle-ci, Gioacchino Forzano, auteur de comédies et ami de Mussolini, accompagne sa fille. Au terme de la consultation, il demande à Freud de dédicacer un de ses livres pour le Duce. Par égard pour Weiss, qui sera contraint ensuite à l'émigration, Freud y consent et choisit Pourquoi la guerre? écrit en collaboration avec Einstein (1932-33) : «A Benito Mussolini, avec le salut respectueux d'un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture.» Par la suite, Weiss demandera à Jones de passer sous silence cet événement, mais celui-ci s'y refusera, allant même jusqu'à accuser Weiss de complicité avec Mussolini.
Sans connaître les détails de cette affaire, à propos de laquelle il se trompe lourdement, Onfray en conclut que Freud est un fasciste (Crépuscule, p. 524-532) et que Pourquoi la guerre?, écrit en collaboration avec Einstein, est une apologie du crime.
Quand on sait que Freud fut un penseur des Lumières sombres et jamais l'adepte des anti-Lumières, qu'il souligna que le meurtre du père était l'acte fondateur des sociétés humaines à condition toutefois que le meurtre fût sanctionné par la Loi (modèle des tragédies grecques) et qu'il était l'admirateur autant de Cromwell (le régicide) que de la monarchie constitutionnelle anglaise (capable de sanctionner le régicide), on se demande comment Onfray peut soutenir de telles extravagances.

Si la psychanalyse est, comme il l'affirme, une science nazie et fasciste, cela signifie qu'elle est incompatible avec la démocratie . Mais pourquoi alors ne s'est-elle développée que dans les pays où s'était instauré un Etat de droit? Pourquoi a-t-elle toujours été bannie, en tant que telle, par les régimes totalitaires ou théocratiques, même quand ses praticiens collaboraient avec de tels régimes? Onfray ne se pose pas la question et se contente d'affirmer que si elle a eu du succès, c'est parce que Freud a organisé des «milices» pour la défendre, la transformant ainsi en une religion fanatique favorisant la guerre et les boucheries de guerres, préfigurant Auschwitz, Hiroshima et les guerres coloniales. En conséquence, elle ne devrait sa survie qu'au fait qu'elle poserait une adéquation entre bourreau et victime.

Refusant le principe même de l'histoire des sciences selon lequel aucune norme ne doit être essentialisée par rapport à une pathologie - puisque les phénomènes pathologiques sont toujours des variations quantitatives des phénomènes normaux -, Onfray reconduit une vision manichéiste de la relation entre le normal et le pathologique. Il la pense selon l'axe du bien et du mal : d'un côté le paradis de la norme (les adeptes du dieu solaire, pacifistes et hédonistes), de l'autre, l'enfer de la pathologie (les fous, les salauds, les pervers, les monstres, les chrétiens, les Juifs, les nazis, les musulmans). Tant et si bien qu'il en vient à affirmer que la psychanalyse n'est pas capable - pas plus que Freud lui-même - de distinguer le bourreau de la victime, puisque, pour elle, «tout se vaut» : le malade et l'homme normal, le fou et le psychiatre, le pédophile et le bon père, etc... Et, à propos de l'extermination des quatre soeurs de Freud par les nazis, il en conclut «qu'on ne peut pas comprendre le problème de la Solution finale qui saisit la famille Freud. De quelle manière saisir intellectuellement, dit-il, ce qui psychiquement distingue Adolfine, morte de faim à Theresienstadt, et ses trois autres sœurs disparues dans les fours crématoires en 1942 à Auschwitz et Rudolf Höss, puisque rien ne les distingue psychiquement sinon quelques degrés à peine visibles et comptant pour si peu que Freud n'a jamais théorisé cet écart minime, pourtant tellement majeur?" (Crépuscule, p. 566).

Notons au passage qu‘Onfray se trompe de camp : Rosa fut exterminée à Treblinka et Mitzi et Paula à Maly Trostinec. Si la «Solution finale» a bien saisi la famille Freud, ce n'est certainement pas dans ce face à face sans «distinction psychique» imaginé par Onfray entre le Commandant du camp d'Auschwitz (Höss) et les quatre soeurs du fondateur de la psychanalyse, accusé d'avoir éliminé, par anticipation, toute différence entre l'exterminateur et ses victimes.
«Que la haine soit l'autre visage de l'amour, écrit Onfray parlant de Freud, qu'on me permette de douter, d'abord parce qu'il n'y a pas chez moi de haine de la psychanalyse (...)» Et il ajoute : «Toute haine d'une victime juive pour son bourreau nazi me semble loin de signifier chez elle un autre nom de l'amour! Il faut en finir avec ce genre de pseudo-argument freudien que le rien est l'une des modalités du tout, que le blanc est l'une des modalités du noir, que la critique (ouverte) de Freud est l'une des modalités (inconsciente) de l'amour de Freud.» (Lire, mars 2010, p.35)

Emporté par le déni de sa haine, Onfray ne cesse d'attribuer au fondateur de la psychanalyse ses propres obsessions. C'est bien Onfray et non pas Freud qui se permet d'affirmer que la haine d'une victime juive pour son bourreau nazi est l'autre nom de l'amour. Et c'est de son imagination qu'est sorti le scénario macabre de ce face à face entre Rudolf Höss et les quatre soeurs de Freud.
Puisque la psychanalyse n'est que l'autre nom d'une science fasciste inventée par un Juif haineux et pervers, on comprend qu'Onfray se livre, à la fin de son ouvrage, à une réhabilitation systématique des thèses paganistes de l'extrême droite française avec lesquelles il entretient une forte relation de connivence.

Ainsi fait-il l'éloge de La scolastique freudienne (Fayard, 1972), ouvrage de Pierre Debray-Ritzen, pédiatre et fondateur de la Nouvelle droite, qui n'a jamais cessé de fustiger autant le divorce et l'avortement que la religion judéo-chrétienne, hostile selon lui, à l'éclosion d'une vraie science matérialiste. D'où sa revendication d'un athéisme forcené fondé sur le culte du paganisme : «Sur la fin de sa vie, écrit Onfray, cet oncle de Régis Debray qui n'en peut mais (sic) animait une émission sur Radio Courtoisie, un média clairement à la droite de la droite (...) Comment entendre la justesse de bons arguments critiques dans un monde où l'essentiel de la classe intellectuelle communie moins dans la gauche que dans son catéchisme?»

Non content de s'en prendre à la gauche française, dont il prétend faire partie, Onfray vante les mérites d'un autre ouvrage, issue de la même tradition, Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire, publié en Belgique par Jacques Bénesteau (Mardaga, 2002), préfacé par un proche du Front national, soutenu par le Club de l'Horloge et dans lequel on peut lire (p.190-191) qu'il n'existait pas d'antisémitisme à Vienne durant l'entre-deux-guerres puisqu'à cette époque de nombreux Juifs occupaient des postes importants dans toute les sphères de la société civile : «Dans son ouvrage, écrit Onfray, Bénesteau critique l'usage que Freud fait de l'antisémitisme pour expliquer sa mise à l'écart par ses pairs, son absence de reconnaissance par l'université, la lenteur de son succès. En fait de démonstration, il explique qu'à Vienne à cette époque nombre de Juifs occupent des postes importants dans la justice la politique, l'édition, ce qui lui vaudra d'être rangé dans le camp de «l'antisémitisme masqué» par Elisabeth Roudinesco («Le club de l'horloge et la psychanalyse : chronique d'un antisémitisme masqué», Les temps modernes, 627, avril-mai-juin 2004) - masqué, autrement dit invisible bien que présent et réel (...) Or, la lecture de ce gros livre ne contient aucune remarque antisémite (sic), on n'y trouve aucune position qui dirait la préférence politique de son auteur.» (Crépuscule, p. 596).

Au terme de son furieux réquisitoire, Michel Onfray souscrit à la thèse selon laquelle Freud - homophobe, misogyne, défenseur du fascisme, responsable par anticipation de l'extermination de ses soeurs, adepte d'une sexualité malsaine et d'une conception pervertie des relations entre la norme et la pathologie - aurait inventé des persécutions antisémites qui n'existaient nullement à Vienne, manière de voir partout et en toutes circonstances - dans la plus pure tradition de l'idéologie complotiste française (d'Augustin Barruel à Edouard Drumont) - la main, l'oeil et le nez de Freud.
A la lecture d'un tel ouvrage, dont l'enjeu dépasse largement le débat classique entre adeptes et opposants à la psychanalyse, on est en droit de se demander si les considérations marchandes qui ont conduit à cette publication ne sont pas désormais d'un tel poids qu'elles seraient susceptibles d'abolir tout jugement critique et tout sens de la responsabilité? La question en tout cas mérite d'être posée et le débat est ouvert.

Elisabeth Roudinesco, directrice de recherches (Université de Paris-Diderot) est présidente de la SIHPP.
   
 
   

Réponse de Michel Onfray à Elisabeth Roudinesco

http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/170410/reponse-de-michel-onfray-elisabeth-roudinesco

 
Suite à la publication sur Mediapart du texte d'Elisabeth Roudinesco, Pourquoi tant de haine?, consacré à une réfutation du livre de Michel Onfray, Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne, Michel Onfray nous a adressé le texte suivant.

 
Roudinesco sur Onfray
Où l'on apprend ce qu'est la position du missionnaire...
 

Elisabeth Roudinesco a affirmé à un journaliste sidéré qu'elle allait créer une polémique planétaire contre moi, une polémique dont je ne me remettrai jamais! Tudieu! Quelle force de frappe! Quelle puissance pour une si petite dame qui croit pouvoir activer ses réseaux intergalactiques afin de pouvoir continuer à distiller son fiel, enseigner la légende, et puis, bien sûr, empocher les bénéfices de ce petit commerce (très) rentable... Pour ce faire, elle inonde internet d'un «communiqué d'Elisabeth Roudinesco» de dix-huit pages, celui qui fut envoyé à l'Agence France Presse (!), qui est un tissu d'insultes, de mensonges, de contre vérités qui la ridiculisent gravement plus qu'elles ne me nuisent. Elle a intitulé la chose:« Pourquoi tant de haine? (suite)». En effet: Pourquoi tant de haine?

Cette haine, on la cherchera en vain dans mon livre, on pourra également lire les entretiens, visionner les émissions de télévision, écouter mes conversations radiophoniques qui n'ont pas manqué avant même la parution du livre, sinon assister à mes séminaires de l'Université Populaire (où mon amie psychanalyste, Myriam Illouz, enseigne, à ma demande, la psychanalyse -car je crois, pour ma part, aux vertus de la saine confrontation, du dialogue intelligent pour que le public se fasse lui-même une idée juste) : on n'y trouvera aucune haine.

A moins d'estimer que célébrer les vertus de l'histoire contre la dangerosité de la légende ce soit manifester de la haine! Auquel cas, je ne peux rien faire et veux bien être traité de haineux par une femme qui fait de moi à longueur d'ondes, d'entretiens, de papiers, de discours, un nazi, un vichyste, un pétainiste, un compagnon de route des négationnistes, un révisionniste, un antisémite, un défenseur de l'idéologie de l'extrême droite française!

Dans ce «travail» de Madame Roudinesco qui met à jour toute l'épistémologie dont elle est capable, je me contenterai juste d'une remarque pour éviter de reprendre point par point ce chapelet d'insanités. Pas question en effet de répondre de manière circonstanciée et développée à cette phrase tellement ridicule qui prétend qu'avecLe crépuscule d'une idole, j'aurais fait de la psychanalyse «une science nazie et fasciste» (page 15)!

Pas question non plus de faire autre chose que rire à gorge déployée à la lecture de cette sottise crasse: parlant de Freud je l'aurais tellement admiré que je l'aurais lu dans «mon enfance» (quel talent!) en me masturbant (page 8) (quel autre talent!)...

Pas question de commenter le diagnostic digne d'un élève de terminale (après sa première leçon de psychanalyse dans son cours de philo...) concernant la «haine» (page 8) que j'aurais pour ma mère, une information prélevée dans La puissance d'exister un livre justement dédié... à ma mère!
Pas question de répondre à l'assertion que j'aurais lu Freud en cinq mois quand, dans la préface, je signale avoir commencé ma lecture en 1973 alors que, sans craindre la contradiction, elle prétend elle-même que son Mentor me servait à me tripoter dans les cabinets dans mon «enfance»...
Pas question de montrer que ce livre, prétendument «dénué de sources et de notes bibliographiques» (page 2) comporte une bibliographie de vingt pages, interligne «un», soit plus de 50.000 signes, et de faire remarquer que les notes ne sont pas en bas de page, mais derrière chaque citation tant il y en a, (quatre ou cinq par pages en moyenne...) , ce que précise la seule note en bas de page de mon livre (page 37)!
Pas question de relever le mépris venu des beaux quartiers parisiens que ses honoraires lui permettent d'habiter contre moi qui suis tout juste un goy terroir «du bocage de Basse-Normandie» (page 7).

Pas question de tourner le couteau dans la plaie en relevant les passages dans lesquels Madame Roudinesco défend les pédophiles et la pédophilie (page 12) et attaque ceux qui l'attaquent -dont moi qui préfère me trouver de ce côté-là de la barrière que du sien, pour ça comme pour le reste....
Pas question de raviver le prurit en commentant cette assertion que j'aurais écrit «la première biographie non autorisée de Freud (en) laissant croire que ne sont aujourd'hui disponibles que celle d'Ernest Jones et de Peter Gay, parues la première entre 1953 et 1957, et la deuxième en 1988» (p.2) alors que je renvoie, pour le travail le plus récent, aux presque mille pages intitulées Si c'était Freud... de Gérard Huber paru en août 2009 -mention donnée dans la bibliographie (p.584). Par ailleurs, je n'ai nulle part dit qu'il s'agissait d'une «biographie non autorisée»!
Pas question de préciser que, concernant la correspondance de Freud avec Max Eitingon (dont Madame Roudinesco écrit: il «ne la cite pas puisqu'il ne connaît pas le détail de cette affaire», page 11) se trouve être précisément à la base des développements des deux chapitres intitulés «Salut respectueux de Freud aux dictateurs» et «Le surhomme freudien et la horde primitive» avec un détail de l'analyse des lettres échangées entre les deux hommes pp.549-550. Le livre que je ne connais donc pas est mentionné dans cette fameuse bibliographie qui n'existe pas non plus page 590! On y lira: «Sur la question politique, sur celle des relations entre psychanalyse et national-socialisme, quelques lettres à Eitingon constituent une mine, Correspondance (1906-1939), traduction d'Olivier Mannoni, Hachette, 2009. Egalement indispensable pour approcher la machinerie de l'institution psychanalytique»).

Pas question de montrer mes quartiers de noblesse de gauche (la chose est connue publiquement, la dame le signale elle-même dans ce même texte en me présentant, sans craindre le ridicule d'affirmer l'exact contraire de sa thèse, comme «un freudo-marxiste» (page 1) pour réfuter l'assertion selon laquelle je «réhabilite le discours de l'extrême droite française» (idem)!

Madame Roudinesco qui fut longtemps stalinienne au Parti Communiste français a gardé les tics d'une pathologie qu'on ne soigne jamais: elle est toujours bel et bien l'éleveuse des vipères lubriques et des hyènes dactylographes, ces animaux d'un temps qui fut le sien, celui de sa gloire passée, mais c'était un temps où je n'étais pas encore né...
Juste une remarque: le fichier qu'elle diffuse d'une manière hystérique et compulsive sur le net et qui contient cette prose scientifique (dans le sens que Freud donnait à ce mot...) a pour titre : «Roudinesco sur Onfray»... Si j'étais psychanalyste, ce qu'à Dieu ne plaise, j'y verrai quelque chose comme un acte manqué qui trahit un désir inconscient! Quand je pense qu'on ne peut même pas lui conseiller le divan – puisque c'est déjà fait! Preuve définitive, d'ailleurs, de l'inutilité de ce genre de pratique pour en finir une bonne fois pour toute avec les pathologies mentales, non?
   
 
 
et même une dépêche AFP…

Une dépêche AFP du 15 avril 2010 : Michel Onfray déboulonne Freud et fait grincer des dents
 
De Myriam CHAPLAIN-RIOU (AFP) –

PARIS — Après avoir cogné dur sur Dieu dans un précédent ouvrage, le philosophe Michel Onfray s'attaque à Freud dans une "psycho-biographie" de 600 pages où il l'accuse entre autres maux d'être partisan des régimes autoritaires, cupide et menteur.

Le seul titre de ce pavé divisé en cinq parties, "Le Crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne" (Grasset), à paraître le 21 avril, résume la thèse de l'auteur.

Selon lui, Freud, le père de la psychanalyse, "n'a jamais soigné ni guéri ses patients". Il légitime "la misogynie et l'homophobie" et se révèle "un compagnon de route du césarisme fasciste autoritaire de son temps", dit-il à l'AFP. "Il a fait par exemple une dédicace élogieuse à Mussolini".

Les spécialistes du grand Sigmund (1856-1939) s'étranglent. "Cette anecdote est connue de tous les historiens", explique à l'AFP la philosophe et psychanalyste Elisabeth Roudinesco, qui mène la contre-offensive.

En 1933, un disciple italien de Freud lui présente une de ses patientes. Le père de celle-ci, ami de Mussolini, demande à Freud de dédicacer un de ses livres pour le Duce. Le psychanalyste choisit "Pourquoi la guerre?", co-écrit avec Einstein, et note: "A Benito Mussolini, avec le salut respectueux d'un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture".

"Il faut replacer cela dans le contexte. Ce n'est pas du tout que Freud adhère au fascisme et jamais il n'a fait l'apologie des régimes autoritaires", affirme Mme Roudinesco.

Le livre d'Onfray est "un brûlot truffé d'erreurs et traversé de rumeurs", poursuit-elle. "Il prétend révéler des choses que tout le monde connaît et fait des amalgames".

"Michel Onfray y traite les Juifs, inventeurs du monothéisme, de précurseurs du nazisme et Freud d'abuseur sexuel, admirateur du régime de Mussolini et complice du régime hitlérien par sa théorisation de la pulsion de mort", s'insurge Mme Roudinesco. "Il fait de la psychanalyse une science fasciste fondée sur l'adéquation du bourreau et de la victime".

Faux, rétorque Michel Onfray: "Je n'ai jamais dit que Freud était antisémite. Comment pourrais-je dire une telle bêtise, c'est dérisoire et c'est n'importe quoi !", s'exclame-t-il.
Les quatre soeurs de Freud ont été tuées par les nazis.
"Ce livre est une psycho-biographie nietzschéenne, dans laquelle je croise les faits, les dates et l'oeuvre. Tout est vérifiable", poursuit l'auteur.

"J'ai lu les 6.000 pages de l'oeuvre complète de Freud et sa correspondance. Il y a des notes et une bibliographie à la fin de mon ouvrage. Mais dès qu'on touche à Freud, certains partent au combat pour entretenir les mythologies", ajoute le philosophe.

Michel Onfray se propose, explique-t-il, de penser la psychanalyse comme "une hallucination collective appuyée sur une série de légendes" ainsi qu'il l'a fait avec la religion dans son "Traité d'athéologie" (Grasset, 2005), vendu à plus de 220.000 exemplaires.

Un large pan du livre parle de sexualité. Selon Michel Onfray, si Freud assure avoir choisi de renoncer aux rapports sexuels et de "sublimer", il a en fait "cessé de coucher avec son épouse mais a couché avec sa belle-soeur...". Entre autres.
Dans cette tempête autour de Freud, "les lecteurs seront les juges de paix", conclut Michel Onfray.

("Le Crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne" - Michel Onfray - éditions Bernard Grasset - 612 p. - 22 euros
)
   
 
   
 
 

Onfray et le fantasme antifreudien,

par Elisabeth Roudinesco

 
LE MONDE DES LIVRES | 15.04.10 | 11h43 • Mis à jour le 15.04.10 | 11h43
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/15/onfray-et-le-fantasme-antifreudien-par-elisabeth-roudinesco_1333898_3260.html
Créateur d'une Université populaire à Caen, Michel Onfray s'est fait connaître pour avoir inventé une "contre-histoire de la philosophie" dont la méthodologie s'appuie sur le principe de la préfiguration : tout est déjà dans tout avant même la survenue d'un événement. Cela lui a permis d'affirmer des choses extravagantes : qu'Emmanuel Kant était le précurseur d'Adolf Eichmann - parce que celui-ci se disait kantien (Le Songe d'Eichmann, Galilée, 2008) -, que les trois monothéismes (judaïsme, christianisme et islam) étaient des entreprises génocidaires, que l'évangéliste Jean préfigurait Hitler et Jésus Hiroshima, et enfin que les musulmans étaient des fascistes (Traité d'athéologie, Grasset, 2005). Fondateurs d'un monothéisme axé sur la pulsion de mort, les juifs seraient donc les premiers responsables de tous les malheurs de l'Occident. A cette entreprise mortifère, M. Onfray oppose une religion hédoniste, solaire et païenne, habitée par la pulsion de vie.

C'est dans la même perspective, dit-il, qu'il a lu en cinq mois l'oeuvre complète de Freud puis rédigé ce Crépuscule d'une idole. Truffé d'erreurs, traversé de rumeurs, sans sources bibliographiques, l'ouvrage n'est que la projection des fantasmes de l'auteur sur le personnage de Freud. M. Onfray parle à la première personne pour avancer l'idée que Freud aurait perverti l'Occident en inventant, en 1897, un complot oedipien, c'est-à-dire un récit autobiographique qui ne serait que la traduction de sa propre pathologie. Il fait du théoricien viennois un "faussaire", motivé "par l'argent, la cruauté, l'envie, la haine".
LA FIGURE DU PÈRE

Face à cette figure qui lui sert de repoussoir, et dont il annonce le crépuscule, l'auteur revalorise la destinée des pères, et d'abord du sien propre. Et puisque Freud fut adoré de sa mère, M. Onfray considère que le fondateur de la psychanalyse était un pervers haïssant son père et ayant abusé psychiquement de ses trois filles (Mathilde, Sophie et Anna). L'appartement de Vienne était, selon lui, un lupanar et Freud un Œdipe ne pensant qu'à coucher réellement avec sa mère puis à occire vraiment son père, afin de fabriquer des enfants incestueux pour mieux les violenter. Pendant dix ans, il aurait torturé sa fille Anna tout au long d'une analyse qui aurait duré de 1918 à 1929, et au cours de laquelle, chaque jour, il l'aurait incitée à devenir homosexuelle. La vérité est toute différente : Freud a bien analysé sa fille, mais la cure a duré quatre ans, et quand Anna a commencé à se rendre compte de son attirance pour les femmes, c'est elle qui a choisi son destin et Freud ne l'a pas tyrannisée : il a même fait preuve de tolérance.
Cédant à une rumeur inventée par Carl GustavJung, selon laquelle Freud aurait eu une liaison avec Minna Bernays, la soeur de sa femme Martha, M. Onfray en vient à imaginer, à la suite d'historiens américains du courant dit "révisionniste", que celui-ci l'aurait engrossée puis obligée à avorter. Aussi peu soucieux des lois de la chronologie que de celles de la procréation, M. Onfray situe cet événement en 1923. Or, à cette date, Minna était âgée de 58 ans et Freud de 67.
Et Michel Onfray d'ajouter que Freud aurait cédé à la tentation de subir une opération des canaux spermatiques destinée à augmenter sa puissance sexuelle afin de mieux jouir du corps de Minna. La réalité est toute différente : en 1923, Freud, qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer, subit cette opération de ligature (dite de "Steinbach"), classique à l'époque, et dont on pensait qu'elle pouvait prévenir la récidive des cancers.
Si Freud est un pervers, sa doctrine devient alors le prolongement d'une perversion plus grave encore : elle serait, pour M. Onfray, le "produit d'une culture décadente fin de siècle qui a proliféré comme une plante vénéneuse". L'auteur reprend ainsi une thématique connue depuisLéon Daudet et selon laquelle la psychanalyse serait une science parasitaire, conçue par un cerveau dégénéré et née dans une ville dépravée.

Dans la même veine, il retourne l'accusation de "science juive" prononcée par les nazis contre la psychanalyse pour faire de celle-ci une science raciste : puisque les nazis ont mené à son terme l'accomplissement de la pulsion de mort théorisée par Freud, affirme-t-il, cela signifie que celui-ci serait un admirateur de tous les dictateurs fascistes et racistes. Mais Freud aurait fait pire encore : en publiant, en 1939, L'Homme Moïse et la religion monothéiste, c'est-à-dire en faisant de Moïse un Egyptien et du meurtre du père un moment originel des sociétés humaines, il aurait assassiné le grand prophète de la Loi et serait donc, par anticipation, le complice de l'extermination de son peuple. Quand on sait que Freud soulignait que la naissance de la démocratie était liée à l'avènement d'une loi sanctionnant le meurtre originel et donc la pulsion de mort, on voit bien que l'argument d'un Freud assassin de Moïse et des juifs ne tient pas un instant.
LE BOURREAU ET LA VICTIME

Refusant le principe fondateur de l'histoire des sciences, selon lequel les phénomènes pathologiques sont toujours des variations quantitatives des phénomènes normaux, M. Onfray essentialise l'opposition entre la norme et la pathologie pour soutenir que Freud n'est pas capable de distinguer le malade de l'homme sain, le pédophile du bon père et surtout le bourreau de la victime. Et du coup, à propos de l'extermination des quatre soeurs de Freud, il en conclut qu'à l'aune de la théorie psychanalytique, il est impossible "de saisir intellectuellement ce qui psychiquement distingue Adolfine, morte de faim à Theresienstadt, de ses trois autres soeurs disparues dans les fours crématoires en 1942 à Auschwitz et Rudolf Höss (le commandant du camp d'extermination), puisque rien ne les distingue psychiquement sinon quelques degrés à peine visibles". Au passage, M. Onfray se trompe de camp : Rosa fut exterminée à Treblinka, Mitzi et Paula à Maly Trostinec. Et si la "solution finale" a bien saisi la famille Freud, ce n'est pas dans un tel face-à-face inventé de toutes pièces.
Bien qu'il se réclame de la tradition freudo-marxiste, Michel Onfray se livre en réalité à une réhabilitation des thèses paganistes de l'extrême droite française. Telle est la surprise de ce livre. Ainsi fait-il l'éloge de La Scolastique freudienne (Fayard, 1972), ouvrage de Pierre Debray-Ritzen, pédiatre et membre de la Nouvelle Droite, qui n'a jamais cessé de fustiger le divorce, l'avortement et le judéo-christianisme. Mais il vante aussi les mérites d'un autre ouvrage, issu de la même tradition (Jacques Bénesteau, Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire, Mardaga, 2002), préfacé par un proche du Front national, soutenu par le Club de l'Horloge :"Bénesteau, écrit-il, critique l'usage que Freud fait de l'antisémitisme pour expliquer sa mise à l'écart par ses pairs, son absence de reconnaissance par l'université, la lenteur de son succès. En fait de démonstration, il explique qu'à Vienne à cette époque nombre de juifs occupent des postes importants dans la justice et la politique." Au terme de son réquisitoire, M. Onfray en vient à souscrire à la thèse selon laquelle il n'existait pas de persécutions antisémites à Vienne puisque les juifs étaient nombreux à des postes importants.

On est loin ici d'un simple débat opposant les partisans et les adeptes de la psychanalyse, et l'on est en droit de se demander si les motivations marchandes ne sont pas désormais d'un tel poids éditorial qu'elles finissent par abolir tout jugement critique. La question mérite d'être posée.

Le Crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne de Michel Onfray. Grasset, 600 p., 22 €, en librairie le 21 avril.
Elisabeth Roudinesco
   
 
   

 

Curieusement, c'est dans un roman que sont révélés tous les secrets de la vie de Freud : mon patient Sigmund Freud, Paris, Perrin, 2006 et aussi dans une célèbre pièce de théâtre : La damnation de Freud par Tobie Nathan, Isabelle Stengers et Lucien Hounkpatin, publiée par les empêcheurs de penser en rond en 1997

TN


Par Michel Onfray, publié le 09/03/2010 à 08:00

Michel Onfray
 
Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne


Michel Onfray

Après Dieu, Michel Onfray déboulonne Freud, le freudisme et les freudiens. Les griefs qu'il récapitule en tête de sa conclusion (voir l'extrait ci-dessous) sont de trois ordres. Le premier est biographique : Freud aurait eu un comportement malhonnête. En deuxième lieu, sa thérapie n'a pas fait ses preuves. Progressiste ou révolutionnaire, Freud ? En aucun cas, objecte Michel Onfray, qui tient à le mettre également en cause sous l'angle politique. C'était un fieffé conservateur, gardien des bonnes moeurs et partisan de régimes autoritaires.

Au terme de cette analyse, une question s'impose : si Freud fut bien cet affabulateur accablé par un lourd dossier ; s'il a bien été un philosophe qui a détesté la philosophie pour mieux déployer sa pensée dans le seul cadre philosophique ; s'il a très tôt détesté les biographes parce qu'il savait que cette engeance ferait un jour l'histoire de ce qu'il s'est évertué, lui et ses amis, à présenter sous le signe de la légende ; si son odyssée fut celle d'un "aventurier", selon sa propre confidence, prêt à tout pour obtenir ce qu'il revendique obsessionnellement comme un droit : la célébrité et la richesse, la gloire et la réputation planétaire ; si sa revendication d'être un scientifique légitimé par la clinique cache la proposition subjective, personnelle et autobiographique d'une psychologie littéraire ; si sa grande passion fut l'inceste et qu'il a étendu son fantasme à l'univers entier pour en supporter plus facilement l'augure ; s'il a effacé les preuves du capharnaüm théorique et clinique de son trajet pour présenter sa découverte sous forme d'un continuum scientifique linéaire procédant de son seul génie ; si ses entreprises d'écritures autobiographiques, notamment l'Autoprésentation et Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, fabriquent cette version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient ; si la clinique freudienne fut une cour des miracles pendant des années, y compris celles du divan ; si le psychanalyste a sciemment falsifié les résultats cliniques afin de dissimuler les échecs de son dispositif analytique ; si le divan soigne dans la stricte mesure de l'effet placebo ; si l'épistémologie de Freud procède de la seule affirmation performative ; s'il a recyclé le vieux dualisme de la philosophie occidentale en opposant le corps et l'âme sous forme de plasma germinal physiologique et d'inconscient psychique, et ce afin de négliger le premier pour mieux célébrer le second ; si Freud a magnifié la causalité magique, notamment par un usage des facilités symboliques, au détriment de toute raison raisonnable et raisonnante ; si l'aventure viennoise se contente d'incarner, dans son temps, et selon les tropismes du moment, la vieille logique chamanique des sorciers, des mages, des guérisseurs et des exorcistes ; si le pessimisme de Freud lui fait tourner le dos à la philosophie des Lumières et l'installe du côté de ce qu'au XVIIIe siècle on appelait les Antiphilosophes ; si, de ce fait, on retrouve Freud soutenant le césarisme autoritaire de Dollfuss ou de Mussolini ; si l'on découvre dans son oeuvre matière ontologique à une phallocratie misogyne et homophobe et non à une pensée de la libération sexuelle - alors : comment expliquer le succès de Freud, du freudisme et de la psychanalyse pendant un siècle ?

 
La réplique d'Alain de Mijolla à Onfray

 



Par Alain de Mijolla, publié le 01/03/2010 à 08:01
 

Alain de Mijolla

Pour l'historien de la psychanalyse, auteur de l'étourdissant feuilleton Freud et la France, l'entreprise de Michel Onfray relance sans le renouveler un procès ouvert depuis 1915.

Je n'ai pas l'habitude des polémiques car je respecte les auteurs pour les idées qu'ils expriment, même si, comme c'est le cas ici, je ne suis pas en accord avec elles. Dès le début de la découverte et de la propagation de la psychanalyse par Freud, les critiques et les oppositions se sont manifestées. Dans un premier temps, c'est la personne même de Freud qui a été l'objet de plaisanteries salaces, voire d'insultes l'assimilant à un pornographe, en particulier dans les milieux bourgeois de Vienne. Ensuite les critiques se sont progressivement portées sur les théories freudiennes qui étaient considérées comme fumeuses et mystiques, bien loin du solide bon sens et de la scientificité qui caractérisaient la pensée psychiatrique ou, plus directement, l'oeuvre de Pierre Janet en France.
Je me bornerai essentiellement, ayant parcouru les flots d'objections que Michel Onfray déverse sur Freud et la psychanalyse, à lui montrer qu'il n'est pas un novateur en la matière. Mon livre se limitant aux années 1885-1945, je n'évoquerai pas les derniers auteurs de propos semblables, comme le professeur Debray-Ritzen, Gérard Zwang, l'abbé de Nantes, Le livre noir de la psychanalyse, etc., car ils sont plus récents. Je ne donnerai qu'un éclairage sur la nature des critiques qui n'ont guère changé de thèmes et se sont succédé depuis près de cent ans... Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Laissons la parole à ceux qui ont peut-être servi de modèles à Michel Onfray. C'est un des défauts principaux de l'Histoire que de rappeler à chacun de ceux qui pensent avoir découvert l'Amérique qu'un certain Christophe Colomb est passé avant eux. Le désir d'originalité pousse au refoulement, parfois sous le masque de la méconnaissance, des leçons du passé et de leurs suites.

Une discussion ouverte par Edouard Claparède en 1915 va marquer un des grands reproches que l'on fait habituellement à Freud. On critique sa notion de sexualité infantile qui lui fait écrire : "Dire que le plaisir de téter est un plaisir sexuel n'a à mon avis aucun sens." En 1922, le Dr Charles Trepsat, indulgent mais prudent, écrit : "J'estime qu'en présence d'un malade (tout au moins d'un Français ou d'un Latin), il faut faire de la psychanalyse sans le crier sur les toits, sans le dire au patient lui-même ; il faut penser toujours à ce procédé thérapeutique, l'employer quelquefois et n'en parler jamais."

Des attaques à la mesure de l'enthousiasme qu'elle éveille

Mais l'un des premiers ardents polémistes, en France, est le professeur Yves Delage, psychologue qui écrit en 1918, dans la revue La Table ronde: "Le psychoanalyste est un juge d'instruction, un inquisiteur doublé d'un érotomane et c'est parce qu'il a trouvé dans l'exercice de la psychoanalyse la satisfaction de sa manie érotique qu'il aime son mal, comme le dipsomane, le cocaïnomane, le morphinomane aiment leur poison." Il y reviendra en 1920, peu désireux de lâcher son os : "Freud restera le type d'un esprit faux qui, asservi à des conceptions systématiques, s'est laissé entraîner à attribuer un caractère universel à un facteur qui ne s'applique qu'à des cas particuliers, ce qui l'a entraîné à torturer les faits et les explications pour les faire cadrer avec son idée préconçue : il a attribué à la mentalité humaine une déformation tératologique dont il était la principale victime."
Ce reproche sera souvent répété. Comme les remarques que fait, dès février 1923, Emile Adam dans sa thèse de doctorat en médecine : "Ce dogme (le mot est de M. P. Janet qui avec d'autres auteurs, en particulier des auteurs américains, a paru quelque peu étonné du "caractère mystique de ces études sur la sexualité") a ses rites et ses adeptes, nous allions dire ses prêtres." Il ajoute : "Aussi avons-nous été étonné de ne voir nulle part Freud faire allusion à la confession. Il déclare, dans La psychologie de la vie quotidienne, être israélite ; ce n'est point là, ce nous semble, une raison pour un psychologue averti d'ignorer la psychologie du catholicisme."

Les attaques vont de pair avec le début de la pénétration de la psychanalyse en France grâce à l'enthousiasme qu'elle éveille chez les littérateurs. D'où le concert de remarques du type de celle relevée dans Le Phare de Nantes sous le titre "Un nouvel asphyxiant" : "Le dernier en date, dont les émanations menacent de nous suffoquer, c'est la fameuse psychanalyse du fameux professeur Freud, Viennois de naissance, certes, mais d'âme combien boche." Quant aux littérateurs, "après avoir proustifié, on va freudifier... Naguère nous nous contentions de subir notre lot annuel du roman libidineux. [...] Maintenant outre que cela sera sale, ce sera embêtant."

Israélite... Boche... Freud remarquera à propos de ces résistances, en 1925 dans la Revue juive: "Je ne peux, sous toutes réserves, que soulever la question de savoir si ma qualité de Juif, que je n'ai jamais songé à cacher, n'a pas été pour une part dans l'antipathie générale contre la psychanalyse. Pareil argument n'a été que rarement formulé expressément."
Léon Daudet, le fils d'Alphonse, écrivain et éditorialiste de la revue monarchiste qu'il a contribué à fonder, L'Action française, bien connue pour ses opinions d'extrême droite qui feront le lit de la collaboration durant l'occupation par les nazis, déclenche un combat vigoureux. Il débute hardiment en février 1926 une série d'articles par celui intitulé "Un bobard dangereux : freudisme et psychanalyse" et annonce : "Je compte m'occuper ici du fatras de M. Freud, en sachant parfaitement que j'enfonce des portes ouvertes et que je piétine de la vaisselle cassée. "Il est des morts qu'il faut qu'on tue", dit un excellent aphorisme. [...] ce plagiaire de Freud, cet abruti - car c'est le seul terme qui lui convienne."

Deux jours plus tard, il précise dans "La putréfaction intellectuelle. Le cas de Freud" le point qui lui semble sensible : "La "tarte à la crème" - et quelle crème empoisonnée ! - de Freud, c'est le refoulement. [...] Mais où les symptômes de putréfaction intellectuelle apparaissent le plus nettement, c'est dans le pansexualisme de Freud."
Un commentaire enthousiaste de ces articles, paru dans L'Express du Midi, ajoute : "Je ne pense pas que l'on ait fait suffisamment observer que le freudisme n'était au fond, sous son masque pseudo-scientifique, qu'une caricature odieuse et niaise du dogme catholique. [...] Il n'y a qu'une réponse à faire à tout ce qui vient de Bochie : celle de Mussolini."

En effet, après la marche sur Rome en 1922, Mussolini a établi sa dictature en décembre 1925. Qu'en pensait Freud ? Il l'avait auparavant précisé en 1923 par une réflexion à Edoardo Weiss, son représentant en Italie : "Ne doutez pas que l'avenir appartiendra à la psychanalyse, même en Italie. Seulement il faudra attendre longtemps", et par une lettre à George Viereck en 1928, dans laquelle il évoque son incapacité à "éprouver une profonde sympathie [pour des]despotes tels que Lénine ou Mussolini". Sans doute ces termes complètent-ils sa réponse de 1933, avec l'envoi de Pourquoi la guerre ? : "De la part d'un vieil homme qui reconnaît dans le Duce le héros de la civilisation", au livre que Mussolini lui avait adressé avec les mots suivants : "A Sigmund Freud che renderà migliore il mondo, con ammirazione e riconoscenza." Il lui fallait certes saluer son appui aux recherches archéologiques, mais aussi avant tout préserver Edoardo Weiss et la psychanalyse des risques que leur faisaient courir les fascistes et l'Eglise catholique.

En 1939, c'est A. Savoret qui, dans son livre L'inversion psychanalytique, proclamera que "[la psychanalyse] fait des disciples de Freud des ennemis irréductibles de la religion, de la sainteté du foyer, de l'autorité spirituelle parentale. [...] La psychanalyse est liée aux Loges maçonniques et caractérisée par la "griffe" aisément reconnaissable qui a marqué ces fronts bas du Sceau de la Bête. [...] En ce qui concerne l'attitude antireligieuse, il est au moins curieux de constater le touchant accord, quant au fond, entre le Juif Sigmund Freud et le super Aryen Hitler".

Un ensemble de faits depuis longtemps réunis

Mon relevé s'arrête là car la guerre et l'Occupation font tomber un silence glacial sur Freud et la psychanalyse. Dans le prochain volume que j'entreprends, La France et Freud, 1946-1981, je rajouterai quelques couches à ces peintures grimaçantes qui sont balayées par le vent de l'Histoire.

Des alternances de mode et de rejet ont toujours marqué l'existence de la psychanalyse et je rappellerai que Freud, en 1914, avait déjà écrit : "Au cours des dernières années, j'ai pu lire peut-être une douzaine de fois que la psychanalyse était à présent morte, qu'elle était définitivement dépassée et éliminée. Ma réponse aurait pu ressembler au télégramme que Mark Twain adressa au journal qui avait annoncé la fausse nouvelle de sa mort : "Information de mon décès très exagérée". Après chacun de ces avis mortuaires, la psychanalyse a gagné de nouveaux partisans et collaborateurs ou s'est créé de nouveaux organes. Etre déclaré mort valait quand même mieux que de se heurter à un silence de mort."

Comme leurs prédécesseurs, la plupart de ses adversaires publiés récemment voient dans la "Psychanalyse" un mode de pensée clos qui est totalement condamné à partir du moment où l'on trouve son maillon faible. Je ne m'accorde pas avec eux car j'estime que les idées de Freud nous conduisent à une mise en doute systématique, à la Montaigne, de tous les phénomènes psychiques et de toute explication, de quelque côté qu'elle vienne. A partir du moment où l'on met un point final au doute en affirmant : "Freud est un escroc", "les interprétations sont arbitraires" ou "la psychanalyse est...", on rejoint le "Tu es un voleur !" dans lequel Jean-Paul Sartre voyait une fermeture du destin de Jean Genet.

A l'affirmation, par Michel Onfray, de la propagation d'une "version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient", je répondrai par la réflexion que Freud fit en 1930 à Smiley Blanton, l'un de ses analysés. Il y reprochait à bien des critiques : "On dirait que pour eux l'analyse est tombée du Ciel ou sortie de l'Enfer, qu'elle est figée, tel un bloc de lave et non pas construite à partir d'un ensemble de faits lentement et péniblement réunis au prix d'un travail méthodique."

Je ne cite pas les réponses qu'après Freud les psychanalystes ont apportées aux attaques portées à la théorie et à la pratique de l'analyse. Elles sont tout aussi nombreuses. Je ne fais aussi qu'évoquer l'intérêt que je prendrais à rechercher chez ses détracteurs l'origine d'un tel attachement à Freud. La haine n'est-elle pas le second visage de l'amour ?

Les pensées de Freud et leurs suites ont été le ferment subtil de l'évolution qui a ouvert aux cent années de leur parcours au coeur de la civilisation occidentale une liberté nouvelle de parole, particulièrement sur la sexualité adulte et enfantine, un chemin vers l'émancipation des femmes, une réflexion sur les motifs inconnus qui inspirent nos actes, sur la précarité de la vérité de nos souvenirs, sur d'autres façons d'écrire notre histoire... Le temps de la séance analytique en est le lieu permanent de redécouverte.

J'emprunterai une autre conclusion à la sagesse arabe : "Les chiens aboient, la caravane passe."

 

Par Michel Onfray, publié le 09/03/2010 à 08:00
 
Michel Onfray répond à de Mijolla: "Pas de haine contre Freud"


1. D'abord je souhaiterais rendre hommage à Alain de Mijolla qui a été le seul à accepter de débattre jadis avec l'un des auteurs du Livre noir de la psychanalyse à l'époque de la campagne de presse calomnieuse et indigne qui a accueilli la parution de ce remarquable ouvrage d'histoire des idées. Ensuite le remercier d'avoir bien voulu réagir sur quelques pages arrachées à un livre qui en comporte plus de six cents dans lesquelles il trouverait des occasions de réponse à quelques-unes de ses objections - par exemple, sur la dilection de Freud pour l'austro-fascisme de Dollfuss et celui de Mussolini, doublée d'une constante critique du communisme, sur sa collaboration avec le régime nazi pour que la psychanalyse puisse être maintenue dans le Reich, etc.

2. Que mes critiques ne soient pas neuves ? En effet. Et je n'ai jamais eu l'intention de me présenter comme novateur. Je rends d'ailleurs hommage dans ma bibliographie à ceux qui, Jacques Van Rillaer et Mikkel Borch-Jacobsen en tête, m'ont ouvert les yeux sur ce sujet.
En revanche, j'offre une lecture qui, il me semble, n'a jamais été proposée et qui met en perspective la vie et l'oeuvre sur le principe nietzschéen qu'une pensée est toujours la confession autobiographique de son auteur. La "science" freudienne devient alors une banale philosophie existentielle - ce que n'est pas la science d'un Copernic ou d'un Darwin dans le lignage duquel Freud prétendait s'inscrire...

3. Que la haine soit l'autre visage de l'amour, qu'on me permette de douter... D'abord parce qu'il n'y a pas de haine chez moi contre Freud et la psychanalyse, ensuite parce qu'on peut critiquer sans haïr - une position épistémologique dont nombre de critiques des critiques de la psychanalyse semblent, eux, incapables...
Ajoutons que, pour faire un peu de casuistique, toute haine d'une victime juive contre son bourreau nazi me semble loin de signifier chez elle un autre nom de l'amour ! Il faut en finir avec ce genre de pseudo-argument freudien que le rien est l'une des modalités du tout, que le blanc est l'une des modalités du noir, que la critique (ouverte) de Freud est l'une des modalités (inconsciente) de l'amour de Freud...

4. Que toute critique de la psychanalyse soit à mettre systématiquement en perspective avec les critiques venues de l'extrême droite, du nazisme, de l'antisémitisme, de l'antimaçonnisme, du fascisme, du pétainisme est, qu'on me permette cette fois-ci d'utiliser l'argument d'Alain de Mijolla, une vieille technique qui déshonore ceux qui l'utilisent.

Pétainiste, Kraus ? Nazis, Deleuze et Guattari ? Fasciste, Popper ? Antisémite, Wittgenstein ? Extrémiste de droite, Sartre ? Allons, soyons sérieux... On ne gagne rien à pratiquer l'amalgame sinon... éviter de débattre et passer sous silence les arguments qu'on aurait à opposer à son contradicteur s'ils existaient véritablement...
Dès lors le débat n'est pas un débat. Face à toute critique de Freud, du freudisme et de la psychanalyse, les thuriféraires du Docteur viennois illustrent le réflexe pavlovien et bavent les mêmes insultes au premier coup de sifflet. Si j'étais freudien, ce qu'à Dieu ne plaise, je dirais que ce venin sous couvert de sagesse arabe n'est jamais que l'autre nom de l'amour que me porte Alain de Mijolla ! Mais comme je ne suis pas freudien, je consens à sa conclusion : "Les chiens aboient, la caravane passe" - en me réjouissant cette fois-ci que les chiens aient changé de côté.

 
 

à propos des chiens, s'agit-il vraiment des chiens dont parlent les Arabes ou des chiens de garde, à moins qu'il s'agisse de ces chiens en peluche que l'on installait naguère sur la plage arrière des voitures et qui opinaient inlassablement du bonnet…

TN