../Paris 8/UFR7/Aide psychologique aux familles migrantes/EA2034
Auteur |
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Georges Bloch |
Titre |
LES ORIGINES CULTURELLES ET LA VIE DE GEORGES DEVEREUX — SON ŒUVRE ET SES CONCEPTS — LA NAISSANCE DE L'ETHNOPSYCHANALYSE. |
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Diplôme |
Thèse de doctorat en Psychologie [Psychologie Clinique et Psychopathologie] |
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Directeur de recherche |
Tobie Nathan |
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Jury |
Tobie Nathan (Professeur, Paris 8, Directeur de la thèse), Serban Ionescu (Professeur, Paris 5, Président du Jury), Andras Zempleni (Directeur de recherche au CNRS), Elisabeth Roudinesco (Directeur de recherche, Paris 7) |
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Date de soutenance |
7
mai 2003
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Décision |
Mention très honorable, félicitations du jury.
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RÉSUMÉ |
La thèse présentée est composée de deux volumes totalisant 448 pages – dont une bibliographie générale de 149 références – et 79 pages d’annexes. Ces annexes contiennent une bibliographie exhaustive des œuvres de Georges Devereux, la liste de ses interlocuteurs du monde scientifique, étudiants et éditeurs ainsi qu’une liste d’articles et de publications parus sur son oeuvre. Le but de cette thèse est de fournir un éclairage sur un homme et sur une œuvre mal connue, vaste, variée et souvent difficilement accessible, touchant plusieurs domaines de connaissances. J’ai travaillé sur la biographie de Devereux, en tenant compte du contexte historique, intellectuel et culturel de son époque. L’accent est souvent mis sur l’histoire familiale de Devereux, sur son héritage transgénérationnel, sur le vécu de son enfance et de son adolescence aussi bien que sur les premiers pas de sa vie d'adulte, période d’apprentissage très riche, qui a eu une influence sur la naissance de l’ethnopsychiatrie.
Après la description de l’environnement culturel et des origines de Devereux, le parcours de sa vie est présenté dans une biographie détaillée, basée sur des témoignages, et surtout sur des documents d’archives.
Les origines de Devereux se trouvent enracinées dans cette Europe centrale, qui est si difficilement définissable du fait de sa complexité ethnique et politique. Il est né le 13 septembre 1908 sous le nom de György Dobó dans une famille juive émancipée et aisée, qui résidait dans une ville hongroise à l’époque de sa naissance, mais aujourd’hui en Roumanie, donc aux confins du sud-est de l’Autriche-Hongrie. Par la suite, il a vécu dans plusieurs pays : en France, en Allemagne (très peu) et aux Etats-Unis.
L’œuvre de Devereux, rédigée en anglais, en français et en allemand, avec des interviews et courriers explicatifs donnés, ou écrits, en quatre langues (dont le hongrois), comprend environ quatre cents titres, parmi lesquels treize livres publiés. La constitution du répertoire bibliographique de son œuvre, annexé à la présente thèse, est une première. Il est le fruit d’une recherche approfondie de documents d'archives de plus de deux années. Les ouvrages de nombreuses bibliothèques ont été consultés, comme ceux du Laboratoire d’Anthropologie Sociale du Collège de France, ceux de la bibliothèque IMEC (Institut Mémoires de l'Édition Contemporaine) où une énorme documentation concernant Devereux a été déposée par ses héritiers après son décès. Certains ouvrages cités dans la bibliographie ont été examinés dans d’autres bibliothèques, tant en France qu’à l’étranger (Israel, Roumanie, Hongrie).
La thèse, présente à la fin du premier volume, de courts résumés des livres de Devereux. Dans le second volume, on trouve une analyse des concepts se trouvant dans ses œuvres ethnopsychiatriques et d’anthropologie psychanalytique. Parmi les concepts présentés en détail, on trouve ses concepts majeurs : les oppositions culture/personnalité, normal/anormal, adaptation/guérison, symptomatologie/culture, structure psychique/culture, angoisse, contre-transfert, complémentarité et identité.
L’analyse des œuvres tient compte des sources formatives majeures de Devereux. Ces sources se trouvent dans l’anthropologie française et américaine – surtout dans le courant « culture et personnalité ». Ces premières sources, décrites en détail dans la thèse, furent doublées par une solide expérience de terrain, en Indochine, dans les réserves indiennes des Etats-Unis et dans diverses universités américaines. Sa formation psychanalytique et son expérience clinique dans ce domaine furent acquises dans la célèbre Clinique Menninger à Topeka, dans le Kansas.
Voici un très bref aperçu de la vie de Georges Devereux :
– À l’âge 18 ans, après l’obtention de son baccalauréat, il vient à Paris pour étudier la physique avec Marie Curie et Jean Perrin. Il abandonne ces études et passe un certificat de langue malaise à l’Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes (INALCOV), puis le diplôme de l’Institut d’ethnologie, institut fondé par Marcel Mauss, Lucien Lévy-Bruhl et Paul Rivet. À cette même époque, il se fait baptiser catholique et change de nom.
– En 1933, avec une bourse de la Fondation Rockefeller, il part d’abord pour l’Amérique, en stage parmi les Indiens Hoppi et Yuma, puis passe presque deux ans parmi les Sedang Moï, en indochine.
– De retour aux Etats-Unis, il obtient son doctorat d’anthropologie en décembre 1935, à Berkeley, sous la direction d’Alfred-Louis Kroeber. Le sujet de sa thèse s’intitule : « La vie sexuelle des Indiens Mohaves ».
– En obtenant sa naturalisation américaine, pendant la Seconde Guerre, il s’engage dans l’armée où il devient officier et se retrouve sur le front d’Extrême-Orient.
– Après la guerre et un séjour d’un an à Paris, il retourne en Amérique et entreprend une activité de psychanalyste, d’abord comme élève à l’Institut de Topeka, puis comme psychanalyste à New York. Il est aussi nommé professeur à l’université Temple de Philadelphie.
– Fin 1963, Devereux revient définitivement à Paris, où il enseignera jusqu’à sa retraite à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), devenue après 1968, Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). À cette période, il publie des œuvres importantes et se lance aussi dans les études grecques, dont il acquiert la maîtrise.
– Il décède le 28 mai 1985 à Paris.
Parmi les ouvrages les plus importants de Georges Devereux on peut citer : « Psychothérapie d’un Indien des Plaines : Réalité et rêve » (1950) ; « Therapeutic Education » (1956) ; « Ethnopsychiatrie des Indiens Mohaves » (1961) ; « De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement » – ce livre est considéré par la plupart des chercheurs comme étant le plus important – (1967). Deux autres ouvrages majeurs rassemblent ses articles les plus marquants : « Essais d'ethnopsychiatrie générale » (1970) et « Ethnopsychanalyse complémentariste » (1972). Les cinq ouvrages suivants traitent de la Grèce antique ; on peut les qualifier d’ouvrages historico-psychanalytiques.
Dans ses œuvres, Devereux distingue la Culture en soi, en tant que phénomène humain universel, des cultures individuelles. Il réévalue aussi les courants anthropologiques dits « culturalistes » qui enferment la formation de la personnalité et ses ratés dans une culture particulière, ce qui le conduit à s’en écarter en privilégiant le niveau « transculturel ». Il maintient cette position universaliste et la préserve des dangers d’une totale abstraction, en tenant compte des apports concrets du relativisme. Pour lui, la culture est avant tout un système standardisé de défense solidaire des fonctions du Moi.
L’argumentation logique de Devereux s’étend aux nosographies psychiatriques des individus au sein de leur culture. Elle propose une typologie des sociétés axée sur le normal et l’anormal : la société occidentale y est perçue comme atteinte d’une schizophrénie « sans larmes », morcelée et dépersonnalisante. Dans son article « Normal et anormal » de 1956, il suggère que le critère de normalité de l’individu n’est pas son adaptation à un milieu socio-culturel donné, mais plutôt son habilité à produire des réajustements successifs dans le temps et dans l’espace culturel.
Concernant la structure psychique, Devereux fait la distinction entre deux instances : l’inconscient ethnique et l’inconscient idiosyncrasique.
La marque distinctive de Devereux est aussi l’ethnopsychanalyse complémentariste, méthode qui recourt à la double explication, du « dehors » par l’ethnologue et du « dedans » par le psychanalyste, afin de rendre l’analyse plus rentable. Cette démarche qui est pluridisciplinaire, pose les bases de la « véritable » ethnopsychanalyse et permet aux deux approches de se corriger mutuellement et de bien marquer la différence entre la cure « traditionnelle » (du chaman) et la cure « scientifique » (du psychanalyste) ou du psychothérapeute.
La présente thèse se termine par un chapitre consacré aux références que l’on peut trouver dans divers articles de journaux et revues spécialisées concernant l’œuvre de Devereux.
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