Corps d'humains // corps dedjinns

 

 
 

Observation n°1 : Un étranger dans la maison
[2]

D’entrée, après quelques minutes d’entretien, les parents nous brossent un tableau de la situation. Souleyman, l’aîné des enfants, serait possédé par une djenneya – une femme-djinn – qui le distrait sans cesse, l’empêchant d’étudier, qui verse sur lui de l’urine et des matières fécales ou, quelquefois, lui presse les entrailles afin de le faire lui-même uriner ou déféquer, n’importe où, n’importe quand.

Elle lui modifie son comportement, l’incitant à commettre des dépradations ou à se montrer agressif envers d’autres enfants ou envers sa propre famille – "elle le contraint à courir et à taper sur les voitures…", dit le père.

Elle le réveille en pleine nuit pour le menacer. Elle lui parle également et il l’entend dans sa tête et parfois dans ses oreilles.

Elle commet elle-même des détériorations. Elle fait couler de l’urine ou des matières fécales du plafond, déplace la télévision en pleine nuit, cache des chaises ou les brise. Elle se présente également aux autres membres de la famille. La maman l’a déjà vue en rêve. Quant aux autres enfants, Leïla et Chams, ils commencent à leur tour à être perturbés par la djenneya .

Leïla : _ je vois des fois des yeux, des lunettes ; des fois je vois un homme…

Depuis le début de ces manifestations, les parents ont consulté un très grand nombre de guérisseurs, tant maghrébins que français. Ils ont également fait appel à la psychiatrie et aux services sociaux avant, finalement, et en désespoir de cause, de s’adresser à la justice.

M. ´Hok : _ … le satan de mon fils s’est manifesté… l'enfant il faisait peur… Un français magnétiseur a dit je sens qu'il y a quelqu'un sur ses nerfs. Après l’intervention du magnétiseur, l'enfant est devenu normal. Puis, il y avait des traces à la maison, de l'eau sur les murs, autour des WC… un jour, dans la classe il y avait de l'urine par terre… Le maître a dit à l'enfant c'est toi ? J'ai fait l'enquête l'enfant avait été travaillé par le diable, par le sheytan. Parce qu’on se demande qui déchire les feuilles… Ma belle sœur, elle a consulté… on lui a dit que la cause de tout, c’était l’Italien… En fait, les Italiens, les voisins, avaient fait appel à un Malien. Le guérisseur marocain a dit "ce n'est pas l'enfant, c'est le diable ! Il le prend par la main et le frappe avec une lumière blanche. Il faut dire que cet enfant, Dieu le protège… Sans cela, il serait déjà mort depuis longtemps… Nous sommes allés consulter un spécialiste, un fkih marocain, chez lui, là bas, dans l'Atlas. Il n’a pas pu faire entrer Souleyman en transe parce qu’il était trop jeune. Pour faire sortir l’esprit, il faut que la djenneya soit là… il n'arrivait pas à déclencher la transe pour parler avec la djenneya… il a essayé, pourtant.

D’après la famille, tout aurait commencé à cause d’une querelle de voisinage. Les locataires de l’étage supérieur, une famille d’origine italienne faisaient perpétuellement du tapage. À plusieurs reprises, M. et Mme ´Hok leur auraient demandé de cesser ce bruit insupportable, obsédant, jour et nuit. Finalement, la famille ´Hok a porté plainte. Les gendarmes sont intervenus et les Italiens, pour se venger, auraient fait un premier sort (en arabe s’hur ) contre Souleyman, un second contre toute la famille.

Le sort aurait comporté l’envoi d’un esprit – un djinn – sur Souleyman. Pourquoi sur lui, précisément ? Pour la simple raison qu’il était là au moment de l’agression sorcière.

M. ´Hok : _ … Mon enfant a été attaqué… il avait 7 ans. Il va avoir 12 ans. Maintenant, il ne travaille plus à l'école… avant il était premier, maintenant dernier.


Les mots

 

 

Djinn : êtres surnaturels susceptibles de s'emparer du corps et du fonctionnement psychique d’une personne afin d'obtenir une compensation de la part des humains : une offrande, un sacrifice, un autel.

Djinn – est un mot arabe provenant d’une racine prolifique.

La matrice, janna , évoque l’idée d’obscurité, de voile, surtout de dissimulation. Djinn désigne avant toute chose un "être invisible" .[3]

Le pluriel, jenoun ou jnoun a donné junan ou jenan qui signifie "la folie" – car être pris, capturé par un être invisible implique l’aliénation de la personne.

Texte paru dans "Corps" Prétentaine, ©, N° 12/13, Montpellier, mars 2000, 71-90.

Majnoun signifie être sous l’emprise d’un djinn – donc, littéralement : "endjinné" – mot généralement utilisé pour désigner la folie.

Cependant, cette même racine a produit d’autres mots permettant de faire ressortir vivement la polysémie intrinsèque du terme :

janin , "le fœtus", sans doute du fait qu’il est toujours caché – ou peut-être le long d’une sorte de métaphore : le djinn caché dans la nuit comme un fœtus dans la matrice…

jénéna , "le jardin" ;

jennat , "le paradis" ;

janan , "le cadavre, le tombeau".

En arabe courant, pour dire fou, on utilise le mot majnoun. Cependant, on peut presque indiféremment dire:

majnoun : "pris par un djinn", "endjinné"

madroub : "frappé" [par un djinn]),

markoub : "monté" [par un djinn]),

maskoun : "habité" [par un djinn]),

mamlouk : "possédé" – au sens où l'on "possède", l'on est "propriétaire" d'un terrain ou d'un appartement – [par un djinn]),

masloukh : "frotté jusqu'au sang" [par un djinn]),

malbouss "porté" [par un djinn] – comme on enfile un vêtement), etc.

La richesse du vocabulaire décrivant la relation entre les esprits et les humains suffirait à démontrer combien cette interprétation est investie par la culture maghrébine. En tout état de cause, l'attaque par le djinn n'est pas un événement simple et bénéficie dans le vocabulaire et dans les pratiques culturelles d'un surinvestissement de significations parfois contradictoires. Quoiqu'ils vivent dans "le monde de l'envers" – la nuit, le désert, la forêt, la brousse, les ordures, les ruines, les canalisations d'égout, le sang des animaux – les jnoun sont à l'image des humains: il en existe des mâles et des femelles; ils se reproduisent de manière sexuelle. Tout commes les humains, ils peuvent avoir une religion. Les jnoun musulmans sont les moins dangereux parce qu'on peut facilement "négocier" avec eux en invoquant le nom d'Allah. Les Chrétiens sont plus difficiles, mais moins que les Juifs qui sont quasiment irrécupérables. Quant aux jnoun païens (kafrin), ce sont les plus craints, car totalement inaccessibles aux "arguments" des humains et les plus violents de tous. Le diagnostic d'existence d'un djinn "kafar" (païen) signale une grave inquiétude pour la vie du malade.

Les djinns sont donc des êtres invisibles dont l’existence est largement admise y compris par le prophète qui tente même de les convertir. En vérité, si l’on analyse le phénomène d’un point de vue historique et culturel, les djinns sont un terme générique désignant sans doute les divinités des populations soumises à l’Islam avant leur conversion (un peu comme le diable désignait l’ensemble des pratiques païennes des populations christianisées). Il n’en demeure pas moins que plus de douze siècles plus tard, les djinns sont tout aussi présents dans les pays du Maghreb. Ils servent de matrice d’interprétation aux négativités de l’existence. Ils constituent également l’âme des procédures thérapeutiques "traditionnelles". La maladie est très souvent interprétée comme la conséquence de l’action de cet invisible, le djinn , et traitée selon cette logique. Les méthodes de traitement sont innombrables, cependant quelques grands principes peuvent être distingués :

  1. Dans les thérapies coraniques, l’on ne peut en aucune manière négocier avec le djinn . Il s’agit dans tous les cas de le chasser. Le thérapeute (cheikh , fkih , taleb ) prie, appelle Dieu contre l’être invisible, l’impressionne, le menace, le bat, afin d’obtenir son départ. L’on pourrait assimiler ce type de traitement à l’exorcisme chrétien .
  2. Exemple : Mr E.A. (un patient maghrébin, décrivant les soins qu'un taleb a prodigué à son fils) :

_… il prend le pouce de l’enfant et prie jusqu'à ce qu’il tombe. Il jette de l’eau avec le Coran sur la femme ou l’homme et le diable peut sortir. Il parle avec le diable. Le diable qui a pris mon fils est allé chez lui, pas en rêve mais en réel ! Il est même apparu à ma femme et lui a dit : " Vous avez fait mal à moi et à l’enfant ". Il a commencé à appeler les siens, les autres diables…

  1. D’autres types de thérapies, surtout pratiquées par les femmes, cherchent au contraire à "apprivoiser" le djinn. La malade, investie par l’être invisible, peut ici être comparée à une élue. On cherchera donc à l’initier, en général au sein d’une confrérie. Dans ce cas, les patients sont en vérité de futurs voyants qu’il s’agira de préparer au sein de congrégations. Le rite thérapeutique ressemble ici à une sorte de rituel religieux.
  2. Une troisième catégorie pourrait comporter les thérapeutes qui travaillent avec les djinns et non pas contre eux. Ceux là ont des sortes d’esprits auxiliaires (également djinns ) à leur service et les envoient pour lutter ou pour convaincre le djinn responsable de la maladie de quitter le malade. Il semble que ces thérapeutes capturent les djinns qui ont rendu la personne malade et les utilisent ensuite à leur propre bénéfice.

Lorsque l'on dit "fou" en arabe – que l'on utilise Majnoun , "endjinné", markoub , "monté", madroub , "frappé", maskoun , "habité", mamlouk , "possédé", masloukh , "écorché", etc…, c'est tout l'univers des interprétations, des actes, des objets, des pratiques, qui se profile derrière le mot utilisé.

Ce mot, comme on l'a vu, du fait de ses parentés, établit des ponts sémantiques avec des notions comme "fœtus", "mort", "cadavre", "paradis", "jardin" qu'il ne possède évidemment pas dans d'autres langues.

De plus, tous ces mots véhiculent des nuances, des précisions, des localisations géographiques, des appartenances…

Zar : En Egypte et au Soudan, bien qu’on le comprenne, on n’utilise presque jamais le mot djinn , mais plutôt ‘afritt ou zar – le afritt se distinguant du djinn par sa localisation. Il ne s’agit pas, comme le djinn , d’un être des jardins, mais d'un être aquatique puisqu'il se cache de préférence dans les tourbillons du Nil. Il est sans doute constitué du limon, d’où son nom, sans doute parent de ‘affar , "poussière".

Quant au mot zar , en arabe, en amharique, en hébreu, les trois langues sémitiques apparentées encore en usage de nos jours, il s'inscrit toujours dans une chaîne de sens autour de "l’étranger" ou du "visiteur". Il n'est donc pas indifférent d'utiliser les mots de la série djinn et les mots de la série zar – puisque, dans chaque cas, un univers spécifique se déploiera à l'arrière-plan.

S´hur : Une personne peut être atteinte par un s´hur dans sa chair et dans sa capacité à penser – et cela du fait d'un acte de malveillance perpétré contre elle ; soit qu'un jaloux ou un envieux ait lui même fabriqué l'objet magique – le s´hur – destiné à le détruire, soit qu'il ait fait appel à un "spécialiste", un sa’har , un "sorcier", dans ce but.

Souvent, l'existence de ces objets est seulement supputée, quelquefois ils existent réellement, sont retrouvés et présentés au thérapeute qui sait les "défaire", en annuler l'effet. Les symptômes d'une telle atteinte peuvent aller des sentiments d'apathie et de faiblesse jusqu'à de véritables crises de folie.

Ainsi, le s´hur désigne-t-il à la fois l'action de sorcellerie et l'objet par l'entremise duquel le "sorcier" parvient à ses fins. Cet objet est déposé dans un endroit déterminé : sur le seuil de la maison de la victime, dissimulé sous son lit, enseveli sous le chemin qu'il empruntera nécessairement, enterré dans un cimetière, accroché à un arbre dans un endroit désert, sur la montagne, utilisé en fumigations ou mêlé à la nourriture.

Dans tous ces cas, le s´hur possède un certain nombre de caractéristiques: il s'agit d'un objet manufacturé et composite – comme les plats cuisinés ou les objets d'industrie mais dont on ne peut immédiatement percevoir la fonction. Quoiqu’il en soit, son "efficacité", attestée par un nombre infini de témoignages, est incontestable. Il reste cependant à expliciter le mode de fonctionnement de ces objets, autrement dit les chemins par lesquels ils agissent sur les personnes .[4]

La famille ´Hok, comme très souvent dans ce genre de situation, a fait appel aux trois catégories de thérapeutes : les guérisseurs coraniques, les zaouias (congrégations) et ceux que l’on pourrait désigner comme les "sorciers" – autrement dit "les indépendants".

Les guérisseurs coraniques se sont révélés, comme souvent, insuffisants.

Ceux travaillant en congrégation ne sont pas parvenus à faire entrer Souleyman en transe, sans doute, comme le précise le père, du fait de son jeune âge. Toutes ces tentatives de thérapie sont revenues très cher à la famille – M. ´Hok parle de huit millions (80000 F).

Il semble tout de même que la dernière tentative, ayant sollicité un thérapeute de la troisième catégorie, l’indépendant associé des djinns , ait été plus efficace. Le thérapeute a fait appel à ses propres djinns et leur a ordonné de partir à la recherche du sort (s’hur ) à l’origine du désordre.

Mme ´Hok : _ … il a fait une écriture qu’il a ensuite brûlée… avec de l'encre fabriquée avec de la laine de mouton… il a brûlé les écritures jusqu'à ce que les djinns soient là. Puis, il s’est mis à parler aux jnoun . Il m’a dit : "mets la main sur la bassine ; je compte jusqu'à trois… pose la main sur le bassine… si tu trouves quelque chose. Et j’ai trouvé. Il a sorti cet objet. Dans une manche de tricot de Souleyman, un écrit en rouge , du sang… et aussi des morceaux de fer pliés, deux écritures dans la manche… onze noeuds sur un fil de soie… pour qu'il soit malade pendant onze ans, parait-il… Et un fil de fer en forme de crochet – un hameçon, quoi – tout ça dans un tricot et de la terre par dessus, avec de l'herbe fraiche…

Le guérisseur a donc fait apparaître, sous une bassine, un morceau de tricot reconnu par les parents comme ayant appartenu à Souleyman associé à une série d’objets dont l’assemblage leur a semblé hétéroclite. Malgré cette description extrêmement précise, Mme ´Hok déclarera :

"je ne crois pas à ces choses là… Cela fait trois ans que l’on cherche, malgré ça, l'enfant est très malade ; la fille aussi, maintenant…"

Depuis cette dernière intervention, cependant, il semble bien que le comportement de Souleyman se soit notablement amélioré. Il parvient à se concentrer sur des lectures, il ne commet plus de déprédations, les manifestations somatiques se font plus rares ainsi que les crises.

La consultation présentée ici s’est déroulée, dans la région parisienne, en 1999, à la demande d’un juge des enfants. L’enfant, déscolarisé, commençait à présenter de graves handicaps. Les tentatives de prise en charge psychologique ont systématiquement été refusées tant par l’enfant que par sa famille. L’équipe éducative, chargée par le juge d’une mesure Aide Éducative en milieu ouvert, était compréhensive et ouverte aux revendications de la famille.

Devant un tel cas, un clinicien se trouve aux prises avec plusieurs problèmes évidents :

  1. la langue des patients ;
  2. leur univers – conceptions, raisonnements, certitudes – ;
  3. la réalité, la cohérence et l’efficacité de professionnels agissant parallèlement à lui – guérisseurs français et maghrébins, tant en France qu’au pays.

L’ethnopsychiatrie est une discipline qui tente de répondre à ces problèmes d’ordre clinique, tant sur le plan théorique que technique.

M.´Hok , le père de Souleyman, est le troisième d’une fratrie de six. Son père, originaire de la région de Djerba, en Tunisie, a d’abord eu une première épouse décédée en laissant un fils. Beaucoup plus âgé que M.´Hok , ce fils a vécu à Grenoble ; il est aujourd’hui décédé. M. ´Hok est de fait l’aîné de la famille. Il n’a pas été scolarisé, a grandi à Tunis, s’intéressant surtout au sport. Il est arrivé en France au début des années "60", âgé d’une vingtaine d’années. Il est entré en France sans aucun papier. Lorsqu’il a obtenu sa naturalisation française en 1971, il a changé son prénom et se fait désormais appeler Georges. Il a travaillé une quinzaine d’années en mécanique automobile. Lorsque le garage a déposé son bilan il s’est retrouvé au chômage, en 1986.

En 1983, M. ´Hok a épousé à Tunis Khadidja qui l’a rejoint en France l’année suivante, en 1984. De cette union sont d'abord nés un garçon ayant mis sa mère en danger au moment de l'accouchement, garçon décédé peu après sa naissance et une fille morte-née. À cette même époque, décède également le père de Mr ´Hok Il n’a pu se rendre à l’enterrement, pas davantage à celui de sa mère. Le couple a connu des difficultés pour avoir un enfant. M. ´Hok dira que sa femme avait été malade (attaquée par l’œil – el ‘eïn). On comprend que dans un tel contexte, la naissance de Souleyman ait été bien acceuillie. Il est décrit par ses parents comme un enfant sans problème et dont ils étaient fiers. Petit, il était toujours parmi les premiers en classe, jusqu'à cette "attaque en sorcellerie" par ces voisins italiens. Souleyman avait 7 ans !

 

Encore des mots  

Khfif [5] La technique du plomb fondu

Dans une petite casserole, la femme fait fondre des morceaux de plomb provenant par exemple de débris de vieux tuyaux. Lorsque la matière est devenue liquide, elle la verse d'un geste brusque dans un récipient plein d'eau. La vapeur s'échappe du métal brûlant en sifflant et l'on voit le plomb se figer en adoptant des formes étranges, distordues, grimaçantes. La femme se saisit du fragment de plomb saisi, le tourne dans sa main, le montre à la famille alentour et formule une proposition du type : " _ Vous voyez là, c'est l'´eïn, "l'œil" ", montrant une bulle d'air figée, brillante – un œil, assurément ! Elle peut ajouter une remarque comme : " _ Regardez l'animal, là… Vous devriez offrir un mouton ! "


©Prétentaine, N° 12/13, Montpellier, mars 2000, 71-90
 
 

L'assistance observe à son tour les fragments aux découpes insolites. Les femmes s'échappent dans des suppositions et ruminent en secret de vieilles rancœurs. La voyante ramasse maintenant les scories restées au fond de la bassine d'eau et les remet dans sa casserole qu'elle chauffe à nouveau sur son petit "camping-gaz". Après un second "saisissement" du plomb, elle peut approcher encore du responsable du mal : " _ C'est une femme et elle fait partie de la famille. Connaissez vous quelqu'un qui se nomme ´Aïcha ? "

Quelquefois, le plomb refuse de se compacter et s'éclate en myriades au fond du récipient. La voyante considère alors généralement que c'est mauvais signe. Peut-être l'origine du mal n'est-elle pas humaine ? Peut-être les djinns, les esprits de la terre, avaient-ils quelque raison d'être en colère contre cette personne ?

Curieusement, à la fin du traitement qui peut comporter plusieurs séances faites selon la même technique, le malade se sent mieux. Il serait naïf de penser que le soulagement provient du seul fait d'identifier un coupable. Il ya bien plus car la fabrication de la statuette de plomb, les paroles prononcées (imprécations et prières), mais aussi les êtres sollicités à cette occasion[6]font que l'objet issu de cette séance constitue aussi une agression sorcière contre le coupable présumée. D'ailleurs, ce dernier pourra, à la suite d'un malheur ou d'une maladie, s'adresser à son tour à une autre voyante qui identifiera l'origine de son malheur, peut-être à l'aide de cette même technique du plomb fondu. Nous avions un malade perplexe et à l'issue du dispositif, nous trouvons un malade soulagé et un coupable agressé à son tour en sorcellerie. Il s'agit donc, sur le plan macroscopique, d'un véritable système de redistribution des agressions sorcières selon les lignes de force de la dramaturgie sociale. Du seul fait de son introduction dans le système, le malade est passé de questionnant en souffrance en commanditaire (plus ou moins conscient) d'une agression sorcière.

Il arrive qu'à l'issue du traitement, le corps du malade vienne confirmer la divination du plomb. Des femmes peuvent entrer en transe ou éclater en sanglots. J’ai décrit ailleurs le cas d'un patient qui, après avoir été traité de cette manière, a vomi une matière noirâtre dès la seconde séance [7]. L’apparition de l’image du s’hur dans le plomb avait déclenché la restitution du poison par le corps.

‘eïn , "l’œil" – Certaines personnes sont réputées posséder des caractéristiques impliquant que leur regard posé sur une personne peut déclencher des désordres, des malheurs, des maladies. Ces caractéristiques sont physiques (il s’agit de la "nature" de leur œil). ‘eïn : "l’œil", l’organe – non pas une métaphore du regard mauvais, envieux, quoique ce type de notion ne puisse être totalement exclue, mais l’activité physique de l’œil émetteur de substances, sorte de bouche opérant à distance, susceptible de capturer, de dévorer. Certains yeux, en effet, sont réputés posséder des caractéristiques physiques destructrices indépendantes de la psychologie de l’individu (les yeux clairs, surtout bleus…) – si bien que l’on dit que l’œil jeté par la mère pourrait atteindre son propre enfant sans que cette mère ne soit jamais soupçonnée de la moindre pensée ambivalente. Cet "oeil" ne pourrait être comparé qu’à la substance de sorcellerie se trouvant dans le ventre du sorcier que l’on rencontre en Afrique centrale, agissant infailliblement en dévorant sa victime, la plupart du temps à son insu [8]. Pour se protéger de "l’œil", on présente des objets ou des gestes apotropaïques : des mains, des gestes, des paroles. On crève "l’œil" apparu dans les figurines de plomb ou dans l’œuf utilisé comme objet de divination.

M. ´Hok nous apprend au cours des consultations que sa famille appartient à une congrégation religieuse et que lui-même a plusieurs fois dans sa vie été en contact avec des phénomènes religieux. Il serait une sorte d’être pur, non susceptible d’être "mélangé", "souillé" par le contact avec l’étranger. Il est resté célibataire jusqu’à l’âge de quarante ans, certifie n’avoir jamais eu de relation avec une femme avant son mariage. Le couple est ensuite resté stérile durant cinq ans. L’arrivée de l’enfant, mais surtout son entrée à l’école primaire a déclenché l’installation dans la famille de cet être de l’autre monde : la femme djinn.

Notons également que M. ´Hok , malgré plus de trente cinq ans de présence en France, maîtrise très mal la langue française – son épouse moins encore – si bien que l’étranger pouvant être pris pour un semblable (l’école française) est médiatisé par un étranger "absolu", un étranger d’un autre monde, la djenneya .

On peut penser que les enfants, notamment depuis leur accès à l’école, deviennent de fait des sortes "d’étrangers". C’est lors de la constitution de cette "étrangeté" qu’intervient la djenneya , contraignant de fait toute la famille à un retour aux traditions afin de soigner Souleyman et de remettre la famille d’aplomb.

Elle intervient d’abord essentiellement dans le domaine scolaire, empêchant la présence de l’enfant à l’école, amenant même l’administration à exclure l’enfant de l’enseignement. De plus, la djenneya porte la marque de l’altérité. On nous précisera qu’elle est noire, la moitié de son corps est brûlé. D’ailleurs, lorsqu’elle s’empare de l’enfant, Souleyman insulte son père en français :

M. ´Hok : … l’enfant m’insulte en français. La djenneya , elle s’appelle Brigitte. Elle a dit qu’elle avait 800 ans. Elle a dit aussi qu’elle avait cinq enfants. Mais elle ment – les djinns, ça ment toujours – ; une autre fois, elle a dit qu’elle en avait quatre.

M. ´Hok a également vu un djinn, lorsquil était enfant. Il nous raconte.

M. ´Hok : _ … au départ, on croyait pas à tout ça. Depuis le mois de septembre, j’ai perdu un million et demi sur mon fils pour qu’il guérisse. Personne ne m’a aidé, ni les services sociaux, ni les allocations familiales. C’est moi qui ai porté plainte pour mon fils, pas le juge. Il a peut-être mal compris ; considéré qu’il s’agissait d’une mauvaise famille. Mais moi, je n’ai peur de personne. J’ai vu le diable quand j’étais petit, avec des pieds de moutons. À la main, il portait une hache en or. Je n’ai pas peur parce que ces êtres, si on ne leur fait pas de mal, ils ne font pas mal…

D’un point de vue structural, la djenneya représente à la fois l’altérité, la souillure que ne peut supporter M. ´Hok du fait de la pureté de sa nature. Mais, paradoxalement, elle devient également ce par quoi il organise les procédures lui permettant de retrouver la pureté un moment oubliée. Depuis tous ces événements, M. ´Hok recommence à prier, s’intéresse aux techniques traditionnelles, ne cesse de rentrer au pays…

Si l’on se place dans le contexte culturel, l’interprétation selon laquelle Souleyman aurait été investi par un djinn femme semble pour le moins insuffisante. L’on ne comprend ni la raison profonde de l’agression, ni la fonctionnalité de cette interprétation. Ce n’est qu’en considérant l’identité et le parcours de son père que l’on peut comprendre une telle "attaque". C’est comme si la famille ´Hok disait : "loin du pays, investis par l’altérité sous ses formes les plus diverses (l’école française, la cohabitation avec les Italiens, les Maliens…), comment tout de même conserver "un noyau" intact.

Si cette interprétation est correcte, on peut facilement en conclure que la djenneya ne cessera ses attaques que lorsque l’école ne mettra plus en danger le noyau culturel de la famille. De ce point de vue, il convient de considérer le couple M. ´Hok /Souleyman et non pas le fils seul.

On voit bien l’effet de la migration sur la constitution d’une telle pathologie, mais on ne parvient pas réellement à démêler les fils. On peut néanmoins repérer certains facteurs contribuant à la déstabilisation d’une famille :

  1. Les problèmes linguistiques
  2. L’introduction de l’étrangeté, le plus souvent par l’intermédiaires des enfants, qui la rapportent de leur expérience scolaire.
  3. La difficulté à organiser correctement des enterrements et des rituels de deuil[9].
  4. La difficulté à trouver et à utiliser les objets thérapeutiques de la société d’origine

À considérer une telle observation clinique, l’on se prend à penser qu’il serait facile d’appliquer les catégories de la psychopathologie, psychiatrique ou psychanalytique – facile, certes ; mais trop facile, l’on y perdrait l’inspiration même de la plainte de cette famille. L’on devrait sacrifier ses êtres (les djinns ), ses objets (les s’hur ), ses étiologies ("l’œil"), ses réalités (tous attestent avoir vu la djenneya rejeter ses excréments par le plafond). Si l’on se refuse à un tel sacrifice, commence alors une véritable aventure intellectuelle, celle de l’ethnopsychiatrie.

 
Une notion indispensable : celle de "niche écologique"

 

Mais il ne suffit pas de classer les désordres – plus même : je prétends pour ma part qu’en regardant les pathologies, on ne voit qu’un 10ème du problème. Car, lorsqu’il existe un désordre dans une culture donnée, il s’accompagne toujours d’êtres (les djinns dans le premier exemple), d’objets (les s’hur), de professionnels (les talebs, les fkih, les cheikh), de réseaux de professionnels (congrégations, couvents, lieux d’initiation), d’une élaboration du vocabulaire de la langue, si bien que le désordre seul devient incompréhensible. C’est pourquoi, je suivrai volontiers Hacking dans sa proposition de considérer une "niche écologique" plutôt qu’un syndrome [10].

Observation N° 2 : Épouse d’un djinna[11]

Famille B…, de langue malinké, migrants originaires de Guinée pour le mari, du Mali pour l’épouse, sa cousine.

Fatou est une belle jeune femme à l’aspect rieur. Elle est âgée d’une trentaine d’années et vient de mettre au monde, dans une commune de la Seine-Saint-Denis, son cinquième enfant – une cinquième fille ! Dès la naissance, elle n’a pas voulu même lui jeter un simple regard, refusant de le prendre dans ses bras et le nourrissant au biberon en le tenant à distance. Ses proches ont d’abord mis cet étrange comportement sur le compte de la fatigue. D’autant que Fatou a présenté des manifestations surprenantes à chacun de ses accouchements. Au moment de donner un nom pour l’état civil, elle dit : "Linda", son mari : "Cissé". Ils se disputent violemment. C’est finalement le père qui emporte la décision – la gamine se nommera Cissé. Mais, depuis qu’elle est sortie de la maternité, Fatou appelle sa fille : "Djenneba". Le mari insiste, revient à la charge, est même prêt à accepter la première proposition, à la nommer "Linda". Mais Fatou garde l’air absent, ne répond pas. De temps à autres, elle fait des "crises", le dispute violemment, l’accuse de vouloir se débarrasser d’elle, le frappe, même. Elle se rend chez les assistantes sociales et leur fait part de son souhait de divorcer. Elle prétend qu’il a une maîtresse, qu’il l’ensorcelle avec des gris-gris qu’il dispose partout dans la maison, qu’il empoisonne sa nourriture. Dans un premier temps, le mari réagit au contenu explicite des accusations de sa femme, se justifie, fournit des preuves. Puis, il se fâche, la bouscule. Rien n’y fait. Fatou reste tout aussi étrange.

Au cours de la consultation, il dira :

" j’ai téléphoné à ma mère. Elle est allée consulter un kharamoko , un guérisseur, au pays. Elle m’a dit "ta femme, là, elle est déjà prise. Son mari, c’est un djinna . Ce qu’il fait, là, le djinna, c’est qu’il veut récupérer ses enfants." "

Dans ce cas, ce que l’on peut observer, ce sont des manifestations dépressives et dissociatives à la suite d’un accouchement  [12] chez une femme migrante, n’étant pas rentrée chez elle depuis une dizaine d’années. Mais pour le clinicien traditionnel, le kharamoko , il s’agit bien des signes d’une possession par un être, le djinna , pour lequel il faudra un jour ou l’autre, organiser un rituel.

 


Comment comprendre les djinns  ?
  une définition d’êtres réputés nantis d’un certain nombre de qualités :
 
  • ils sont invisibles,
  • ils vivent dans l’envers de l’habitat des humains (la brousse, la forêt, l’eau des marigots, des rivières, des fleuves ou de la mer, le sommet des arbres, les canalisations des maisons, les vieilles ruines abandonnées – de préférence celles provenant de civilisations disparues),
  • ils sont sexués (certains textes laissent supposer que leur sexualité est surtout masturbatoire – un organe mâle sur une cuisse, un organe femelle sur l’autre),
  • ils ne s’intéressent aux humains que parce qu’ils souhaitent qu’on leur installe un autel et qu’on leur rende un culte – "qu’on les nourrisse", comme on dit.
  • Ce sont donc des autres, de vrais autres – non pas des semblables, nos "prochains", mais des modèles d’altérité. Ce sont pourtant nos jumeaux, du moins

à l’origine. Certains commentaires bibliques, repris ensuite dans l’islam et naturellement réutilisés dans les pratiques des guérisseurs musulmans laissent à penser que les djinns sont les descendants de toutes les copulations qu’aurait eues la première femme d’Adam, Lilith – autrement dit : "la nuit" – avec tous les animaux de la création. Évoquant les djinns , un patient sénagalais me dit un jour : " … nous ne sommes pas seuls au monde… ".
Des désordres apparaissant dans les communautés humaines et touchant à de nombreuses sphères :
  • des enfants morts en bas âge peuvent avoir été pris par des djinns , échangés contre des enfants djinns .
  • Des femmes qui se refusent à la sexualité, à la conjugalité, à l’échange social avec leurs belle-sœurs, avec leurs amies. Des femmes qui refusent de se nourrir, qui restent longtemps solitaires, silencieuses, qui font des crises.
  • Des hommes qui font d’étranges rencontres, qui croisent la mort sans s’en apercevoir. Des hommes étranges, qui ont l’air de tout ce qu’ils ne sont pas : des animaux, des dieux, des femmes, aussi, parfois…
Mais aussi des événements énigmatiques : survenant par exemple dans une maison, des bruits de pierre sur le toit, des incendies inexplicables, des traces de boue laissées en pleine nuit sur les tapis ; ou dans un lieu public : des voix, des déplacements d’objets… etc.
Des méthodes thérapeutiques de différentes natures destinées à remédier à ce type de désordres :
  • De véritables cultes rendus par certaines populations reconnues étrangères et qui se réunissent pour rendre hommage aux djinns [13].
  • Des initiations de personnes présentant certains désordres à des confréries vouées au culte des esprits.
  • Des prises en charge individuelle par des thérapeutes ayant des djinns comme esprits auxiliaires afin de les seconder dans leurs démarches thérapeutiques.
Des thérapeutes qui travaillent à partir :
  • des parfums,
  • des couleurs,
  • des textes coraniques,
  • des textes de médecine savante islamique,
  • de la fabrication d’objets de protection,
  • de l’identification d’objets de destruction
Des réseaux traversant tout le pays – par exemple, au Maroc, des confréries (zaouias), placées sous le signe d’un même esprit et qui se retrouvent annuellement pour une cérémonie et des sacrifices d’animaux.


Des hiérarchies transversales : on peut être riche et puissant et n’être pourtant qu’un apprenti au sein de la zaouia .

Des inventions de remèdes : parfums, amulettes, objets de divination.

Un commerce : d’objets liés au culte, d’animaux de sacrifice, de services… etc…

Les djinns , c’est tout cela : des êtres, des maladies, des thérapies, des objets (parfums, couleurs…), des réseaux de familiarité et de solidarité, des hiérarchies, des contraintes à l’invention, un commerce… et j’en oublie sans doute… certainement !

Nous devons en conclure que djinn , est une "machine" (au sens de Deleuze et de Guattari) qui pousse une société d’humains à des " noces ", pour reprendre les termes de Deleuze avec une certaine espèce d’étrangers, d’autres, de radicalement différents. On peut supposer que la conséquence de telles "noces" est une identification de ces étrangers, une connaissance approfondie de leur nature, de leur habitus, de leurs modes d’êtres et d’agir.


Mais il faut remarquer que ces étrangers constituent des sociétés d’invisibles – s’ils veulent les identifier, les humains ne peuvent se fier à leurs sens. Ils n’ont donc que deux modes de connaissance : la lecture des textes anciens dont on peut penser qu’ils ont été écrits à la suite de rencontres avec de tels "êtres" et, ce qui nous intéresse en premier lieu ici : les maladies actuelles des humains.

 

Catégories de djinns  

Les deux séries de sens du mot djinn que l’on avait repérées plus haut – celle, arabe, s’organisant autour de l’invisible et celle, hébraïque et amharique autour de "zar", l’étranger ou le visiteur – se retrouvent pour constituer les lignes de force contraignant une société à sortir d’elle-même. D’où nous devons en conclure que les langues aussi avaient contracté des " noces " puisqu’il est impossible d’être un spécialiste arabe des djinns sans connaître d’une manière ou d’une autre le sens amharique du mot, et vice-versa, naturellement ! Autrement dit, l’on ne peut penser l’invisibilité sans la notion d’étrangeté. Les djinns sont donc des concepts, au sens où l’entend Deleuze dans Qu’est ce que la philosophie ?[14] Mais des concepts vivants ; doués d’une autonomie, d’une vitalité autonôme, des concepts qui ne se laissent jamais saisir, que l’on doit poursuivre à l’infini.

Erreurs habituellement commises par les humains dans la compréhension de la nature des djinns :

  • Ne retenir que le premier paragraphe de la définition : les djinns sont des êtres qui possèdent les qualités suivantes : …  Ainsi, on les transforme en objets de croyance ; on ne peut alors leur accorder d’existence que dans le psychisme des humains. Comme on l’a constaté au décours de cette démonstration, cette position, raisonnable en apparence, nous délie de l’obligation de considérer la liste de caractères qui suivent. Ainsi, dire "les djinns sont des êtres imaginaires auxquels croient les populations d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest" serait à la fois une erreur et une agression puisque cette proposition priverait ipso facto ces populations de la totalité de la machine.
  • Les Musulmans disent habituellement que les djinns sont les dieux d’avant l’Islam et les cultes qui leur sont encore rendus des survivances d’un passé révolu. Un grand nombre de commentateurs, d’anthropologues, de spécialistes d’histoire des religions leur ont emboîté le pas [15]. Or, ce qui caractérise les djinns , à la différence des divinités, justement, c’est leur indertémination a priori . Autant un dieu aime à être honoré de la manière qui lui convient et qu’il exige de ses fidèles, autant nul ne sait par avance l’identité, le nom et les demandes spécifiques de tel djinn. Ils sont parfum – choix parmi une multitude de possibles contraignant à une fabrication spécifique qui est à la fois une création et une créature. Le djinn de la lampe d’Aladin est parfum – lui qui, une fois sorti de son flacon ne saurait en aucune manière y revenir. Ils sont couleur – non pas jaune ou rouge, mais une couleur fabriquée artisanalement à partir d’ingrédients spécifiques. Ils sont objets – non pas une amulete générique dont on reproduirait le modèle à l’infini, mais celle-ci, créée ex nihilo pour l’occasion. Ils sont actions et non pas rites – si l’on accepte l’idée que le rite est une institution. Les actions que l’on dit rituelles sont à inventer pour chaque djinn . Ils sont démons…

" Les démons se distinguent des dieux, parce que les dieux ont des attributs, des propriétés et des fonctions fixes, des territoires et des codes: ils ont affaire aux sillons, aux bornes et aux cadastres. Le propre des démons, c'est de sauter les intevalles, et d'un intervalle à l'autre. " [16]

Créer des concepts, inventer des êtres nouveaux – tel serait donc le travail du philosophe. Identifier de nouveaux djinns jamais rencontrés auparavant ; les nommer, définir leurs exigences, organiser des rituels spécifiques – tel est donc le travail du thérapeute du monde des djinns .

J’ai résumé dans un tableau simple les différences significatives entre trois ordres, la religion, la philosophie et le monde des djinns – qui traitent trois types d’êtres : les dieux, les concepts et un troisième type, que nous cherchons à saisir : les djinns . Si l’existence des dieux implique des connaissances et celle des concepts, l’obligation d’apprendre les constructions des philosophes nous ayant précédé, celle des djinns contraint à l’invention.

 
L'être Religion Monde des djinns Philosophie

Exigences

et

Obligations

Connaissances concernant l’identité du dieu, son nom et ses exigences.

Obligations à respecter.

Indétermination concernant l’identité, le nom et les exigences de l’être.

Obligations à découvrir… à construire.

Recherche de connaissances concernant l’identité du concept, ses exigences et les obligations qu’il implique.
Caractéristiques de l’être

Invisible

Pur

Créateur

Animé

Invisible

Sale

Créature

Animé

Concevable

Pur

Création

Inanimé

Effets – conséquences de son existence

Conversions des humains,

phénomènes d’appartenance ;

Construction d’espaces politiques et sociaux

Exploration des envers,

Lignes de fuite,

Thérapie des humains en souffrance

Multiplication de son être au sein d’un corpus transgénérationnel

Effets de sens

Construction d’espaces sociaux

 

Observation N°3 : Hybride – Cœur de femme djinn dans un corps d’homme [17]


Il s’adresse à la consultation du Centre Georges Devereux après avoir rencontré bien des déboires chez d’autres thérapeutes.

Il l ‘ entend à l’intérieur de lui – parfois il perçoit sa voix qui lui intime des ordres absurdes : " répéter 9999 fois la fatiha " … " se violer lui-même comme s’il était une femme " … " jeter aux ordures le pain sur lequel il a prononcé bismillah  [18] ", etc…

Elle déteste son épouse. Elle l’injurie, l’abreuve d’insanités, la frappe même quelquefois.

Elle l’empêche de faire l’amour avec sa jeune épouse, le pousse à sortir du lit lorsqu’elle s’y trouve, à quitter l’appartement en pleine nuit.

Dieu seul sait pourquoi, elle se met en colère et le frappe lui aussi, Akim. Son corps se tord alors et adopte des positions impossibles, son visage grimace, ses pieds se contractent, ses mains deviennent crochues. Il grogne de douleur.

Lorsqu’elle a envie d’un homme, elle lui déclenche une érection et l’incite à regarder l’homme avec des yeux énamourés.

Elle lui souffle des vérités sur les personnes qu’il croise ; mais il ne peut jamais savoir si c’est pour l’informer ou pour le tromper. Par exemple : untel est malade – il est habité par un djinn . Il n’a pas l’audace d’aller poser la question à l’inconnu.

Elle lui promet de le laisser tranquille s’il se soumet à telle ou telle obligation – par exemple s’enduire les cheveux d’une gomina malodorante. Il y consent, mais elle est toujours là à lui imposer de nouveaux diktats.

Il se procure des récitations du Coran en cassette et les écoute durant des heures, le casque du walkman vissé sur la tête.

De thérapeutes, il en a consulté des dizaines. Des guérisseurs musulmans (fkih, taleb, cheikh ). C’est justement un de ceux là qui a posé le diagnostic : il s’agit d’un djinn de sexe femelle qui a élu domicile dans son corps. Et le remède ? Des écritures coraniques banales ; des versets censés protéger ; des purifications à accomplir ; des fumigations à répandre dans l’appartement. Rien de spécifique à cet être-là. Résultat : néant ! Aucun changement.

Une guérisseuse française, catholique, vivant dans le midi, a identifié un démon, lui a prescrit des tisanes, des herbes à inhaler, des eaux à boire. Résultat : négatif ! L’être a recommencé de plus belle ; avec plus de force encore, peut-être...

Il a repris avec les Musulmans. En Egypte, un guérisseur a frappé la djenneya [19] en écrasant les doigts d’Akim, surtout le pouce. Il intimait violemment des ordres à l’esprit. Résultat : nouveaux symptômes, nouvelles douleurs. Cette djenneya n’aimait pas la brutalité.

On peut deviner ce qu’ont pensé les psychiatres. Homosexualité inconsciente cherchant à surgir dans la vie réelle malgré toutes les tentatives de refoulement. Idées délirantes. Sans doute ont-ils pensé au Président Schreber[20] et à la description de ses pulsions inconscientes analysées par Freud. Ils lui ont prescrit neuroleptiques pour les idées délirantes et lui ont conseillé une psychothérapie, sans doute pour le reste, pour l’homosexualité. Résultat : il n’a pu supporter les effets "secondaires" des médicaments et s’en est débarrasé au bout de quinze jours. Quant aux psychothérapeutes, il en a vu une bonne dizaine – mais aucun d’entre eux ne "croyait" aux djinns. Ils n’y croyaient pas ! C’est-à-dire qu’ils étaient comme les autres – les musulmans, les marocains, les égyptiens, les turcs ; comme la catholique qui habitait dans le midi. Ils n’y croyaient pas parce qu’ils ne se sont pas sentis dans l’obligation d’inventer un concept ; de créer un rite ; de fabriquer des objets. Ils n’ont fait qu’appliquer ce qu’ils savaient par ailleurs, auparavant, de toujours…

 

  1. Identifier son invisible.
  2. Établir son nom,
    • ses appartenances,
    • sa généalogie
  3. Identifier ses affections :
    • elle avouera durant l’une des séances que nous aurons avec lui qu’elle a perdu un enfant, autrefois, en un autre temps.
  4. Identifier ses intentions, ses désirs et ses besoins.
  5. Identifier les objets qu’elle aime, les actes et les rites qu’elle attend.
  6. Identifier enfin les bénéfices que Akim pourra finalement tirer de ses "noces" avec une telle djenneya .

 

Maintenant que dire de la machine "djinns" ? Il s’agit bien d’une machine qui assemble deux ordres et incite à un devenir. À son insu, contre son gré, Akim s’engage dans un devenir femme djinn … On comprend qu’il y trouve un intérêt pour ainsi dire de chercheur, à la fois un surcroît de connaissance et d’être. Attention ! Pas un devenir femme… D’ailleurs il se révolte avec violence contre de possibles idées homosexuelles ou transexuelles. Et n’allons pas penser "qu’il se défend" contre son homosexualité… l’on ne ferait alors que lui scier les jambes, et faire disparaître du même coup tous les djinns de son monde. Parce que penser l’autre n’est pas neutre – en général, le penser consiste à se préparer à lui donner des ordres.

Admettons que nous ayons compris l’intérêt d’Akim à rester dans cette démarche, quelle pourrait être celui de son thérapeute ? Une seule réponse possible : la création. S’inscrire dans ce même devenir lui donnera cet irremplaçable plaisir de donner vie. Car le thérapeute qui parvient à accomplir la mission qu’on lui a confiée est dieu, l’espace d’un seul instant.

Nous comprenons également que ce type de machine ne peut être la création d’un homme sauf à disparaître pour inutilité. Ces "machines" sont mises en relations, créations de lignes, de parcours, dans lesquelles la personne, théoricien, thérapeute ou patient viendra prendre une place, participer à la fabrication de la machine tout en étant l’un de ses rouages. Peut-être pourrait-on dire que cela fait partie du jeu de prétendre qu’un homme a inventé telle ou telle machine, mais l’on sait que si c’était vrai, cette machine ne servirait à rien.

Quelles sont les "machines thérapeutiques" ? Et à quelles machines devrons nous nous intéresser, nous autres, psychologues ? La réponse est sans hésitation : à celles qui permettent à l’humain de prendre la fuite vers d’autres ordres – non pas à celles qui prétendent le connaître, l’identifier, le cerner – celles, précisément, qui lui permettent de rester dans le flou quant à sa nature, mais l’expédient dans des aventures impossibles, dans des identifications impensables, dans des alliances contre-nature.

Comment les reconnaître ? D’abord au fait que l’on peut en aucune manière identifier leur créateur. Ensuite, du fait que dans l’espace créé par ces machines, on peut faire de l’humour, pas de l’ironie [21] ; de la provocation, pas de l’injure ; on peut éprouver de la joie ; cette joie si loin du "sentiment océanique" de tout comprendre, de tout englober.

   
D’autres exemples de machines

 

Nous devrions maintenant être à même de comprendre des systèmes thérapeutiques plus proches, d’apparence moins exotique. Essayons maintenant pour la chimiothérapie des psychotropes.
     
La chimiothérapie, c’est :  

    1. Avant tout des êtres, les molécules, dont la liste s’allonge tous les jours et pour la création desquels l’inventivité, la créativité des chercheurs est indispensable.
    2. Des lieux, les laboratoires de recherche de l’industrie pharmaceutique, où les secrets de fabrication sont gardés comme des secrets militaires.
    3. Des méthodes de fabrication, apparues après guerre, dont le succès s’est répandu à tous les secteurs de la société – voir ce que Ph. Pignarre nomme "le laboratoire de double insu" [22].
    4. Des objets, les médicaments, qui produisent des profits gigantesques et nécessitent un réaménagement de toute la société – usines, réseaux de distribution, officines de pharmacie, activités des représentants, etc.
    5. Des professions entièrement reconstruites par l’existence de cette machine : les neurologues, les psychiatres, les psychologues, les infirmiers, etc.
    6. Plus même, ce qui constituait jusqu’alors le noyau de la psychiatrie, ce qu’elle avait mis cent ans à bâtir pierre après pierre, sa nosographie, est en train de voler en éclats, d’être totalement restructurée par l’irruption de ces nouveaux êtres.
    7. Dans un même mouvement, elle redéfinit le poison, la drogue et distribue des certificats de licitité aux substances – à l’alcool, au tabac, au hachich – mais aussi au khat, au thé, aux noix de cola, au LSD, etc

Et quels sont les ordres que cette machine met en présence ? Pour reprendre les formulations précédentes, elle expédie l’humain dans un devenir-chimie, un peu comme le… – peut-être même à la suite du… – chamanisme qui l’expédiait hors de son monde jusqu’à le faire frôler un devenir-plante [23]. Elle lui fournit ce sentiment excitant de vertige qui pousse le sujet à la chose, à son noyau-même. Dans cette perspective, les usagers des drogues ne seraient pas des toxicomanes mais des chercheurs, l’un des rouages de cette machine. Il est prévisible qu’elle viendra chercher les humains, même en bonne santé au plus profond : dans leur humeur (prozac ) leur sexualité (viagra ), leur métabolisme, leur longévité…

D’où il nous faut conclure que la machine "psychotropes" est cousine de la machine "djinns" , aussi efficace, probablement, aussi intelligente, sans doute, peut-être seulement moins complète… Quoi d’étonnant alors que les populations d’Afrique du Nord et de l’Ouest continuent à accorder toute leur confiance aux djinns , tout en commençant à s’intéresser très sérieusement aux psychotropes.

     

Références bibliographiques

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    Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie N° 16: Objets, charmes et sorts.

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    Pignarre Ph. , 1999, Puissance des psychotropes, pouvoir des patients. Paris, P.U.F.

    Systèmes de pensée en Afrique noire Cahier N° 8 : Fétiches, objets enchantés, mots réalisés.


Notes

[1]. Professeur de Psychologie clinique et pathologique, Centre Georges Devereux, Université de Paris 8.

[2]. Consultation d’ethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux, Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont été modifiés, ainsi que tout détail permettant une possible identification de la famille.
[3].Cf aussi J. Guedmi, 1984 - "Rêve des doubles ou Fatiha l'oubliée". Nouvelle revue d'ethnopsychiatrie, 2, 13-34.

[4].A ce sujet, on peut consulter le Cahier N° 8 de Systèmes de pensée en Afrique noire : Fétiches, objets enchantés, mots réalisés, et le N° 16 de la Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie: Objets, charmes et sorts, et bien sûr le fameux texte de Mauss sur la magie (1902), notamment dans sa discussion de la notion de Mana.

[5]. Khfif , en arabe : "léger". Ce mot désigne aussi spécifiquement la technique de divination à l'aide du plomb fondu – peut-être par inversion, peut-être du fait que les figurines de plomb sont bien plus légères que l'on pourrait s'attendre. Il faut également dire qu'en Tunisie, on nomme la médecine traditionnelle ra'ouani, c'est-à-dire: médecine à l'envers (information fournie par Mondher Jouida, en cours de thèse sur la médecine traditionnelle en Tunisie).

[6].En général, une praticienne du khfif fait appel à ses génies (djinn ) pour l'aider à manipuler les substances.

[7]. L'influence qui guérit, Paris, Odile Jacob, 1994. CF aussi le récit du cas d'une famille kabyle traitée de la même manière dans La folie des autres, Paris, Dunod, 1986.

[8]. E.E. Evans Pritchard, Sorcellerie, oracle et magie chez les Azandé. Trad. Fr. : Paris, Gallimard, 1972 (Œuvre originale : 1937). Cf également, l’analyse du terme "manger" dans Nathan T., Lewertowski C., 1998, Soigner… le virus et le fétiche. Paris, Odile Jacob, 1998.

[9]. A ce sujet, voir François Dagognet, Tobie Nathan, 1999, La mort vue autrement. Paris, Synthelabo Les empêcheurs de penser en rond.

[10]. Voir la définition que je propose de l'ethnopsychiatrie dans T. Nathan, 19998, G. Devereux et l’ethnopsychiatrie clinique. Nouvelle revue d’ethnopsychiatrie, 35-36, 7-18.

[11]. Consultation d’ethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux, Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont été modifiés, ainsi que tout détail permettant une possible identification de la famille.
[12]. Un cas clinique détaillé dans T. Nathan, M.R. Moro, "Enfants de djinné. Evaluation ethnopsychanalytique des interactions précoces." in Lebovici S., Mazet Ph., Visier J.P. (Ed.) : L'évaluation des interactions précoces entre le bébé et ses partenaires . Genève, ESHEL, 1989, 307-339.

[13]. Cf par exemple : Brunel R., – 1926 Essais sur la confrérie religieuse des Aîssâoûa au Maroc, Paris, Geuthner ; Paques V., 1967 Le monde des gnawa in: L'autre et l'ailleurs. Hommage à Roger Bastide, Paris, Berger-Levrault ; Crapanzano V., The Hamadsha. A Study in Maroccan Ethnopsychiatry, Berkeley, University of California Press, 1973 ; Paques V., 1991 La religion des esclaves, recherche sur la confrérie marocaine des gnawa, Bergamo, Moretti et Vitali ; Abdelhafid Chlyeh, 1995 La thérapie syncrétique des Gnaoua marocains. Thèse de doctorat d'ethnologie, Université de Paris VII.

[14]." Le philosophe est l’ami du concept, il est en puisance de concept. C’est dire que la philosophie n’est pas un simple art de former, d’inventer ou de fabriquer des concepts, car les concepts ne sont pas nécessairement des formes, des trouvailles ou des produits. La philosophie, plus rigoureusement, est la discipline qui consiste à créer des concepts… créer des concepts toujours nouveaux, c’est l’objet de la philosophie. " Gilles Deleuze, Felix Guattari, 1991, Qu’est ce que la philosophie ? Paris, ed. de Minuit.

[15]. Cf par exemple E. Doutté, 1908, Magie et religion dans l'Afrique du Nord. Repris par Maisonneuve et Geuthner, Paris, 1984.

[16]. Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion, 1995, p. 51.

[17].Consultation d’ethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux, Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont été modifiés, ainsi que tout détail permettant une possible identification de la famille.

[18]. Bismillah, "au nom de dieu", conjuration musulmane très employée pour écarter les êtres d’autres mondes – incroyants et esprits.
[19]. Féminin de djinn.

[20]. Cf l’analyse de Freud : Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa (Le Président Schreber). in Cinq psychanalyses , Paris, P.U.F., 1970.

[21]." L'humour est juste le contraire : les principes comptent peu, on prend tout à la lettre, on vous attend aux conséquences (c'est pourquoi l'humour ne passe pas par les jeux de mots, par les calembours, qui sont du signifiant, qui sont comme un principe dans le principe). L'humour, c'est l'art des conséquences ou des effets… L'humour juif contre l'ironie grecque, I'humour-Job contre l'ironie-Œdipe, I'humour insulaire contre l'ironie continentale; I'humour stoicien contre l'ironie platonicienne, I'humour zen contre l'ironie bouddhique; I'humour masochiste contre l'ironie sadique; I'humour-Proust contre l'ironie-Gide, etc… " Gilles Dleuze, Claire Parnet, op.cit., p. 83.

[22]. Ph. Pignarre, 1999, Puissance des psychotropes, pouvoir des patients. Paris, P.U.F. La méthode d’évaluation de l’action d’une molécule, dite en double aveugle ou double insu, est devenue la référence pour départager le " vrai médicament" du "placebo".

[23]. Claude Lévi-Strauss a fait remarquer qu’il n’existait pas de chamanisme sans théorie de la métamorphose de l’humain à partir de la plante. Levi-Strauss, 1958, Anthropologie structurale . Paris, Plon.

   

 

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