Recherche






1 Présentation générale

- propositions méthodologiques


2 Exemples de recherches menées en 1997









1 Présentation générale

La création d'une véritable dynamique de recherche en psychologie clinique

Considérant que les recherches en psychologie clinique s'appuient souvent sur des bases logiques difficiles à soutenir du fait que les cliniciens sont eux-mêmes adeptes de la théorie censée rendre compte du processus qu'ils mettent en œuvre, nous avons tenté d'apporter de nouvelles propositions théoriques et techniques.


Propositions méthodologiques :

Nous avons proposé de partir, de l'analyse la plus fine possible des techniques réelles des acteurs – qu'ils soient psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, mais aussi guérisseurs, prêtres ou "gourous" et non de la description, toujours arbitraire d'entités hypothétiques telles que… "maladies mentales", "structures psychiques", etc.
De telles recherches, commencent donc par se mettre à l'école des acteurs réels de la "santé psychique" pour ensuite éventuellement remonter vers la théorie de ces techniques avant d'en faire découler les modèles de fonctionnement – et non procéder à l'inverse.


Partant de ces prémisses méthodologiques claires, il nous a semblé dès lors possible de constituer une unité de recherche de haut niveau en ethnopsychanalyse et en ethnopsychiatrie.

Ethnopsychiatrie, ethnopsychanalyse, psychopathologie transculturelle:

    L'originalité de la démarche ethnopsychiatrique réside dans le fait qu'elle allie nécessairement,

    - des recherches techniques et de haut niveau en Psychologie Clinique,

    - et des recherches de terrain en anthropologie de la maladie, et plus particulièrement en anthropologie des désordres psychologiques.



Autrement dit, nous ne nous contentons jamais d'investiguer la "psychopathologie des migrants", nous menons concurremment des recherches de terrain sur les modes de penser la maladie, les techniques thérapeutiques traditionnelles, les rationalités techniques spécifiques des populations dont sont issues les familles que nous rencontrons en Seine-Saint-Denis.

Cette double démarche nous paraît indispensable à l'acquisition d'une compétence spécifique dans l'approche des problèmes de ces populations.

A l'heure actuelle, des recherches de terrain apponfondies sont entreprises par les membres de l'équipe :

    .au Maghreb – en Algérie, au Maroc et en Tunisie;

    .en Afrique centrale – notamment au Cameroun, au Congo (Brazzaville) et au Rwanda;

    .en Afrique occidentale – au Bénin, en Côte d'Ivoire, au Sénégal;

    .en Amérique du Sud – au Brésil;

    .Aux Antilles francophones – en Guadeloupe, en Martinique, en Haïti;

    .Dans l'Océan Indien – à l'île de la Réunion

    .en Europe du Sud – Espagne, Italie.

    .en Océanie – Tahiti


On peut donc dire que les recherches réalisées au Centre Georges Devereux procèdent d'une démarche complexe; leur schéma général pourrait être résumé de la manière suivante:

    1. Étudier la façon dont un désordre apparu dans une famille que nous prenons en charge aurait pu être considéré si cette famille n'avait pas émigré – perception du désordre dans la culture d'origine, type d'acteurs techniques qui auraient sans doute été sollicités, spécificités des techniques qui auraient pu être utilisées;

    2. Mettre techniquement en œuvre notre compréhension psychologique et culturelle du désordre en proposant activement un dispositif technique adéquat – qui peut naturellement être aussi d'origine culturelle.

    Ainsi, l'efficacité de notre compréhension peut-elle se mesurer à l'aune de la pertinence de nos modes d'intervention.

    3. Évaluer le résultat du dispositif technique mis en œuvre puis tirer les conséquences théoriques, notamment en affinant nos modèles généraux du fonctionnement – psychologique, psychopathologique, familial…
    4. Pour ce qui concerne le processus d'évaluation, nous nous appuyons sur des enregistrements vidéographiques des séances qui sont ensuite visionnés au sein de groupes de recherche avec la mission:








2 Recherches menées en 1997


APPROCHE ETHNOPSYCHIATRIQUE
DE LA TRANSSEXUALITE ET DES MINORITES SEXUELLES
.




Responsable scientifique:

Françoise Sironi, Psychologue clinicienne, Maître de Conférences à l'Université Paris8, chercheur au centre Georges Devereux.


A l'heure actuelle, les travaux de psychologie clinique relatifs à l'homosexualité, au travestisme et au transsexualisme relèvent majoritairement du référentiel théorique psychanalytique. Le vécu des personnes concernées ou leur souffrance psychologique est pensée, dans ce référentiel théorique là, à partir du présupposé théorique suivant: la question de l'identité de genre concerne le sujet et non le groupe, il s'agit d'une problématique individuelle, intra-psychique. Par l'utilisation de la notion de perversion et de psychose (notamment pour le transsexualisme), la psychanalyse montre qu'elle ne peut penser ce qui sort des catégories sexuelles et des catégories de genre communément admises qu'en les pathologisant. Les concepts utilisés dans ce référentiel théorique comme "l'oedipe inversé", les "identifications inversées" sont relativement pauvres et limitées. De surcroît, ils ne contiennent pas d'efficacité thérapeutique. La psychanalyse n'est pas outillée ni pour penser ces questions-là, ni pour traiter les personnes concernées quand elles sont en souffrance. Il est frappant de constater combien de psychothérapies ont été interrompues par les intéressés du fait que la psychanalyse ne pouvait pas répondre à leur demande de fabrication. Les personnes concernées captaient d'emblée la théorie contenue dans les interventions thérapeutiques, et l'intention du thérapeute.

Un premier travail consiste à mettre à plat toutes les catégories avec lesquelles nous pensons l'identité de genre et les minorités sexuelles. Ces catégories sont limitatives et normatives. Il est nécessaire de mettre nos catégories à l'épreuve d'autres modèles de compréhension élaborés dans d'autres cultures à propos de la nature des êtres qui traversent les catégories sexuelles.

Notre recherche est basée sur des observations cliniques, des témoignages de personnes appartenant à des minorités sexuelles ou des témoignages de personnes transsexuelles, ainsi que sur des prises en charge psychothérapiques qui se mettent en place au Centre Georges Devereux, dans le cadre d'une consultation d'accompagnement des personnes transsexuelles.





APPROCHE ETHNOPSYCHIATRIQUE DES VETERANS RUSSES INVALIDES DE LA GUERRE D'AFGHANISTAN (PERM).


Responsable scientifique:

Françoise Sironi, Psychologue clinicienne, Maître de Conférences à l'Université Paris8, chercheur au centre Georges Devereux.


Ce programme de formation-action et de recherche se déroule sur deux années (1996-1998). Il s'effectue en partenariat avec l'Association russe OPORA (reliée à l'Institut Polytechnique de Perm, Département de psychologie), l'Association Primo Levi et le Centre Georges Devereux. Il est financé par l'Union Européenne (crédits alloués : 1.300 000 Francs).

Cette activité de recherche (clinique et thérapeutique) se base sur le travail clinique auprès des vétérans des guerres d'Afghanistan et de Tchétchénie. Nous avons été à l'origine, avec nos partenaires russes, de la création en Octobre 1996 d'un centre de réhabilitation pour vétérans invalides de guerre à Perm. Nous avons, dans un premier temps, contribué à l'élaboration tant technique que théorique du projet d'ouverture de ce centre de réhabilitation. Aujourd'hui, le centre fonctionne.

Les axes de recherche sont les suivants : la fabrication du guerrier, le devenir du guerrier dans un autre univers culturel que celui de la guerre, la spécificité de l'approche psychothérapique auprès des traumatisés de guerre, l'analyse des pratiques et l'analyse de l'évolution d'une structure qui fonctionne conformément au concept de patient-expert, étant donné que le personnel du centre de réhabilitation est composé de vétérans de guerre et de personnes qui n'ont pas participé à la guerre d'Afghanistan.




APPROCHE ETHNOPSYCHIATRIQUE
DE LA PSYCHOLOGIE DU MAL ET DES TRANSGRESSEURS
.



Responsable scientifique:

Françoise Sironi, Psychologue clinicienne, Maître de Conférences à l'Université Paris8, chercheur au centre Georges Devereux.



Actuellement, la tendance générale, dans les sociétés occidentales consiste à aborder la question du mal et des souffrances humaines liées à la guerre et à la violence par l'intermédiaire de catégories simplificatrices. On ne s'intéresse qu'aux victimes. L'idéologie du bien vient ainsi paralyser la capacité de penser le mal. Un fait nous a particulièrement marqué : en rencontrant nos collègues qui, un peu partout dans le monde soignent les victimes, nous avons toujours constaté qu'ils introduisent un clivage, d'ordre moral, entre le bien et le mal et que ce clivage qui sous-tend leur pratique et leurs réflexions ampute l'accès à une pensée et à une pratique qui tienne compte de ceux qui perpétuent la violence. On ne peut penser ces questions qu'en introduisant une pensée sur l'intentionnalité.

Une carence, un vide s'installe là où précisément s'ouvre un champ d'exploration par lequel la psychologie est directement concernée: les fonctionnements de la psychologie humaine quand on a transgressé, quand on a franchi les limites et qu'on est de l'autre côté. Les outils de pensée psychanalytiques, n'offrent que peu d'ouverture, tant les concepts psychanalytiques sont actuellement figés, statiques, rendus inopérants par ceux qui les utilisent.

L'ethnopsychiatrie apporte des concepts appropriés à la recherche sur la psychologie du mal en permettant d'inclure en son sein (ce qui n'est pas le cas de la psychanalyse) une pensée sur la déculturation, les logiques traumatiques, les mécanismes à l'oeuvre dans les initiations traumatiques, la place des rituels (initiatiques, de passages, les rituels de purification au sortir de la guerre), les transgressions de tabous culturels et les conséquences tant individuelles que de groupe, de ces transgressions...

Notre recherche portera sur les transgresseurs qui viennent questionner les normes et garde-fous au sein de notre propre société (criminels, serial-killers, violeurs...), et sur les individus qui ont commis des actes transgressifs dans un contexte de guerre et de violence collective.

Le matériel clinique proviendra de deux types de sources. Il va provenir d'une part d'une activité de terrain (missions à l'étranger, travail en prison,...) et d'autre part des consultations organisées au Centre Georges Devereux avec des personnes relevant de mesures de justice relative à la contrainte aux soins.







DIFFICULTES DE PRISE EN CHARGE MEDICALE
DES PATIENTS MIGRANTS: INTERET D'UNE
APPROCHE ETHNOPSYCHIATRIQUE


Responsables scientifiques:

Serge Bouznah (médecin de Santé Publique, cehercheur au Centre Georges Devereux),
Catherine Lewertowski (médecin, chercheur Centre Georges Devereux)),
Peter David (médecin, biologiste, Directeur de Recherche au CNRS, Chercheur au Centre Georges Devereux)),
Tobie Nathan (Professeur en Psychologie Clinque et Pathologique, Université Paris 8)


CONSTATS:

1) Le corps médical se heurte avec certains malades à de graves difficultés de prise en charge: les rapports entre le malade et l'équipe médicale peuvent être fortemement grevés par un problème culturel, ou une maladie s'installant dans la chronicité peut entraîner des difficultés de gestion de la relation entre le patient et sa prise en charge médico-sociale au long cours .

2) Les migrants sont particulièrement susceptibles de poser problème au corps médical, car ils possèdent d'autres univers thérapeutiques avec lesquels la médecine les place souvent en porte-à-faux. Nous avons l'expérience chez les migrants des névroses traumatiques en rhumatologie ou en gastro-entérologie, des désordres induits par l'annonce d'un diagnostic de maladie génétique, ou des dysfonctionnements dans la prise en charge de maladies chroniques. Ainsi, dans le cas du SIDA par exemple, la trithérapie contraint-elle à des traitement au très long cours: ces patients sont reliés à vie au corps médical par le "cordon ombilical" du traitement; pour les migrants, ce rapport de dépendance entre le patient et la médecine a pour grave conséquence de prévenir toute possibilité de retour au pays, le traitement n'y étant pas envisageable.

3) Si la biomédecine est bien susceptible de restituer une histoire complète et cohérente de la maladie, les univers "traditionnels" offrent d'autres alternatives de prise en charge du patient, d'autres interprétations de son mal.

4)
Les rapports entre patient et médecin sont sous l'influence de la position d'expert qu'occupe le médecin: les détails de la théorie que le médecin a de la maladie ne sont que très rarement connus du patient. En effet, si en biomédecine la tendance actuelle est de restituer au patient certains des éléments explicatifs sur sa maladie et sur le mode d'action du traitement de celle ci, ces énoncés restent souvent simplifiés: le véritable discours médical est réservé au membre du "groupe" des médecins.

5) Notre expérience en ethnopsychiatrie nous a montré qu'un patient peut être soigné de manière d'autant plus efficace que le thérapeute dispose d'une multiplicité de théories dans son interprétation et dans sa prise en charge de la maladie.


OBJECTIFS:

L'objectif ultime de cettte recherche-action est une amélioration de l'efficacité dans la prise en charge des malades, résultant de l'activation, dans un même lieu de consultation, des théories du monde médical et des théories des mondes traditionnels dont on aura convoqué les représentants.

On cherche à modifier la relation entre médecin et patient en montrant qu'il est possible de circuler entre des univers conceptuels différents sans pour autant les mêler, en conservant la richesse de leurs oppositions et sans que l'un ne menace l'autre. Dans ce but, à l'occasion de consultations regroupant médecins et représentants de différents mondes "traditionnels", il est permis au médecin à la fois d'exposer les théories qui sous-tendent son interprétation de la maladie, et d'avoir accès à d'autres théories, de reconnaître leur existence même s'il ne les manie pas. Il est montré comment la maladie peut être interprétée et prise en charge de manière spécifique et complète aussi bien dans les mondes "traditionnels" que dans l'univers biomédical.




FONCTION DE L’ENVIRONNEMENT SOCIO-CULTUREL
DANS LA CONSTITUTION DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
DU BOULIMIQUE ET DE L’OBESE :
ROLE DES THEORIES MEDICO-PSYCHOLOGIQUES



Equipe de recherche:

Tobie Nathan ( Professeur de Psychologie clinique et pathologique) ,
Peter David, (médecin, biologiste, directeur de recherche au C.N.R.S.) ,
Marie-Liesse Perrotin (psychologue clinicienne, chercheur en troisième cycle de psycho- pathologie clinique)

Céline Adrey (chercheur en troisième cycle de psychopathologie clinique).

ETAT DE LA QUESTION:

Si l'obésité est aujourd'hui considérée comme une maladie, force est de constater qu’elle a longtemps tenu en respect les corps médicaux et paramédicaux, dans la mesure où l'opinion publique l'assimilait surtout à une marque d'appartenance à une classe sociale, à un effet de mode voire à un signe de bonne santé. La boulimie quant à elle, encore ignorée il y a vingt ans, n’est apparue dans le D.S.M. III qu’en 1980.

On assiste à une augmentation du nombre des consultants pour troubles des conduites alimentaires dans les services de psychiatrie et de nutrition, à la création de lieux de soins spécifiques, à la spécialisation de certains services hospitaliers dans la prise en charge des patients, et même à la mise en place d'associations d'aide.

Boulimie et obésité suscitent actuellement un intérêt grandissant en vertu de la véritable explosion des cas répertoriés dans certaines populations. Cette répartition hétérogène des troubles donne lieu à un grand nombre d’études interrogeant les liens qu’entretiennent ces pathologies et la culture. Il est notable que l’Europe de l'Ouest, le Japon, l'Amérique du Nord qui sont particulièrement touchés. Or, les théories médico-psychologiques sont des éléments socio-culturels déterminants dans ces sociétés.

L’ethnopsychiatrie, ayant créé un dispositif clinique, des concepts et une méthode permettant la conceptualisation des rapports entre cultures et désordres, présente donc ici un intérêt majeur. Son utilisation permettra de:
- Répondre aux questions scientifiques actuelles sur les troubles du comportement alimentaire. (Concernant la genèse et le développement des TCA en contexte culturel.)
- Appliquer l'outil ethnopsychiatrique à une population occidentale.
- Permettre l’analyse du rôle des théories médico-psychologiques en tant qu’éléments socio-culturels dans la construction des comportements alimentaires de l’obèse et du boulimique.




PROJET DE CREATION D’UN GROUPE DE PAROLE DE JEUNES ISSUS D’UNE MEME APPARTENANCE CULTURELLE (MAGHREB, KABYLIE) EN MEDIATION AVEC DES INSTITUTIONS SCOLAIRES ET EDUCATIVES


Responsable scientifique: Tobie NATHAN, Professeur de Psychologie Clinique et Pathologique à l'Université de Paris VIII, Directeur du Centre d'Aide Psychologique aux Familles Migrantes – Centre Georges Devereux – Université de Paris VIII.

Responsable du projet: Abdelhamid Salmi. Psychologue, ATER en Psychologie à l'Université de Paris VIII, chercheur au Centre George Devereux.

Laboratoire: Centre Georges Devereux – Centre Universitaire d'Aide Psychologique aux Familles Migrantes. Université de Paris VIII, 2, rue de la Liberté – 93 – Saint-Denis. Tel.: 49 40 68 51. Fax: 49 40 68 01. Directeur: Pr Tobie Nathan.


I - LE CONSTAT

La dislocation du tissu social et culturel dans les banlieues et les grands centres urbains génère solitude, violence et désarroi chez un grand nombre de jeunes. Associés aux conséquences du traumatisme de la migration - deux pays, deux langues, deux systèmes de valeurs perçus comme contradictoires - elle provoque chez les enfants de migrants un mal-être profond qui s'exprime par des ruptures familiales, scolaires et sociales. Ce mal-être s'enkyste ou évolue à bas bruit avant de se manifester par une violence de groupe. En effet, ces enfants traversent des épisodes critiques liés aux problématiques de filiation et de transmission de l'univers culturel des parents au moment où, jeunes adultes, se pose pour eux la nécessité d'être à leur tour inscrit dans la lignée ancestrale, tout en assimilant des valeurs propres au pays d'accueil. Il faut ajouter que la cohérence de la culture d'origine a déjà été entamée par la colonisation, la guerre de libération menée durant les années cinquante et la construction nationale qui ont porté atteinte à la diversité des groupes ethno-culturels en bouleversant les systèmes d'appartenance (famille élargie, clan, village, tribu) et en freinant la reproduction des valeurs qui soutenaient ces structures (disqualification de l'enseignement traditionnel et des cadres qui le diffusaient).

Le traumatisme de la guerre, les motifs du départ en France des parents et le refoulement de certaines pratiques culturelles (maraboutisme, confrérisme...) agissent comme de véritable secrets généalogiques sur des jeunes de seconde génération privés de richesses culturelles véhiculées par la langue d'origine qu'ils ne parlent plus ou qu'ils ne manient pas aisément. Nous avons remarqué que cette langue tend à devenir purement instrumentale et exprime de moins en moins la gamme et la variété des émotions profondes d'un individu inscrit dans son pays d'origine.

Le renforcement du contrôle social et la mise en place de thérapies individuelles se révèlent insuffisants et parfois décevants. En cautionnant la dislocation des solidarités culturelles, on obtient ou on renforce en retour, la formation de groupes délictueux ou d'une appartenance de substitution aussi factice que violente (radicalisme religieux, groupes de délinquants, toxicomanes...).
Nous pensons que la résolution de la crise parents-enfants et celle du conflit aigu entre les institutions et les jeunes (école, justice, police) doit passer par une médiation et une traduction multiforme entre ces différents partenaires-adversaires. Notre double expérience en tant qu'animateur d'une consultation d'ethnopsychiatre au Centre GEORGE DEVEREUX et en tant que médiateur ethno-clinicien intervenant dans les institutions et les familles, nous a convaincu de l'intérêt pour la recherche et la clinique d'un dispositif regroupant des jeunes issus d'une même appartenance culturelle.


Pour une psychothérapie des Tsiganes
CONSTRUCTION DE DISPOSITIFS SPECIFIQUES D'AIDE PSYCHOLOGIQUE DESTINES AUX POPULATIONS TSIGANES.




Responsable scientifique: Tobie NATHAN, Professeur de Psychologie Clinique et Pathologique à l'Université de Paris VIII, Directeur du Centre d'Aide Psychologique aux Familles Migrantes – Centre Georges Devereux – Université de Paris VIII.

Responsable du projet: Nathalie Zajde. Maître de Conférences en Psychologie à l'Université de Paris VIII. Psychologue clinicienne.


Coordination du projet: Serge Bouznah

Laboratoire: Centre Georges Devereux – Centre Universitaire d'Aide Psychologique aux Familles Migrantes. Université de Paris VIII, 2, rue de la Liberté – 93 – Saint-Denis. Tel.: 49 40 68 51. Fax: 49 40 68 01. Directeur: Pr Tobie Nathan.

Chercheurs participant effectivement au projet:

- Serge Bouznah, médecin de Santé publique .
- Annick Deledec, psychologue stagiaire.
- Nathalie Zajde.

A) Introduction

La population tzigane vivant en France soulève des questions importantes quant aux politiques d'insertion sociale (RMI, intégration scolaire, accès aux soins). En effet, bien qu'en grande majorité de nationalité française, les Tziganes ont un mode de vie et des systèmes de valeurs spécifiques à leur culture qui peuvent engendrer des malentendus mettant parfois en échec les professionnels socio-médicaux.

La recherche ethnopsychiatrique tzigane du Centre Georges Devereux mise en place depuis janvier 1994 s'est donnée comme but d'étudier les différents aspects sociologiques, ethnologiques et psychologiques propres à la communauté tzigane afin d'envisager de nouveaux dispositifs mieux adaptés.

B) Méthodologie

La recherche du Centre George Devereux auprès de la population tzigane s'est développée au travers de quatre champs distincts et complémentaires:

1- La recherche de terrain et anthropologique (visites des chercheurs aux familles dans leurs lieux de vie, entretiens de recherche); séminaire bi-trimestriel de recherche tzigane en collaboration avec les équipes socio-éducatives et des médiateurs tziganes.

2- Le conseil technique auprès des équipes socio-éducatives spécialisées dans la prise en charge des familles tziganes (RMI, soins médicaux).

3- Le travail clinique: une quinzaine de consultations ethnopsychiatriques avec des familles tziganes en difficulté ont permis d'aborder en profondeur les problématiques spécifiques que rencontre aujourd'hui cette population (difficultés liées à la sédentarisation, la toxicomanie, l'inadaptation scolaire).

4- Formation:
1) Auprès des équipes socio-éducatives: a)conférences faites par des ethnologues, des psychopathologistes, des historiens et des linguistes sur des thèmes pouvant enrichir la connaissance de la population tzigane (le nomadisme, la langue, les systèmes traditionnels); b) entretiens techniques et de supervision et discussions de cas avec les chercheurs du Centre George Devereux; c) introduction à la clinique ethnopsychiatrique.
2) Formation de médiateurs ethnocliniciens tziganes.


C) Bilan actuel de la recherche

La recherche ethnopsychiatrique avec la population tzigane et avec les équipes socio-professionnelles spécialisées nous amènent aujourd'hui à envisager de poursuivre et d'élargir notre champ d'action et d'investigation.

1° Le séminaire tzigane du Centre George Devereux a connu un succès certain et sa fréquentation une grande régularité. Au cours de l'année 1997, en plus des thèmes ethnologiques abordés tels que: les Tziganes et l'écriture; les Tziganes et l'école; les logiques de déplacement et d'installation; les lieux tabous; les rites de deuil; les rites de sacrifice (sang versé, animal sacrifié); les rites de naissance; l'héritage; le vol; les mouvements charismatiques, nous avons discuté et échangé sur l'activité proprement socio-professionnelle. L'originalité d'un tel séminaire a résidé dans la mise en commun d'expériences et de techniques provenant d'équipes et d'institutions différentes fédérées à partir d'un terrain unique: la population tzigane. La richesse des échanges au cours de ce séminaire a amené les différentes équipes (L'ADEPT, la CAF de Bezon, la CAF de La Courneuve) à solliciter pour chacune d'entre elles une formation personnelle et adaptée. Nous avons décidé de clôturer le séminaire pour laisser place à un travail de recherche répondant aux demandes spécifiques de chaque équipe.

2° Le travail clinique s'est intensifié et des demandes de prises en charge ethnopsychiatriques pour les familles tziganes en difficultés se multiplient. En vue de pouvoir poursuivre et d'augmenter le nombre de prises en charge, des conventions entre le Centre Georges Devereux et les équipes socio-éducatives sont à l'étude.

3° Le travail de terrain s'intensifie et des chercheurs du Centre Georges Devereux et de l'Université Paris VIII se rendent sur les terrains de stationnement, invités par les Tsiganes en caravanes et introduits par les médiateurs tziganes. Pendant l'année 1997, les chercheurs pourront approfondir leur connaissance du monde tzigane et de ses croyance en suivant les voyageurs et en assistant aux grande conventions annuelles ainsi qu'aux grand pélerinages catholiques.

4° A la demande de professionnels travaillant sur le terrain, l'équipe du Centre Georges Devereux est sollicitée dans des activités d'exploration concernant des communautés tziganes installées dans des cités engendrant des difficultés nouvelles – par exemple avec l'arrivée des Tziganes en provenance des pays de l'est (Chatenay-Malabry, le département de l'Eure). Il s'agit de dégager des projets d'accompagnement des travailleurs sociaux et des travailleurs médicaux. Des responsables de communes et de villes qui rencontrent des difficultés à cause de l'installation en leur sein des populations nomades tziganes font également appel au Centre Georges Devereux pour tenter de solutionner les problèmes de cohabitation. Enfin, à partir de l'action concernant le RMI des réflexions sont engagées autour de la notion d'intégration et d'insertion pour cette population toute particulière.

En conclusion, nous pouvons dire aujourd'hui que le Centre Georges Devereux tend à devenir un centre de référence pour l'activité de recherche et de travail clinique auprès de la population tzigane. Il commence à être pleinement reconnu comme un lieu de rencontre et d'élaboration de projets et de propositions techniques auprès des équipe socio-médico-professionnelles. En outre, en tant que centre de recherche, il se donne aussi comme objectif de devenir un centre de documentation clinique et ethnologique tzigane. Enfin, en tant que Centre Universitaire, l'équipe de recherche auprès de la population tzigane accueille des étudiants de troisième cycle pour leur stage en psychologie clinique.

D) Perspectives 1998-1999:

a) Création d'un lieu ressources pour le travail clinique auprès des populations tsiganes
b) Développer les activités cliniques et de formation.
c) Poursuivre et élargir la recherche.

En collaboration avec différentes institutions installées dans toute la France, spécialisées dans la prise en charge socio-médico-éducatives de la population tzigane, le projet d'un colloque ayant pour thème: la médiation dans le travail avec les Tziganes, est sérieusement à l'étude.





CREATION D'UN LIEU PERMANENT
D'AIDE PSYCHOLOGIQUE
AUX ENFANTS DES SURVIVANTS JUIFS
DE L'HOLOCAUSTE NAZI






Équipe de recherche

Responsable scientifique: Tobie NATHAN, Professeur de Psychologie Clinique et Pathologique à l'Université de Paris VIII, Directeur du Centre d'Aide Psychologique aux Familles Migrantes – Centre Georges Devereux – Université de Paris VIII.

Responsable technique du projet: Nathalie ZAJDE, Maître de Conférences en psychologie clinique à l'Université de Paris VIII.

Responsable de l'activité vidéoscopée: Jean-Jacques KOWALSKI, Médecin de P.M.I., diplômé de Santé Publique. Jérôme WEISSELBERG.

Psychologue responsable du recueil des données: Catherine GRANDSARD (DESS et DEA de Psychologie Clinique).

Présentation

Les Juifs d'Europe ont connu durant la seconde guerre mondiale un des événements les plus terribles de leur histoire. Sur les neuf millions qui vivaient en Europe avant le début du conflit, plus de cinq millions ont été exterminés. Comme il était raisonnable de le penser ces disparitions sans sépulture, ces trous dans les générations ont laissé dans la population juive, même cinquante ans plus tard, des traces indélébiles. Souvenirs d'absences, mémoire de non-lieux, de vécus d'anéantissement psychique sont aujourd'hui encore ancrés dans l'âme juive, de manière extrêmement vive. Comme hypnotisé par l'intensité de l'horreur, nul témoin ne s'est préoccupé d'empêcher la turpitude. Au lendemain de la guerre, les survivants de la Shoah n'ont pu raconter au reste du monde la profondeur de la plaie.

La plupart des survivants ont fondé, ou refondé une famille. Ils ont eu des enfants. Ces derniers, bien que nés après la guerre et n'ayant pas connu les frayeurs du passé, souffrent aujourd'hui d'angoisses qu'ils relient spontanément aux angoisses de leurs parents. Opaques à leur propre souffrance, ils n'en comprennent pas l'origine, n'ayant jamais eux-mêmes été confrontés au traumatisme de la persécution. Pourtant, leurs angoisses, leurs cauchemars, leur mal-être, les échecs de leur vie affective sont à l'évidence des réactions à des vécus traumatiques.

Outre les angoisses incompréhensibles, les cauchemars de chaque nuit, les véritables névroses de destinée, répétant indéfiniment les mêmes faillites, les enfants de survivants présentent tous la même plainte: le sentiment d'isolement, la conviction d'être seul au monde à ressentir ce type d'angoisses injustifiées – à tel point qu'elles ne sont susceptibles d'être confiées à quiconque.

Comment se constituent de telles souffrances? Pourquoi se transmettent-elles? Comment peuvent-elles être enrayées? Quel dispositif technique adapté aux enfants de survivants faut-il mettre en place?


Définitions

Nous appelons survivant tout Juif ayant vécu en Europe nazie pendant la guerre et ayant survécu.

Nous appelons enfant de survivant les enfants nés après d'un ou de deux parents survivants.


Argument

La création d'un lieu permanent d'aide psychologique aux enfants des survivants juifs de l'holocauste nazi répond aux objectifs suivants:

1 – Prendre en charge de manière spécifique la souffrance psychique et existentielle des enfants de survivants .

2 – Approfondir la connaissance historique des conséquences de la Shoah par le recueil intégral – et psychologiquement assisté – de témoignages.

3 – Constituer des corpus vidéoscopés de séances de thérapie destinés à la recherche approfondie en psychologie clinique sur les pathologies consécutives aux traumatismes de masse.

4 – Construire des montages vidéoscopés, issus des séances de thérapie, destinés à l'enseignement et à la formation de psychologues cliniciens, de psychiatres et de travailleurs sociaux spécialisés dans la prise en charge des enfants de survivants.

5 – Entreprendre des formations théoriques et techniques de psychologues cliniciens, de psychiatres et de travailleurs sociaux afin de les sensibiliser à la spécificité de ce type de population et aux techniques de prise en charge.








CRÉATION D’UN RÉSEAU EUROPÉEN
SUR LA MÉDIATION INTERCULTURELLE




Responsable : Claude Mesmin, Maître de conférences
_____

Appel d’offre de l’Union européenne, projet “Leonardo da Vinci”.
Titre : Médiateur culturel européen


Partenaires :

1 - CGIL ­ Camera Del Lavoro Di Verona, initateur du projet.

2 - Provveditorato agli Studi di Verona ­ Italie.

3 - Università di Verona ­ Italie.

4 - Associazione RUE di Udine ­ Italie.

5 - Associazione PARSEC di Bologna ­ Italie.

6 - Université Paris 8 ­ France.

7 - Association APPM, Grenoble ­ France.

8 - Educational Advisory Service of Karmoy-Kopervik ­ Norvège.


Durée : 2 ans.


Projet général :


- Ce projet européen propose de créer une nouvelle entité professionnelle : le “médiateur culturel” afin de lutter contre l’exclusion des populations immigrées dans les écoles, les services médico-sociaux, les organisations syndicales et les organismes de formation professionnelle.

- Ce projet propose de constituer un réseau européen d’aide aux enseignants et aux travailleurs sociaux, de programmes de formation, de propositions d’actions pour obtenir la reconnaissance juridique et l’insertion dans le monde du travail.
Projet de recherche du Centre Georges Devereux :
Mise en place de dispositifs de formation professionnelle au bénéfice de familles originaires de cultures non occidentales.

À partir de plusieurs consultations d’ethnopsychiatrie, prenant en charge des enfants qui n’accèdent pas à la parole, des médiateurs seront formés à travailler sur cette problématique particulière.
Les connaissances de ces médiateurs pourront ensuite être transférées à d’autres prises en charge cliniques à l’école et dans des services médico-sociaux. Les analyses autour du cadre de la consultation, de la dynamique des séances, de l’impact de la langue maternelle, de la connaissance des thérapies traditionnelles et des objets thérapeutiques, du rôle de contenant du groupe, conduiront à élaborer de nouvelles pensées sur la médiation qui constitueront ensuite les contenus d’une formation.
Notre projet entend donc poursuivre la réflexion sur les expériences déjà commencées, et à partir de nouvelles consultations offrir à nos partenaires européens d’autres pensées sur le rôle du médiateur entre deux systèmes culturels.
Les implications liées au projet général
Les analyses tirées des projets des différents partenaires devraient permettre des comparaisons entre les modes d’interventions des médiateurs en fonction du lieu d’intervention et de la problématique clinique repérée.


Cette recherche, propre au Centre Georges Devereux, débouchera ensuite, en liaison avec les différents partenaires, sur :

- la mise en place de réseaux nationaux de recherche à travers des contacts institutionnels et personnels, la presse spécialisée et la mise en œuvre de séminaires thématiques pour le groupe participant au projet ;

- la création d’une page WEB et l’animation d’une conférence télématique pour favoriser l’échange et la communication avec les universités et les administrations locales ;

- la définition des parcours de formation communs et des profils curriculaires par des sessions de travail spécifique avec les partenaires ;

- le développement de cette profession “médiateur culturel” en fonction des administrations locales en liaison avec les agences pour l’emploi et les organismes responsables de l’admissibilité des titres professionnels ;

- la réalisation de modules de formation après recherche de financement à l’intérieur des programmes européens et/ou nationaux.
Les procédures les plus innovantes pour l’ensemble des partenaires sont :

- la conférence télématique au niveau européen ;

- la banques de données d’informations/ressources ;

- l’action pour la reconnaissance du titre proposé.



Évaluation

Phase 1 - l’évaluation sera conforme à tout projet de recherche à travers les hypothèses émises et en rapport à la qualité des besoins relevés en fonction d’un indice commun aux partenaires ;

Phase 2 - elle portera sur le nombre de sujets d’interlocuteurs activés par les réseaux nationaux ;

Phase 3 - elle prendra en compte, en cours du projet, la fréquence des contributions à la conférence, et le nombre d’appels des usagers ;

Phase 4 - elle sera orientée par des indices communs de qualité par rapport à l’ensemble des propositions ;

Phase 5 - elle prendra en compte la participation obtenue, le maintien des réseaux, l’adhésion d’organismes et d’associations publics et privés dans les séminaires et les définitions juridiques des profils profes-sionnels proposés sur le territoire national.
Commentaires

Ce projet de l’Union européenne, qui aurait dû commencer en novembre 1997, devrait démarrer en mars 1998 par une première réunion à Vérone des différents partenaires italiens, qui sera suivie d’une réunion de tout les partenaires.