Sur Claude Lévi-Strauss
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Leçons d'humanités Claude Lévi-Strauss a ouvert les
portes d'un monde sans «sauvages». Ses héritiers
– qu'ils soient romanciers, psychiatres ou ethnologues?–
empruntent ce passage pour renouveler leur approche. Michel Tournier Tobie Nathan Pour moi, Claude Lévi-Strauss
a apporté tout à la fois une révolution dans le
champ de l'anthropologie et la fin d'un univers. Son projet a consisté
en une tentative de formaliser scientifiquement les mondes possibles
de l'organisation sociale. Je reste encore aujourd'hui impressionné
par la force des Structures élementaires de la parenté
– ce livre qui prétend démontrer que les mouvements
internes de la personne, ceux qui semblent les plus personnels, tel
le choix d'un conjoint, sont organisés par des mécanismes
sociaux, structurels et abstraits, quasi mathématiques. Mais,
au-delà des débats théoriques majeurs auxquels
il a participé, l'actualité de sa pensée réside
d'abord et avant tout dans ces questions simples auxquelles il a apporté
des réponses durables. La première est évidemment
sa réfutation de toute pensée raciste. La seconde est
son respect, rationnellement fondé, des «?pensées
sauvages?». Certes, il a démontré de manière
convaincante que ces pensées n'étaient qu'une des formes
de la pensée classificatoire, mais il n'en reste pas moins qu'il
a rappelé la communauté humaine de toutes les pensées
«?culturelles?». Une phrase de «?La structure des
mythes?» reste pour moi une leçon d'humanité?: «?Une
hache de fer, écrit-il, n'est pas supérieure à
une hache de pierre parce que l'une serait “mieux faite”
que l'autre. Toutes deux sont aussi bien faites, mais le fer n'est pas
la même chose que la pierre.?» Claude Lévi-Strauss
nous a transmis cette obligation de considérer avec un égal
respect les techniques traditionnelles, celles des «?peuples premiers?»,
par exemple, et les plus évoluées des nôtres. Je
dois dire que mon intérêt permanent pour les techniques
thérapeutiques traditionnelles tire son origine pour une grande
part des considérations de Claude Lévi-Strauss. Même
si l'ethnopsychiatrie, qui s'intéresse précisément
aux techniques dans leur spécificité, a plutôt tendance
à privilégier les explications culturelles proposées
par les populations elles-mêmes. Tânia Stolze
Lima Au Brésil, la figure de Claude Lévi-Strauss brille évidemment sur tous les anthropologues. La présence et la vigueur de son oeuvre sont manifestes dans les études amazoniennes, même si elles explorent la pensée lévi-straussienne indépendamment des problèmes strictement structuralistes. Le fait est que l'ampleur, la complexité et la richesse de la pensée de Lévi-Strauss à l'égard des mythes amérindiens a ouvert un horizon entièrement nouveau pour l'étude des sociétés indigènes de l'Amérique du Sud tropicale. Le résultat, c'est que l'ethnographie amazonienne contemporaine peut en un sens être considérée comme une suite d'extensions et d'approfondissements ethnographiques des Mythologiques. En effet, la tétralogie de Claude Lévi-Strauss, qui a mis en lumière les questions soulevées par la pensée amérindienne, a favorisé des études approfondies sur les systèmes cérémoniaux des tribus amazoniennes, sur le rapport des structures sociales indigènes à leurs conceptions cosmologiques, sur leurs ontologies relationnelles, etc. L'ironie, c'est que si le structuralisme lévi-straussien a changé l'ethnographie pratiquée par ici, les ethnologues amazonistes, brésiliens ou non, ont pourtant développé des préoccupations différentes de celles qui furent à l'origine du structuralisme et lui donnèrent sa consistance. L'extraordinaire et admirable sensibilité de Lévi-Strauss à la pensée amérindienne est communicative. Et nous, nous commençons tout juste à explorer ce nouveau monde qu'il a découvert?.
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