mise au point

 

Mise au point

Le Centre Georges Devereux, centre universitaire d'aide psychologique, a été une nouvelle fois attaqué et calomnié. On nous a, dans un article récent de la revue Politis, encore accusé de prôner l'excision. Comment cela est-il possible ?

En préalable, et avant toute autre déclaration, nous souhaitons clarifier notre position : nous affirmons sollennellemment que nous sommes évidemment opposés à la pratique de l'excision, tant en France que dans les pays africains. Cela ne nous empêche évidemment pas de réfléchir, notamment aux raisons qui font que cette pratique, malgré son caractère traumatique, persiste dans certaines populations. Cela ne nous empêche pas de penser à la stigmatisation d'une population très ciblée en France, celle des migrants originaires du Sahel. Et nous aimerions que cela ne nous empêche pas de penser, tout simplement…

Suivent ici une série de textes qui font le point sur cette "affaire" que nous aimerions voir aboutir sur un véritable débat démocratique, honnête, loyal et généreux et non sur des invectives et des anathèmes.

Un article dans Liberation du 18 novembre 1999 : Excision: une polémique née d'un bidonnage Tobie Nathan, pre de l'ethnopsychiatrie, accusé à tort de faire l'apologie de la mutilation. Par BLANDINE GROSJEAN

   
Sommaire :

Pourquoi déteste-t-on l’émergence à ce point ? par Tobie Nathan

DROIT DE REPONSE : Le centre universitaire d’aide psychologique Georges Devereux, objet de calomnie. À qui profite le mensonge ?Par Françoise Sironi ,

La fin justifie-t-elle n’importe quel moyen ?Contre les dérives stratégiques consistant à utiliser des méthodes inquisitoires pour défendre une cause. Par l’équipe des chercheurs et cliniciens du Centre Georges Devereux

Réponse à Claude Jourde Par Claude Mesmin

Une réaction de Nathalie Schlatter Milon

Lettre à Denis Sieffert Par Catherine Grandsard

   
Pourquoi déteste-t-on l’émergence à ce point ? par Tobie Nathan

"L'une de ces interviews a été attribuée à Tobie Nathan, ethnopsychiatre français réputé. Dans cette "interview", Tobie Nathan semblait justifier ou comprendre l'excision comme pratique d'éducation sociale, d'intégration et de protection des femmes dans les sociétés traditionnelles. Les réponses attribuées à Tobie Nathan ont, évidemment, eu le retentissement que l'on imagine dans les milieux antiexcision. Une belle polémique, avec un seul problème majeur: Tobie Nathan a été le premier surpris par ses... propos. Il n'a jamais reçu les journalistes qui ont signé l'interview dans Am. Et les réponses qui lui sont attribuées sont extraites d'une précédente interview, publiée par une revue française, et dont Tobie Nathan affirme avoir plusieurs fois déjà contesté la teneur. En clair, Tobie Nathan n'a jamais tenu les propos qui lui sont attribués par Am. Depuis cet incident, j'ai eu l'occasion de rencontrer Tobie Nathan, et de lui présenter nos excuses. Plutôt que de polémiquer dans une procèdure de justice, nous avons choisi, d'un commun accord, de rétablir la vérité par le biais de cet édito."

Zyad Limam — Mea Culpa. Editorial de Afrique Magazine, septembre 1999

 

Pourquoi un journaliste a-t-il l’idée d’inventer une fausse interview, attribuant à une personne qu’il n’a jamais rencontrée des paroles qu’elles n’a pas tenues  ? Là est la première question ! Pourquoi une ancienne enseignante d’une université publie-t-elle un tissu de calomnies sur un professeur de cette même université  ? Là est la seconde question. Pourquoi un journal sérieux, politiquement engagé pour une plus grande démocratie citoyenne se fait-il le porte-parole de ces rumeurs ? Là est la troisième question.

J’ai en effet donné une interview en 1995 à la revue Science et nature sur les phénomènes d’initiation dans les sociétés traditionnelles, dont une très petite partie évoquait les problèmes d’excision. Je m’interrogeais alors sur le fait que certaines populations, malgré la douleur de ce type de rituels, tenaient à tous prix à les conserver. J’y affirmais qu’il était indispensable de comprendre la fonction psychologique de tels rituels. Rien de plus. Cette interview, donnée oralement, a ensuite été rédigée par le journaliste qui en a un tant soit peu forcé le trait. Je n’ai par ailleurs jamais écrit une seule ligne sur les phénomènes d’excision. Pourtant, une campagne de presse insidieuse a propagé la rumeur selon laquelle je serais un défenseur de l’excision. Rien n’est plus faux ! Pour lever toute ambiguité, j’affirmerai une nouvelle fois que je ne défends pas l'excision — j'y suis personnellement opposé et contribue, par l’encouragement de l’intégration des familles migrantes, à sa prévention.

Las des agressions, en juillet 1997, je publiais dans le journal Libération , sous le titre "pas de psychiatrie hors les cultures", un point de vue dans lequel figurait la mise au point suivante :

"Entendons nous : une chose est d’attirer l’attention sur le droit des enfants, sur les conséquences tant psychologiques que médicales de l’excision, des mauvais traitements ou de certaines formes d’éducation que nos connaissances nous incitent à considérer dommageables — je souscris totalement à cette démarche et d’ailleurs y participe activement en tant que professionnel ! Une tout autre chose est de tenter de comprendre le recours de certaines personnes à des rituels qu’elles pensent (à tort ou à raison) ancestraux. C’est pour cette raison qu’il est intéressant de réhabiliter le mot "culture", pour continuer à penser sans disqualifier leurs connaissances ."

Pourtant, quelques psychanalystes, quelques militantes de mouvements anti-excision, continuent de considérer que je suis un défenseur aveugle d’une telle pratique. Pour quelle raison ?

Le fait est que j’ai mis en place, voila vingt ans de cela, un dispositif spécifique destiné à prendre en charge les familles migrantes en souffrance psychologique — dispositif original ayant donné lieu à une multitude de recherches , reproduit des dizaines de fois tant à travers la France que dans de nombreux autres pays (Belgique, Suisse, Italie, Canada, Brésil…). Ce dispositif a été le premier à recevoir des patients migrants, non seulement dans leur langue (ce qui se pratiquait déjà ), mais en tenant compte de leur propre système d’interprétation de la maladie et en leur donnant la possibilité d’exprimer leur opinion sur la façon dont on les prenait en charge. Là où le bât blesse, c’est que ce dispositif, original, efficace, démocratique et ouvert à toute critique, n’a jamais été inféodé à aucune obédience — ni une école de pensée psychanalytique, ni à un courant politique — indépendant, donc, universitaire, seulement soumis aux règles de la recherche scientifique et aux modalités de validation ayant cours dans ce milieu. Or, l’existence d’un dispositif, créatif et non soumis aux écoles et aux modes laisse entendre qu’il pourrait exister d’autres façons de faire que celles qui sont imposées aux populations en difficulté ; laisse penser qu’il existe une réelle alternative. Des groupes structurés de psychanalystes frileux — du même genre que ceux dont se méfiait tant Jacques Lacan — sont alors partis en guerre contre ce type de démarche ; car laisser entendre, ne fût-ce qu’un instant, qu’il existe d’autres façons de faire, brise d’un seul coup leurs affirmations idéologiques péremptoires.

Mais alors, pourquoi ne pas s’engager dans un débat d’idées, pourquoi ne pas organiser colloques, rencontres, séminaires où confronter les points de vue ? Non ! Il leur faut des disqualifications de type moral pour ne pas avoir à engager le débat. De ce fait, ils mettent en œuvre les procédés fascisants bien connus, notamment celui du retournement des valeurs.

Exemples :

  • D’abord le fait : dans les consultations d’ethnopsychiatrie, les familles migrantes sont reçues gratuitement ; une consultation d’ethnopsychiatrie dure de deux à trois heures durant lesquelles de cinq à dix professionnels diplômés (psychologues, mais aussi psychiatres et travailleurs sociaux) s’occupent des problèmes d’une même famille. Et voici le retournement : on veut faire passer les psychologues qui s’occupent de ces familles pour des culturalistes, ethnistes — peut-être même "néo-racistes". Étrange retournement, n’est ce pas, comparable à ceux auxquels procèdent les militants du Front National lorsqu’ils se présentent comme victimes de complots juifs, américains ou impérialistes.
  • Autre fait : dans les consultations d’ethnopsychiatrie, l’on inclut tous les professionnels en charge de la famille (les assistantes sociales, les éducateurs) qui peuvent réagir, donner leur opinion, proposer une autre interprétation des faits que celle proposée par le thérapeute. C’est à mon sens le seul dispositif psychothérapique offrant aux usagers et à leurs représentants la possibilité de juger, de critiquer, de participer. Et bien, par ce même type de retournement, ce dispositif est présenté comme des actions de "toute-puissance" et l’exercice de pensées irrationnelles.

Qu’est ce qui est irrationnel ? Le fait d’écouter les patients comme ils s’expriment, dans leur langue et selon leurs pensées, de comprendre la logique qui sous-tend leur raisonnement, de les accompagner dans ce qu’ils considèrent signifiant, profond, vrai, ou bien d’utiliser les patients, en détournant leur discours pour conforter une théorie que l’on avait a priori ? Ce qui me semble rationnel, c’est précisément de comprendre pourquoi les personnes dont je m’occupe pensent tel énoncé vrai et non pas de leur démontrer que ma pensée sur ce même fait est plus vraie que la leur !

Quant à l’excision, l’entreprise d’éducation indispensable est à réfléchir avec les populations concernées et non contre elles — sinon les résultats des démarches occidentales seront toujours aussi décevants. La rationalité exige que l'on s'interroge plus avant, mieux et avec de meilleurs outils sur la persistance de cette pratique dans certaines populations. Mes propos se sont toujours voulus des questions et non pas des réponses !

 

Tobie Nathan

 

DROIT DE REPONSE :  Le centre universitaire d’aide psychologique Georges Devereux, objet de calomnie. À qui profite le mensonge ?Par Françoise Sironi

A la suite de la publication de l'article de Claude Jourde, paru dans le numéro 573 de la revue Politis , c'est en tant que Directrice du Centre Georges Devereux et au nom de toute mon équipe que je tiens à exprimer ici ouvertement ma colère et mon indignation.

Je m'étonne du fait qu'une revue comme Politis, hebdomadaire citoyen, prête ses colonnes à un auteur, ouvertement et délibérément malintentionné. En effet Claude Jourde n'hésite nullement à faire usage d'un faux pour attaquer à la fois le professeur Tobie Nathan et soixante cliniciens, universitaires, chercheurs, stagiaires, personnels administratifs qui constituent l'ensemble de l'équipe du Centre Georges Devereux, à l'université de Paris 8.

Voyons les faits. Dans le numéro de Politis en question, Claude Jourde publiait un article proprement diffamatoire intitulé "Contre les dérives de l'ethnopsychiatrie" où elle accusait Tobie Nathan de faire l'apologie des mutilations sexuelles des femmes africaines. Pour ce faire, elle a tout bonnement recopié le contenu d'un article paru dans Afrique Magazine en avril 1999. Or il se trouve que l'interview à laquelle elle se réfère était un faux. Dans son éditorial signé "Mea culpa", paru en septembre 1999, le rédacteur en chef d'Afrique Magazine, Zyad Limam, réalisant la mystification dont son magazine avait été l'objet, reconnaissait publiquement qu'il s'agissait d'une fausse interview et que Tobie Nathan n'avait "jamais reçu les journalistes qui ont signé l'interview dans Afrique Magazine" ni "tenu les propos qui lui sont attribués". Vous comprendrez pourquoi je suis consternée de voir que dans un journal comme Politis, les sources d'un auteur, qui se dit universitaire de surcroît, ne fassent pas l'objet de la moindre vérification.

Nous tenons encore une fois à affirmer que Tobie Nathan et les cliniciens du Centre Georges Devereux ne cautionnent ni ne défendent en aucune manière la pratique de l'excision. Une chose est d'attirer l'attention sur les conséquences tant psychologiques que médicales de l'excision, et nous y souscrivons, une toute autre chose est de tenter de comprendre le recours de certaines personnes à des rituels qu'elles pensent (à tort ou à raison) ancestraux (Tobie Nathan, Libération du 30 juillet 1997).

Tout est parti de la publication d'une interview de Tobie Nathan dans Science et nature, en février 1995. Le journaliste avait quelque peu outré les propos de Tobie Nathan en les tirant dans le sens idéologique où il voulait bien les entendre. A l'époque, Tobie Nathan n'avait pas souhaité mettre de l’huile sur le feu. Confiant, il pensait que les lecteurs se référeraient à la vingtaine d'ouvrages et aux 200 articles scientifiques qu'il a écrits. Mais hélas, il est visiblement plus facile pour certains de lire des articles de journalistes qui exercent mal leur métier que des ouvrages universitaires où s'élaborent une pensée et un savoir véritables.

Claude Jourde, l'auteur de cet article mensonger et faisant usage de faux, a certes provisoirement enseigné en tant que chargée de cours à l’UFR 8, au sein de notre université. De ce fait l'auteur est encore plus inexcusable, n'ayant jamais pris la peine de contacter l'équipe du centre Georges Devereux avant d'écrire sur ses pratiques cliniques, et n'ayant visiblement pas lu les travaux du professeur Tobie Nathan avant de le critiquer.

Pourquoi, diable attaque-t-on le travail du Centre Georges Devereux ? Que faisons-nous au Centre Georges Devereux et à l'Université Paris 8 pour susciter tant de convoitise ? Cette fois, c’en est trop ! Nous avons décidé de répondre publiquement, au coup par coup, et au besoin sur le terrain judiciaire.

Si la pratique de l'ethnopsychiatrie telle que Tobie Nathan l'a instaurée depuis plus de vingt ans est devenue l'objet de discussions, c'est avant tout parce qu'il l'a rendue publique, certain que les questions qu'elle pose aux pratiques psychologiques ne peuvent qu'enrichir la communauté des professionnels du soin (Tobie Nathan, Le Monde du 4 janvier 1997). Depuis janvier 1993, date de l'ouverture du centre Georges Devereux, plusieurs centaines de familles, ont été reçues au centre. Ce centre universitaire d’aide psychologique a dans un premier temps, accueilli des populations migrantes et plus récemment également des populations françaises culturellement ou socialement minoritaires, ainsi que des groupes marginalisés. Les patients sont reçus en consultation avec des représentants des équipes qui nous les adressent : services sociaux, éducatifs, milieux judiciaires et psychiatriques… les patients migrants avec leurs médiateurs culturels, véritables êtres d'interface capables non seulement de parler la langue des patients mais également d'expliciter et de prendre en compte les logiques étiologiques et thérapeutiques en vigueur tant dans le monde culturel d'origine du patient que dans la société d'accueil.

Les partenaires qui font appel aux compétences du centre s'inscrivent dans des domaines aussi variés que :

  • la justice (ordonnances de consultation, médiation ethno-cliniques auprès des tribunaux, expertises…)
  • l'action sociale (intervention auprès des populations migrantes et françaises en grande précarité psychologique, sociale et culturelle,…)
  • la santé (mise en place d'une antenne "médiation sida", d'un groupe de recherche sur l'infertilité, d'une consultation spécifique pour les patients récalcitrants vis à vis de tous types de traitements médicaux,…)
  • la lutte contre les traumatismes vécus ou revécus de manière transgénérationnelle (groupes pour les enfants de survivants de la shoah ).
  • Les minorités récalcitrantes aux soins et aux prises en charge sociales (SDF, nomades…)
  • l'enseignement et la formation universitaire et post-universitaire tant en France qu'à l'étranger.

Depuis 1998, nous avons connu un accroissement et une diversification des sollicitations extérieures pour nos compétences dans des domaines tout à fait contemporains (comme celui de l'action humanitaire et des traumatismes délibérément induits par les hommes) ou novateurs, d'un point de vue clinique, comme le champ des minorités sexuelles, des sans domiciles fixes, des personnes qui se définissent comme victimes de psychothérapies, …

"La société ne peut voir d'un bon œil que nous mettions à nu, sans nul égard, ses défectuosités et les dommages qu'elle cause. Parce que nous détruisons les illusions, on nous accuse de mettre en péril ses idéaux" .

Ce constat que faisait Freud à propos des attaques dont la psychanalyse était l'objet, apparaît d'une étonnante actualité quand on analyse les attaques dont l'ethnopsychiatrie clinique, telle qu'elle a été élaborée par Tobie Nathan, et telle qu'elle se pratique au Centre Georges Devereux est l'objet. Nous sommes aujourd'hui la cible de psychanalystes conformistes et gardiens de dogmes, précisément du genre de praticiens tant dénoncés par Freud et par Lacan. Nous sommes la cible de cette psychanalyse frileuse, apeurée et phobique, de plus en plus délaissée par ses patients, incapable de supporter la réalité clinique contemporaine, cette réalité à laquelle nous sommes en revanche constamment confrontés au centre Georges Devereux. N'oublions pas que la plupart des patients que les équipes médicales, sociales ou éducatives nous adressent au centre sont en fait des échecs thérapeutiques. Ces patients ont été l'objet de multiples types de prises en charge, s'étalant parfois sur des dizaines d'années, avant de venir en consultation au centre. De même, en ce qui concerne le milieu judiciaire, la plupart des juges qui font appel à nos compétences pour une expertise sollicitent un éclairage culturel qui les aide efficacement dans le traitement de situations complexes et pour lesquelles les équipes thérapeutiques et éducatives sont en échec, là aussi, depuis de longues années.

Une autre cause des attaques contre l'ethnopsychiatrie telle qu'elle se pratique au centre Georges Devereux tient au fait qu'en tant que discipline, elle se donne pour contrainte d'analyser tous les systèmes thérapeutiques, sans exclusive ni hiérarchie, qu'ils se revendiquent "savants" ou qu'ils se présentent comme spécifiques d’une communauté (ethnique, religieuse ou sociale) — autrement dit de situer les pratiques occidentales au même rang, quant à l’analyse, que les pratiques rapportées avec elles par les populations migrantes. Mais parce que certains analystes pratiquent la psychanalyse de façon volontairement hégémonique et arbitrairement universaliste, ils ne supportent pas une telle proposition méthodologique … pourtant ô combien démocratique …

Claude Jourde invoque le courage qu'il faut aux détracteurs de l'ethnopsychiatrie... Assurément il lui en manque beaucoup, elle qui préfère, dans ce chiffon d'humeur, se recroqueviller sur des causes bien entendues comme la condamnation de l'excision, plutôt que de prendre de vrais risques, comme nous le faisons, quand nous cherchons à élaborer une pensée et une pratique clinique enfin, véritablement "symétriques".

"Réhabiliter le mot culture c'est soumettre les chercheurs en sciences humaines à l'expertise de ceux qu'ils décrivent" écrit Tobie Nathan dans Libération . Et c'est bien là que le bât blesse pour des personnes comme Claude Jourde.

Dans son article intitulé "Le défi des "droits culturels", paru dans la Chronique de la Ligue belge des droits de l'homme, la philosophe Isabelle Stengers écrit : "Nous refusons la voie facile qui s'ouvre à ce carrefour (des droits humains et de la culture) : prolonger comme d'ores et déjà "universelles" en droit les définitions produites par notre histoire. Nous n'ignorons pas que cette voie a mené à légitimer en tant que victoire des droits humains ce qui était en fait des opérations de disqualification, de conquête et de destruction" .

Nous devons, j'en suis intimement convaincue, accepter de confronter loyalement nos modèles théoriques et thérapeutiques à d'autres systèmes de soins et de pensée. Tel est, assurément, le vrai engagement d'un clinicien citoyen pour le respect des droits de l'humain et pour le respect du droit des cultures. Tel est assurément l'avenir de nos pratiques cliniques et l'avenir des sciences humaines en général. À défaut de reconsidérer les choses dans ce sens, je ne sais quelle sorte de nouvelles guerres nous nous préparons.

L’équipe du Centre Georges Devereux publie régulièrement depuis une vingtaine d’années La Nouvelle revue d’ethnopsychiatrie et, très prochainement, aux empêcheurs de penser en rond, Ethnopsy , les mondes contemporains de la guérison . On peut consulter son site web à http://www.ethnopsychiatrie.net

Françoise Sironi

La fin justifie-t-elle n’importe quel moyen ?Contre les dérives stratégiques consistant à utiliser des méthodes inquisitoires pour défendre une cause. Par l’équipe des chercheurs et cliniciens du Centre Georges Devereux
 

En tant que chercheurs en psychologie, nous ne pouvons laisser Claude Jourde se permettre d’utiliser la méthodologie la plus odieuse qui soit pour attaquer aussi violemment la personne de Tobie Nathan, son travail et remettre en cause le bien-fondé de l’existence du Centre Georges Devereux, le tout sous couvert d’un acte militant en faveur de la cause défendue par le Groupe Femmes pour l’Abolition des Mutilations sexuelles ( GAMS).

Car sous prétexte de servir une cause réelle, Claude Jourde s’emploie, en réalité, en dévoyant son rôle de militante, à diaboliser la personne même de Tobie Nathan, ce qui l’autorise à détruire, en deux pages, et en utilisant des méthodes dignes de l’inquisition, le travail clinique et de recherche mené depuis des années au Centre Georges Devereux.

On peut s’interroger sur les véritables intentions de l’auteur qui, en réussissant à déjouer la vigilance critique de la rédaction de Politis, s’attaque à l’entreprise qu’a toujours menée Tobie Nathan de contraindre la psychologie à agir de manière démocratique :

- en créant des dispositifs de soin tels que les patients soient assurés de pouvoir débattre contradictoirement avec les professionnels sur la meilleur manière de se soigner,

- en créant avec le Centre Georges Devereux, le seul centre public de formation clinique des psychologues existant en France.

Les " méthodes " de l’auteur : utiliser le GAMS pour mener ses propres guerres :

Introduire de la confusion chez le lecteur pour le captiver ..... :

Claude Jourde, qui se présente comme une enseignante, intitule son article " Contre les dérives de l’ethno-psychiatrie ". Avec un tel titre, le lecteur est en droit de s’attendre à une réflexion à propos d’une démarche méthodologique qui a déjà fait couler beaucoup d’encre dans le milieu des sciences humaines.

Le titre, en lui-même est peu explicite et accroche le lecteur : toute démarche ethnopsychiatrique est-elle à combattre ou dans le champ de l’ethnopsychiatrie, existerait-il une branche déviante ?

Ces questions théoriques auraient pu être fort intéressantes à soulever et donner lieu à un débat démocratique faisant appel à des arguments clairement exposés.

Mais, et c’est là où réside l’utilisation par l’auteur d’une première confusion destinée à leurrer le lecteur, cet article ne parle absolument pas de l’ethnopsychiatrie ( que l’auteur ne définit d’ailleurs pas) mais il s’agit, en fait, d’une diatribe à l’encontre de Tobie Nathan et du Centre Georges Devereux , non par une enseignante qui a fréquenté l’Université de Paris VIII ( ce qui laisse croire au lecteur que l’auteur est une personne éclairée sur l’ethnopsychiatrie et les activités menées au centre Georges Devereux) mais par une militante d’une cause, qui se fait l’écho des voix de femmes africaines.

.....et lui imposer sa propre mise en scène :

Nous sommes dès lors dans un tout autre registre de texte et d’intentions : ce texte est une arme et il invite non seulement le lecteur à entendre que le monde est en guerre mais à le recruter pour éliminer les forces nocives. Dans ce cadre, on comprend mieux pourquoi Claude Jourde brosse à grands traits un tableau des forces en présence : un monde en guerre est un monde binaire : d’un côté les alliés, de l’autre, les forces ennemies à combattre et à éradiquer. Or, par le jeu d’une seconde confusion, l’auteur traduit cette guerre par une étrange mise en scène :

d’un côté le GAMS, la CAMS et le Comité Inter-Africain, trois groupes alliés dans la lutte contre la pratique de l’excision avec pour effigie le témoignage émouvant de cette femme africaine traumatisée à vie par l’épreuve de l’excision et de l’autre côté, l’ethnopsychiatrie — ou une branche déviante ? — avec pour effigie le diabolique, l’hérétique, Tobie Nathan qui glorifie les tortures et les mutilations.

En opérant ainsi, Claude Jourde nous montre combien, à l’aube du troisième millénaire, le recours à la diabolisation et aux techniques des inquisiteurs restent des menaces actuelles et fort dangereuses pour la démocratie.

Ainsi, même la rédaction de Politis - qui n’a pris aucune précaution pour vérifier les sources - a été leurrée par la mise en scène de l’auteur.

Quand l’unique " argument " se révèle n’être qu’une rumeur 

En effet, face à une telle mise en scène, il est bon de rappeler certains faits :

Claude Jourde n’a jamais pris la peine de vérifier ses sources (ce qui est interrogeant pour une enseignante universitaire).

Elle n’a jamais rencontré Tobie Nathan ; elle invente un personnage totalement fictif à partir d’une fausse interview de lui, parue dans Afrique Magazine en Avril 1999. La seule lecture de la mise au point parue dans le numéro suivant d’Afrique Magazine et reproduite sur le site du Centre Georges Devereux  (www.ethnopsychiatrie.net) fait s’écrouler le seul argument que l’auteur utilise et qui lui permet d’attaquer en chaîne Tobie Nathan, son droit d’exercer ses fonctions et le Centre qu’il a créé !

Quand la farce reste amère 

Comme quoi, en tant de guerre, et à l’aube du troisième millénaire, la diabolisation d’un bouc émissaire et le maniement d’une rumeur bien entretenue peuvent être toujours des armes bien efficaces....tant qu’elles ne se retournent pas contre son utilisateur.... et pourtant... Nous savons tous que dans ce genre d’affaires, le rétablissement des faits a posteriori ne peut jamais complètement annuler les doutes qui ont été insinués par de tels actes — calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose... Claude Jourde, en pervertissant son rôle de militante, n’a fait que reproduire les bonnes vieilles méthodes des inquisiteurs qui furent, en leur temps, les experts du maniement de la confusion des registres d’argumentation, des rumeurs non vérifiées, des amalgames, et des mises en scène diabolisantes.

En tant que psychologues et chercheurs universitaires, travaillant au Centre Georges Devereux, nous ne pouvons laisser Claude Jourde mettre ainsi en cause, par un amalgame de pseudo arguments, le bien fondé d’un lieu de recherche en psychologie qui s’emploie, avec Tobie Nathan, d’abord, et depuis deux ans avec Françoise Sironi, à la mise en place de dispositifs d’aide et de soins véritablement démocratiques :

Construits à partir de la contrainte du respect des spécificités des personnes et des groupes, ces dispositifs instaurent des débats contradictoires entre patients ou groupes de patients et professionnels du soin.

C’est pourquoi,

quand Tobie Nathan prône qu’un psychologue devrait toujours s’assurer  

" qu’aucune parole d’expert ne peut être prononcée sans que la personne qui reçoit le discours émis à son encontre ( la personne elle - même et non des groupes s’autoproclamant ses représentants), soit mise en position de l’approuver ou de le réfuter ",

et que Claude Jourde perçoit l’auteur de tels propos comme un personnage nocif, doit-on alors comprendre que le véritable message de Claude Jourde est d’affirmer qu’il serait dangereux de laisser directement la parole aux femmes africaines, et que, pour cette raison il est nécessaire que leurs voix soient déléguées à des groupes s’autorisant à agir en écho et en porte parole ?

Dans ce cas, la situation nous semble grave et urgent d’instaurer un réel débat de fond.

 

Les cliniciens et chercheurs du Centre Georges Devereux :

 

- Jean-Luc Swertvaegher, Psychologue clinicien, doctorant en psychologie, avec la collaboration

de:

- Attias Dominique, Avocate,

- Bâ Mariem, psychologue clinicienne, Centre Georges Devereux, Université Paris 8,

- Belmejdoub Loubaba, psychologue clinicienne, Centre Georges Devereux, Université Paris 8

- Bonnefoy-Roy Janine, Psychologue clinicienne, Université Paris 8,

- Borodaevskaya Clochez Tatiana, psychologue clinicienne, Université Paris 8

- Bourouis Mohamed Salah, Psychologue clinicien, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Camara Malamine, étudiant en psychologie, médiateur ethno-clinicien, Université Paris 8

- Cordova Luis, Psychologue clinicien, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Couy Marie-Thérèse, psychiatre, CMPP.

- De Mori Paola, éducatrice spécialisée et étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Doledec Annick, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Folio Isabelle, Psychologue clinicienne, Université Paris 8

- Grandchamp Claude, stagiaire DESU, Université Paris 8

- Grandsard Catherine. Attachée temporaire d'enseignement et de recherche, Université Paris 8,

- Guillard Pierre, stagiaire DESU, Université Paris 8

- Hamel Christine, conseillère d'éducation et étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Haumont Alice, étudiante en philosophie, Université Libre de Bruxelles

- Hayab Saâdia, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Hermant Emilie, administration du Centre Georges Devereux, Université Paris 8

- Honikman Joëlle, Psychologue clinicien, doctorante en psychologie, chargée de cours, Université Paris 8

- Huber-Nahum Jenny, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Kanner Jocelyne, éducatrice au Tribunal pour Enfants de Paris

- Koffi Gogo, Philosophe, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Lawry Blanchon Beverley, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Mesmin Claude, maître de conférences de Psychologie, Université Paris 8

- N'Koussou Geneviève, médiatrice ethno-clinicienne, Centre Georges Devereux

- Nacitas Catherine, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Namia-Cohen Delphine, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Pelapouet Pascal, , Psychologue clinicien, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Perrotin Marie-Liesse, Psychologue clinicienne, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Porée du Breil Martine, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Rabinovitch Marie, étudiante en psychologie, Université Paris 8

- Reucher Tom, étudiant en psychologie, Université Paris 8

- Theuré Jean-Claude, étudiant en psychologie, Université Paris 8

- Toumi Sarah, étudiante en anthropologie, Université Paris 8

- Wexler Henny, Psychologue clinicien, doctorant en psychologie, Université Paris 8

- Zajde Nathalie, maître de conférences, université Paris 8.

- Zougbédé Jean, doctorant en psychologie, Université Paris 8...

Réponse à Claude Jourde Par Claude Mesmin

En se référant à une fausse interview, que peut-on écrire sinon un faux article ou un article faux  ? Faux et usage de faux, n’est-ce pas puni par la loi ?

Inventer une interview et la publier à l’insu de son auteur supposé, est une action qui n’est pas digne d’un journaliste, mais reprendre ce même article pour accuser son involontaire victime sur des propos non tenus, n’est pas digne d’un enseignant. Je ne sais pourquoi ce titre d’enseignant que vous mentionnez là, alors que vous exerciez il y a trois ans à l’Université Paris 8, vous autorise, Claude Jourde, à diffamer vos collègues du Centre Georges Devereux, à l’Université Paris 8.

Dans ce centre, travaillent ensemble des psychologues cliniciens, des enseignants-chercheurs, des étudiants en stage de 3e cycle. Nés en France ou à l’étranger, le même objectif de travail nous rassemble : la prise en charge des familles en difficulté, la plupart du temps migrantes, mais pas uniquement.

Tous les cours dispensés, toutes les recherches menées et toutes les consultations conduites au centre à la demande des trois champs habituels de la psychologie que sont ceux de la santé, de la justice et de l’éducation, nous conduisent à rencontrer un public nombreux et à publier assez fréquemment. Si les accusations que vous portez étaient fondées, pourrions-nous recevoir autant de demandes ?

Nous sommes de plus en en plus sollicités comme partenaires dans des recherches aussi bien par l’Union européenne que directement par des universités, des centres de soins dans différents pays (Italie, Suisse, Russie, Chili, Brésil, Mali, Sénégal, Djibouti…). Si nos prises de position étaient aussi contestables que vous l’affirmez, il faudrait admettre que vous êtes seule et vigilante (avec votre groupe, peut-être ?) contre tous.

Le groupe de "journalistes, écrivains et psychanalystes courageux et conscients…" qui vous soutient, devrait vérifier ses sources avant de porter un jugement. Je veux bien admettre que vous avez rencontré assez de femmes africaines qui vous ont demandé d’entendre et de défendre leurs revendications, mais, de la même façon, avant de porter un jugement, vous auriez dû venir au Centre Georges Devereux voir comment tous les psychologues cliniciens travaillent. Vous auriez compris alors que les difficultés que rencontrent adultes et enfants dans la migration occupent tout notre temps et alimentent nos discussions. La transformation des cultures, dont nous sommes les témoins et que nous respectons, ne nous permet pas de porter, comme vous, un jugement sans appel. Notre but est de permettre aux familles de trouver leur chemin sans trop se mettre en danger pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Notre devoir d’hospitalité et nos connaissances de la psychologie clinique l’exigent ainsi.

Si, comme nous le pensons, parler c’est faire surgir les objets, vous avez sorti les vôtres, que je ne jugerai pas, et avez tenté de manipuler nos objets, en utilisant ce que vous croyez être notre langue. Mais, sans en connaître le code, vous ne pouviez agir sans vous tromper.

Par contre, vous devriez savoir que les migrants sont en train d’apprendre à manipuler les objets de notre monde, comme nous apprenons à comprendre les leurs, comme nous le faisons au Centre Georges Devereux, ce qui nous permet de repenser les nôtres mais ne nous autorise pas à modifier les leurs, ils le feront eux-mêmes. Donnez-leur, Claude Jourde, le même droit d’agir que celui que vous vous octroyez et que nous, cliniciens du Centre Georges Devereux, nous leur reconnaissons.

Claude Mesmin

Encore une réponse

Une réaction de Nathalie Schlatter Milon

Je voudrais m'exprimer à la suite de l'article de Claude Jourde paru dans l'hebdo Politis n° 573 du 4 novembre 1999 : "Contre les dérives de l'ethnopsychiatrie".

Il y est tenu des propos sans consistance à partir d'une hypothétique interview que Tobie Nathan aurait accordée en avril 1999 à la revue Afrique Magazine en illustration d'un témoignage subtilement choisi d'une africaine, à propos de son vécu de jeune femme excisée dans le cadre d'un dossier sur l'excision.

Je dis sans consistance puisque cette interview n'a jamais eu lieu. Un édito du rédacteur en chef de cette revue, Zyad Limam, a paru dans le n° de septembre 1999 et tient lieu, il faut le souligner, de démenti officiel et de reconnaissance d'usage de faux.

Or Claude Jourde s'appuie sur ce texte pour construire son objet diffamatoire destiné, me semble-t-il, moins à défendre les jeunes africaines dont il est question, qu'à attaquer une institution - le Centre Georges Devereux - reconnue et appréciée.

Comment peut-elle tenir et colporter de tels propos sur ce qui se passe, se pense et se fait dans cette institution à moins d'y avoir elle-même occupé une place (stagiaire, invitée, consultante, …) ce qui, à ma connaissance, n’a jamais été le cas ?

Le Centre Georges Devereux est un espace unique, original et initiateur d'une circulation de la pensée capable de se nourrir à la source de plusieurs mondes sans les appauvrir ou les éteindre. Il cumule, à la fois, la pratique de la clinique, le travail de recherche universitaire et la véritable formation d'étudiants en psychologie clinique et pathologique.

Combien de stagiaires peuvent-ils témoigner de leur activité clinique réelle sur leur lieu de stage ? C'est-à-dire de la prise de risque réciproque de la pensée de chacun, de la contrainte incontournable à réfléchir en direct sur leurs mouvements ainsi que sur la nature de ce qui les a initiés ?

Le Centre Georges Devereux, c'est avant tout, l'accueil et la prise en compte de la souffrance et des difficultés liées à leur histoire et à leur parcours des familles migrantes qui se trouvent, par ailleurs, bien souvent dans une impasse face aux institutions habituelles juridiques, sociales et médico-psychologiques. Il constitue un lieu où un regard différent est porté sur ce qu'elles y déposent ainsi qu'un souffle de vie pour ces familles suspendues qui ne sont plus totalement de chez elles et ne sont pas vraiment chez elles en France.

A contrario, le Centre Georges Devereux n'est certainement pas un lieu qui alimente des prises de position politiques ou des alliances dogmatiques par rapport à des controverses redondantes sur les rituels traditionnels.

Le Centre Georges Devereux s'appuie, dans son fonctionnement clinique, sur le dispositif de l'ethnopsychiatrie, né il y a 20 ans de l'audace et de la richesse clinique d'un psychologue clinicien-chercheur, élève de Devereux : Tobie Nathan. En ce sens, il n'est absolument pas un espace de traitements traditionnels. Il est fort regrettable que les détracteurs de l'ethnopsychiatrie ainsi initiée par ce dernier, ne trouvent à nourrir leurs maigres arguments qu'à partir de faux ou de représentations mensongères.

Parce que, à cet endroit, personne ne cherche à convertir quiconque, à le "civiliser" — encore moins à le "tuer" !

 

Nathalie SCHLATTER-MILON

Psychologue clinicienne

Rennes, le 5 novembre 1999.

Lettre à Denis Sieffert

Par Catherine Grandsard

A la suite de la publication de la réponse de Françoise Sironi et surtout du commentaire de Denis Sieffert qui l’accompagnait, Catherine Grandsard a réagi ainsi :

Comment osez-vous, Denis Sieffert, " regretter les aspects inutilement polémiques " de la réponse de Françoise Sironi au torchon que vous avez publié la semaine dernière sous le titre " Contre les dérives de l'ethno-psychiatrie " dans lequel Tobie Nathan se voyait accusé de glorifier " tortures et mutilations ", taxé " d'ignominie, de bêtise et d'ignorance ", traité de " hors-la-loi " exerçant " une influence d'autant plus dangereuse qu'il a créé le Centre Georges-Devereux " ?! Et l’auteur de ces propos subtiles (et de bon goût) d’enchaîner en inventant de toutes pièces une prétendue nomination " inadmissible et intolérable " de Nathan comme " expert dans un procès à venir " contre les mutilation sexuelles puis de remettre en cause le fait " qu’il reçoive des subventions publiques depuis 1993 pour son centre ".

N’avez-vous pas honte, Denis Sieffert, de persister comme vous le faites dans l’erreur, de refuser de reconnaître qu’il s’agit bien là de mensonges et de calomnies ?

N’êtes-vous pas gêné en votre qualité de journaliste d’avoir fait paraître un article entièrement basé sur une fausse interview publiquement démentie par le rédacteur en chef de la revue qui l’avait publiée ? Quant à l’entretien paru dans Science et Nature en février 95 (il y a donc bientôt cinq ans !), Tobie Nathan s’est déjà maintes fois exprimé sur le sujet, et plus particulièrement dans un article publié dans Libération le 30 juillet 97. Avez-vous seulement pris la peine de le lire ? Combien de fois une personne doit-elle répéter la même chose avant d’être entendue ?

Vous êtes lassant, Denis Sieffert, lorsque vous affirmez que le texte de Sironi " revendique " un " relativisme culturel absolu " en reprenant sans les citer les termes d’un Benslama ou autre Policar, grands maîtres de l’art de la polémique stérile et des accusations déloyales. Sur quels propos de Sironi vous basez-vous pour dire cela ? En plus des nombreux textes universitaires traitant de l’ethnopsychiatrie (que vous n’avez manifestement pas lus), Tobie Nathan, Bruno Latour, Isabelle Stengers, et toute l’équipe du Centre Georges-Devereux ont plusieurs fois expliqué aux médias que le relativisme culurel n’intéresse pas l’ethnopsychiatrie clinique, qu’il ne s’agit en rien de cela, et que tout l’effort de cette discipline se situe dans la création de conditions propres à permettre une réelle rencontre, un débat équitable, avec le savoir ayant cours dans d’autres univers et les personnes issues de ces univers.

Et puis vous êtes sournois, Denis Sieffert, lorsque vous reprochez à Sironi de ne pas évoquer les " associations de femmes africaines qui répliquaient vigoureusement à Tobie Nathan " dans l’article de votre consœur. Comme si l’article en question avait une quelconque légitimité. Combien de fois faudra-t-il dire qu’il est ENTIEREMENT FONDÉ SUR UNE INTERVIEW QUI N’A JAMAIS EU LIEU ! ! ! Pour ma part, je me permettrai de conseiller à ces associations de s’assurer en personne qu’elles ne se sont pas trompées d’ennemi en la personne de Tobie Nathan et du travail qu’il défend.

De grâce, Denis Sieffert, épargnez votre mauvais foi à vos lecteurs. Elle est parfaitement indécente.

Catherine Grandsard

Attachée temporaire d’enseignement et de recherche

Université Paris 8

 

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