LES ENFANTS VICTIMES DE TORTURE ET LEURS BOURREAUX

par Françoise Sironi

 

Françoise Sironi

Maître de Conférences

Université de Paris 8

2, rue de la Liberté 93200 — Saint-Denis

 

 

Je dédie ce texte à Madeleine RIFFAUD, résistante, journaliste et poète.

 

RésuméAbstractUne pratique psychologique engagéeHistoire collective et histoire singulièreDescription clinique de l'effraction psychiqueÉléments de psychothérapie — Traiter l'enfant pour prévenir la vengeance de l'adulteIllustration : le tribunal intime — ou comment les enfants se débarrassent de leur tortionnaire, CommentairePenser l'avenir : quels enfants vont-ils devenir ?Bibliographie

 

DEVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DES ENFANTS AU REGARD DE l'IMPACT TRAUMATIQUE DE L'HISTOIRE COLLECTIVE

Le 24e Colloque International de Psychologie Scolaire et de l'Education qui s'est tenu à Dinan en 2001, se voulait assurément futuriste. C'est délibérément que l'accent a été mis sur l'avenir, sur la Psychologie et l'Education pour le 21e siècle. Il y a une donnée avec laquelle ces deux disciplines devront, hélas, composer. Il s'agit de l'impact qu'exerce la violence collective sur les enfants et les adolescents qui l'ont subie. Cela fait plus de dix ans que je m'occupe, en tant que psychothérapeute, d'enfants et d'adultes victimes de tortures, de génocides et de persécution politique[1] . Les propos qui suivent sont le fruit de cette expérience clinique.

Les siècles passent, mais hélas le malheur des hommes, les guerres, les tortures, la persécution politique, les génocides et autres violences collectives perdurent. L'épidémiologie des crises et des conflits contemporains est parlante: 9 guerres durant les années 50 à travers la planète, 11 durant les années 60, 14 dans les années 70, et au moins 50 de nos jours[2]. Autre constat éloquent: pendant la première guerre mondiale, sur la totalité des populations décédées ou blessées, "seulement" (si je puis dire) 5 % étaient des civils. Pendant la deuxième guerre mondiale, la proportion de civils morts ou blessés grimpe vertigineusement à 50%. Cette proportion ne cesse de s'aggraver, pour atteindre 80% de civils parmi les populations blessées ou décédées lors de la guerre du Vietnam. Enfin, un rapport de l'UNICEF, datant pourtant de 1986, sur la situation des enfants dans les conflits armés, chiffrait déjà à 90 % la proportion de civils atteints au cours des 50 conflits armés, alors répertoriés dans le monde.

On comprend alors pourquoi l'intervention psychologique à l'issue des conflits ainsi que la prévention de la violence auprès de populations fortement touchées par l'Histoire collective est en train de devenir un secteur majeur de pratiques psychologiques à l'aube de ce nouveau siècle.

 

UNE PRATIQUE PSYCHOLOGIQUE ENGAGEE

Cette entrée en matière alarmante ne saurait entamer mon optimisme quand à une possibilité de diminution de ces donnée statistiques. Je suis convaincue que les actions de prévention contre la violence, qu'elles soient menées dans les écoles, au cours d'activités extra-scolaires ou au décours d'une psychothérapie ont une réelle portée, même si le temps qui sépare la mise en terre d'une graine de sa maturité peut être long, et ce tant au niveau individuel qu'à l'échelle d'une population entière.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet optimisme je le tire de plusieurs années d'expérience en tant que psychothérapeute auprès d'enfants et d'adultes traumatisés par la torture, la persécution politique, les massacres et les génocides. J'ai d'abord travaillé à l'Avre, dans le premier centre de soins pour victimes de torture et de répression politique crée en France; puis au centre Primo Lévi, centre dont je suis une des co-fondatrices et qui traite également des victimes de tortures. Actuellement je dirige une consultation de recherche et de psychothérapie sur les traumatismes intentionnels au Centre Georges Devereux, à l'Université Paris 8. Je participe également à des missions humanitaires: au Kossovo, au cours de l'année 2000 [3] et auparavant à Perm, en Russie. J'ai contribué, avec deux autres collègues [4], à la création d'un centre de réhabilitation pour les jeunes appelés russes revenus psychiquement traumatisés ou invalides, de la guerre menée par l'Armée Rouge en Afghanistan[5]. Ceci m'a convaincue qu'un véritable travail de prévention passe aussi par la prise en charge des personnes qui ont participées à des actions violentes. C'est une nécessité, surtout dans le cas de guerres "perdues" ou de "sales guerres", du fait que la guerre continue en eux. Seul un travail sur cette initiation violente qu'a été la participation aux actes de guerre, aux tortures et aux massacres permet d'éradiquer des sentiments de revanche chez ces jeunes, sentiments de revanche qui feront le lit de guerres futures, répétées de génération en génération, tout au long de l'Histoire.

Aujourd'hui, nous vivons à l'ère des nouvelles technologies et des transports rapides capables de déplacer des milliers de réfugiés d'une partie du globe vers une autre. Nous vivons à l'ère de l'acceptation, plus ou moins de bon gré selon les pays, d'une forte proportion de populations réfugiées, déplacées ou en migration. Cette population a fortement augmenté. L'installation en exil, souvent durable, de populations fuyant la persécution, le harcèlement, une vie devenue impossible à cause de la folie paranoïaque de certains dictateurs ou du fait de l'avidité éhontée de quelques gouvernants, est un phénomène planétaire. Le brassage des différentes histoires collectives modifie en fait l'ensemble de la population à l'échelle de la planète.

 

HISTOIRE COLLECTIVE ET HISTOIRE SINGULIERE.

De quelle manière l'histoire collective s'articule-t-elle avec l'histoire singulière des enfants et des adolescents? Par histoire collective j’entends les guerres, les persécutions politiques et économiques, les mouvements sociaux, les révolutions culturelles, les bouleversements technologiques, ceux de la science ou ceux des habitudes morales et culturelles[6].

Les enfants et les adolescents sont torturés (brûlures de cigarettes,…) pour faire pression sur leurs parents, par intimidation, lorsqu'ils refusent d'être enrôlés de force dans des mouvements armés, pour les forcer à révéler des informations sur les rebelles, ou pour qu'ils renoncent à se révolter. Les enfants et adolescents peuvent être brutalisés, projetés contre les murs, frappés, au décours de l'arrestation de leurs parents. Ils peuvent être témoins de tortures et de mauvais traitements sur leurs parents, ou être les témoins de l'arrestation, souvent brutale, de ces derniers. Les enfants et adolescents ayant connus des violences collectives sont souvent témoins de la destruction de leur maison, de fouilles, de perquisitions, de harcèlement policier. Leur chambre d'enfant, leur aire de jeux favorite sont détruits, leurs jouets volés, cassés, souillés, piétinés. Ils peuvent avoir vécu, en direct ou l'apprendre beaucoup plus tard, l'assassinat d'un ou des deux parents. Les violences intra-familiales sont fréquentes : disputes, coups, alcoolisme,… Elles sont la résultante de l'action délibérée des tortionnaires au sein des systèmes de terreur organisée. La disparition d'un parent (père, mère, frère,…) est également un événement difficile à métaboliser pour un enfant, pour tout le monde d'ailleurs: ne sachant pas si le disparu est mort ou vivant, cela laisse une "béance" dans la vie de l'entourage du disparu. Le deuil est à jamais impossible à faire. La vie sociale de ces enfants est aussi objet de persécution: dans le pays d'origine, ils peuvent avoir été exclu de l'école pour motifs d'appartenance politique, ethnique, religieuse, ou raciale "indésirable". A l'école, ils sont l'objet de harcèlement, de moqueries, de discriminations qu'ils ne comprennent pas toujours et dont ils n'osent demander la raison à leurs parents. Ne pas oser demander quand on ne comprend pas: cette représentation d'une partie de la réalité va se graver dans leur vécu et va avoir des répercussions importantes sur leur capacité d'acquisition scolaire. Les violences économiques liées aux persécutions politiques touchent également ces enfants et ces adolescents: vols lors des perquisitions, chômage des parents,…

Les violences idéologiques sont également très marquantes pour ces enfants: livres brûlés, écoles dévastées, bibliothèques, universités, lieux de savoirs sous contrôle policier. Il arrive fréquemment que les enfants soient utilisés comme indicateurs et soumis à de multiples chantages. On les contraint à révéler les secrets, les caches (armes, documents,…) et à dénoncer leurs parents ou leurs proches. La peur est permanente. "Lorsque tu as peur, ta peur s'infiltre parmi les générations, et des milliers d'âmes devant et derrière toi en sont humiliées" écrit Nikos Kazantzakis dans Ascèse[7]. Enfin, il y a aussi les enfants utilisés dans des guerres, comme les enfants soldats soumis à des processus idéologiques de fabrication de l'homme nouveau, comme c'était le cas avec les Khmers rouges au Cambodge entre 1975 et 1979. Les enfants cambodgiens qui ont vécu ce processus de déculturation sont maintenant devenus adultes. Beaucoup ont des problèmes: violences conjugales, alcoolisme, drogue, addiction au jeu, isolement, violences sur leurs propres enfants ou désintérêt profond pour les affaires du monde.

Cette part vécue d'histoire collective traumatique fait taire. Elle fait taire les enfants qui l'ont vécue et qui n'en parlent pas, ni à l'école, ni à la maison. Elle fait taire aussi les adultes. La gène, la honte, l'humiliation d'avoir été vu impuissants, torturés devant ses propres enfants ou devant d'autres, laisse une trace indélébile dans l'interaction des adultes avec leurs enfants. C'est là que vient se loger l'intentionnalité du système tortionnaire: venir attaquer, briser, dénaturer, compliquer les liens qui unissent des êtres de même sang. A l'école, la crainte du dévoilement peut conduire ces enfants et adolescents à un conformisme de surface. Plus gênant, la crainte du dévoilement de leur histoire traumatique peut conduire ces enfants à une propension accentuée au mensonge protecteur pour se rendre "lisses" aux yeux d'autrui. Il arrive fréquemment que les enseignants deviennent, à leur insu, les "bêtes noires" de ces enfants quand, en toute bonne foi, ils demandent de raconter des histoires de famille ou des histoires en lien avec le passé et le pays d'origine.

 

DESCRIPTION CLINIQUE DE L'EFFRACTION PSYCHIQUE.

Ce qui caractérise aussi le comportement de ces jeunes enfants, c'est leur profond besoin de sécurité. Parce qu'ils ont été exposés à des événements traumatiques qui ont changé le cours de leur existence, ils vont jusqu'à douter que cette sécurité puisse exister. Ceci peut les exposer à l'exploitation sexuelle, et les amener à partager le lit d'adultes peu scrupuleux et "doués" pour repérer le désœuvrement de ce type d'enfants. En psychothérapie, ils chercheront souvent à s'échapper, à mettre le cadre à l'épreuve, à le transgresser. Ce comportement est imputable au traumatisme lié à la violence de l'impact de l'histoire collective sur des enfants en cours de maturation. Nous sommes dans une situation de traumatismes cumulatifs. Dans des sociétés humaines où la peur collective, la terreur, la torture, les massacres constituent des instruments de pouvoir, le groupe familial et le groupe culturel ne peuvent plus fonctionner comme un contenant pour ces enfants. La représentation de l'adulte est profondément altérée. N'ayant plus de contenant familial ou communautaire efficace, ils sont "ouverts", effractés. Ils vont alors capter, par un mécanisme d'empreinte, les représentations qu'a l'autre, l'ennemi, sur leur groupe d'appartenance (familial, culturel, religieux visé par le persécuteur). L'enfant peut soit mettre en scène ses représentations introjectées par l'intermédiaire de comportements agressifs, violents et susciter le rejet, soit se conformer aux vœux de l'agresseur. Ils vont alors devenir "dociles", cacher leur identité et développer une stratégie de camouflage en affichant un faux-self à toute épreuve. Nous sommes dans un contexte de violence intense qui a pour effet d'abraser toute capacité fantasmatique. Le mode d'élaboration psychique se fait sous le sceau de la sidération et de l'inhibition traumatique. Voilà pourquoi on peut voir apparaître un état de dissociation à peine reprérable quand il s'installe. Ce mode de fonctionnement va devenir permanent si les événements de nature traumatique perdurent (guerre, exil,…). Ces enfants ont vus des morts, ils ont sentis leur odeur, ils ont vus le sang des blessés, entendus le cri des brûlés vifs. Autrement dit, ils connaissent la guerre. Cette expérience vécue est totalement intériorisée.

L'intentionnalité des agresseurs et du système tortionnaire est au cœur des symptômes des enfants, soumis à une entreprise délibérée de destruction psychique. Les systèmes tortionnaires veulent délibérément instaurer la terreur dans une population entière, et ce sur plusieurs générations. Ces systèmes ont pour objectif d'enlever aux enfants et aux adolescents leur part d'humanité. Comment ? Ils mettent en acte, délibérément, des situations de transgression de tabous culturels (dont les tabous sexuels font partie), en donnant la mort, en faisant mal délibérément, en humiliant. Le statut de "grand" (d'adulte) est alors totalement discrédité aux yeux des enfants victimes de violences politiques. Il l'est d'autant plus quand c'est un familier (voisin, parent) qui se transforme en bourreau et en tueur. Tel est le cas des enfants victimes de massacres au Rwanda ou en ex-Yougoslavie, par exemple. On enlève aux enfants leur part d'humanité quand on les rend incapables de pouvoir établir une distinction entre les adultes "bons" et les "méchants". A leurs yeux, tout le monde sera désormais potentiellement susceptible de devenir un bourreau. Cette expérience marquée au fer rouge (mais dont ils peuvent oublier, plus tard, la douleur cuisante) les rend tantôt hyper-craintifs et sécuritaires, tantôt "sauvages", agressifs, déculturés, recherchant les situations de violence sur un mode traumatophilique. Ils se montreront tour à tour soumis ou révoltés. Mais la peur et le discrédit du monde des adultes restera gravé au plus profond d'eux-mêmes.

Lors de l'entretien psychologique avec ce type d'enfants et d'adolescents, il convient toujours de distinguer ce qu'ils ont vu de ce qu'ils ont connu dans leur chair. Assister à des tortures, des viols, des massacres peut s'avérer être plus traumatisant que de les avoir vécu physiquement. Ceci s'explique du fait que l'enfant a vu l'impuissance et l'humiliation, il a vu un être sous emprise d'un autre, sans pouvoir agir de manière efficace pour tenter d'y mettre fin.

Dans deux cas de figure, il peut se produire une fracture traumatique: d'une part lorsque l'enfant ou l'adolescent a perdu le sentiment de sécurité du fait de la mort, de la faiblesse ou des blessures physiques ou psychiques de ses parents, d'autre part lorsque l'enfant a perdu le sentiment de sécurité du fait du désaveu cinglant, apporté par les systèmes tortionnaires aux groupes d'appartenances de l'enfant.

Les blessures dues à l'histoire collective peuvent rejaillir comme des bombes à retardement à plusieurs reprises au cours de leur vie adulte. Elles peuvent rejaillir précisément lorsque le succès leur sourit. Ces enfants, devenus adultes, qui avaient presque réussi à oublier le passé traumatique, sombrent alors cycliquement dans des périodes de profonde dépression et d'angoisse. Pour entrer en contact avec cette partie clivée, refoulée ou déniée et qui est maintenant enkystée, ils abusent de toxiques, d'alcool, d'excès en tout genre. Tout le reste de la personnalité s'est développé harmonieusement, hormis cette part d'eux-mêmes, si secrète, si "sauvage", qui se manifeste à la faveur de stimuli en lien avec ce passé traumatique. Ils sont régulièrement convoqués rappelés à un rendez-vous avec le passé, soit lors de dates anniversaires, soit à des périodes charnières de leur existence, et souvent, comme je le disais plus haut, en période de succès et de réussite professionnelle ou personnelle. La compréhension de l'effraction psychique et de la souffrance psychologique des enfants exposés au traumatisme doit beaucoup aux travaux du psychanalyste hongrois Sandor Ferenczi [8].

 

ELEMENTS DE PSYCHOTHERAPIE

TRAITER L'ENFANT POUR PREVENIR LA VENGEANCE DE L'ADULTE.

Comment agir de manière préventive, afin que la violence subie ne transforme pas ces enfants en véritables "bombes humaines" à l'âge adulte ou à la génération suivante? Un enfant qui a connu la guerre peut la porter en lui, comme une bombe à retardement. Les cliniciens croient parfois qu' il doit à nouveau pouvoir "redevenir un enfant". Or cela lui est strictement impossible. Un traumatisme a des fonctions psychologiques précises: celles d'engendrer des transformations psychologiques, d'être à l'origine d'une nouvelle organisation psychique. Il est susceptible d'engendrer une soudaine hyper-maturation psychologique[9]. Le traumatisme fait taire et l'horreur fait fantasmer. Croire qu'ils vont redevenir des enfants "comme les autres", qu'ils vont à nouveau pouvoir "jouer" va contraindre ces enfants et ces adolescents à "faire semblant". La vie leur ayant appris à devenir hyper-vigilants, ces enfants et ces adolescents vont très bien décrypter les intentions des autres, surtout les intentions malveillantes. Ils repèreront les adultes qui veulent leur "faire plaisir" et ils les gâtent en retour d'un comportement attendu de circonstance. Ceci est un bel exemple de faux-self déclenché par des tiers bienveillants et il importe aux cliniciens d'être vigilants sur ce point.

Il est primordial de cerner l'expérience traumatique par le menu, de la faire raconter à l'enfant, sans contrainte à "parler", bien évidemment. Ceci évitera un enkystement de l'expérience traumatique, ainsi qu'une dysharmonie dans l'évolution de la personnalité décrite par Sandor Ferenczi: dysharmonie entre des aspects qui sont hyper-matures et un aspect resté figé, bloqué dans l'enfance. Il est nécessaire que l'adulte que nous sommes montre à l'enfant que l'on peut comprendre ce qu'il a vécu. Mais il est nécessaire aussi de le questionner et de mener nos entretiens sur le mode d'une conversation, où ce sont les processus de pensée qui sont mobilisés, et non les affects. Il faut aider l'enfant à penser, avec ses moyens, le traumatisme et l'intention du système tortionnaire sinon il n'aura plus envie de grandir et il ne fera plus confiance au monde et au statut des adultes. Aux yeux de l'enfant, tout adulte est potentiellement un être clivé, quelqu'un qui, à tout moment, peut devenir un assassin, un massacreur, un violeur, un tortionnaire. Ces enfants ont tôt appris qu'en psychologie humaine, une chose et son contraire peuvent co-exister. Expliciter avec lui l'intention des systèmes tortionnaires, par l'intermédiaire des jeux interactifs avec l'enfant par exemple, va permettre de remettre le monde à l'endroit. Il faut aussi dire à l'enfant qu'il pourra encore rencontrer des êtres doubles. On se livre alors parfois à de véritables leçons de psychologie et des "cours de prédictivité" avec eux. Nous devons nous placer à leur niveau de maturation, en les "réparant" à l'endroit même de leur blessure: avoir eu accès trop tôt à la face sombre de l'humain.

Les jeux sont importants dans le processus thérapeutique. Ils permettent de retravailler les événements vécus, mais en changeant l'issue, en faisant triompher les valeurs positives auxquels l'enfant peut encore s'identifier. Les jeux sont interactifs et menés avec un adulte. Là encore, il s'agit de défaire un engramme marqué d'une valence négative, chez l'enfant, à savoir que l'adulte est potentiellement dangereux. Le fait de montrer que l'adulte peut parfois aussi se tromper, avoir tort, ne pas savoir et vouloir toujours apprendre est un élément que nous plaçons aussi au cœur de la psychothérapie.

Le dessin est un support pour délivrer l'enfant de l'influence de l'effrayeur. Dessiner la scène ou les événements traumatiques lui permet de mettre en acte ce qui n'a pas pu être agi à l'époque, à cause de la peur, de l'impuissance et de la menace de mort.

 

Illustration. Le tribunal intime ou comment les enfants se débarrassent de leurs tortionnaires.

Monsieur et Madame M. viennent d'arriver en France. Ils ont sollicité l'asile politique, ayant fui la Tunisie du fait des persécutions, tortures, humiliations et emprisonnements qu'ils ont subis à maintes reprises. Monsieur M. est un universitaire engagé dans un mouvement politique islamiste en Tunisie. Les policiers harcelaient la famille trois fois par semaine : irruptions au domicile, fouilles, convocations au commissariat de police. Le harcèlement policier eut systématiquement lieu les vendredis, jour de la prière, montrant ainsi leur intention de provoquer un vécu paradoxal, hétérogène chez des croyants : faire mal, souiller, le jour de la prière. Monsieur M. a été condamné à huit mois de prison. C'est à sa sortie qu'ils ont décidé de quitter la Tunisie. Depuis leur départ, les policiers s'en prennent à la sœur de Madame M. Elle est régulièrement arrêtée et torturée pour qu'elle avoue où se trouve sa sœur (lieu, pays, adresse). C'est un moyen de continuer à persécuter les intéressés, même au-delà des frontières. Madame M. ressent la torture faite sur sa sœur au pays comme une atteinte à sa propre personne. Cette méthode de persécution à distance a réussi à semer le trouble dans l'esprit de Madame M. Elle se dit souvent : "Et si je retournai, pour qu'ils arrêtent de harceler ma sœur?". Elle réfléchit: "Non, j'ai mes enfants et mon mari ici." Ce dilemme ne la quitte plus. Elle-même a été déshabillée, bras et jambes en croix. Une femme la tirait par les cheveux en arrière et les hommes lui marchaient sur le corps et sur les membres. Madame M. bénéficie d'un suivi médical important: elle est constamment amenée aux urgences par les pompiers du fait de douleurs abdominales très importantes et de règles très abondantes et douloureuses. Les lombalgies et les dorsalgies ne la laissent pas en paix la nuit. Elle souffre également d'insomnies.

Les enfants, trois filles âgées de 11, 9 et 6 ans ont systématiquement assisté aux arrestations, tabassages, harcèlements, déshabillage et autres humiliations de leurs parents. Elles sont très agitées, ne pouvant rester immobiles au même endroit pendant plus de dix minutes. Elles fuient d'un endroit à l'autre, d'une activité à l'autre. Ceci aurait pu poser des difficultés scolaires, si le problème n'avait pas été traité à la base. Les trois filles de Monsieur et Madame M. sont très méfiantes vis à vis de tous les adultes. Elles ne dorment pas la nuit, pleurent souvent et sursautent au moindre bruit. Je reçois l'ensemble de la famille afin de lever le non-dit collectif sur les événements traumatiques, conformément à la demande des parents. Ces derniers sont très culpabilisés vis à vis de leurs enfants. Ces derniers ne parlent jamais de ce qui s'est passé et de ce à quoi ils ont assisté, à savoir l'humiliation de leurs parents devant leurs propres yeux.

Deux entretiens familiaux, à quinze jours d'intervalle ont suffi à faire disparaître tous les troubles des enfants. Nous avons eu un troisième entretien de consolidation, un mois après, et mis en place une psychothérapie individuelle pour Monsieur et pour Madame M.

Le travail psychothérapique familial a essentiellement consisté à faire raconter ce que les uns et les autres ont vu, senti, pensé et capté lors des événements traumatiques. Voici un cours extrait de la première séance:

 

- Madame M. : "Quand ils ont frappé S. (sa fille aînée) je m'en voulais. Ils y sont pour rien, nos enfants….".

Monsieur se met à sangloter, en tenant sa tête entre ses mains. Les enfants lèvent le nez, baissent à nouveau la tête, gênés, et continuent de dessiner en silence. Mais le cœur n'y est plus.

- F.S. : " S., tu te rappelles de ce que raconte maman?" . Elle fait "oui" avec la tête".

- F.S. : "Tu as eu très peur?".

- S. : " Oui. Je pleurai".

- FS :" Tu as alors cherché à regarder Maman?"

S. fait "non" avec la tête.

- FS. : "Ah… c'est vrai, elle était toute nue…."

S. hoche la tête.

- F.S. (aux enfants): "Qui a dis quelque chose aux policiers?"

- R. (La seconde fille): " Moi…" crie-t-elle..

- F.S. " Tu as dis quoi?"

R. se lève et mime la scène. "Je ne veux pas que vous fassiez du mal à ma maman !!!!! Je ne veux pas que vous fassiez du mal à ma maman ", répète-t-elle à toute vitesse, en haletant.

- Monsieur M. : "C'est vrai qu'elle a dit ça. ".

- F.S. : "Et qu'avez-vous pensé à ce moment-là, vous, Monsieur M. ?

- Monsieur M. : "C'était très rapide. J'avais mal".

- F.S. : …. (Silence)… Essayez de vous rappeler.

Tout le monde s'arrête de bouger. Monsieur cherche.

Monsieur M. : "Je ne suis plus très sûr. C'était quelque chose de formulé dans ma tête, mais pas avec des mots… Je pensais: "Ça ressemble bien à R., ça… Mais ils vont lui faire du mal". Voilà ce que je pensais…J'avais trop peur pour ma fille… Trop peur! ". Monsieur M. baisse la tête, se tait, regarde le bout de ses chaussures. Il revoit la scène.

Voici donc un court extrait du processus qui se déroula sur les deux séances de psychothérapie avec l'ensemble de la famille. Au cours de la première séance, nous avons demandé aux enfants de nous dessiner "les méchants qui sont venus pour de vrai". A cette époque, leurs rêves étaient peuplés d'animaux féroces qui venaient les manger. Il convenait donc de préciser le contenu souhaité du dessin. Mon objectif était de mobiliser les représentations des événements traumatiques. Les trois sœurs s'adonnaient à cette tâche avec beaucoup d'application; on pourrait même dire, avec une certaine passion captatrice. A la fin de la séance, elles ont commenté leurs dessins, donnant force détails sur les scènes illustrées : "Un tel était là"… "Non" corrigeait sa sœur, "Tu te trompes, il était là…". J'amenais les parents à s'en mêler. Le souvenir traumatique avait perdu sa charge sidérante, et sa capacité à isoler chaque membre de la famille les uns des autres. Là, ils parlaient des événements traumatiques entre eux, autour des dessins. Les parents souriaient pour la première fois. Ils s'étonnaient de la précision du souvenir des enfants. Ils étaient inquiets aussi, me jetant des coups d'œil. J'intervenais à chaque fois pour les rassurer indirectement en m'adressant aux enfants: "Maintenant que vous avez sorti tous ces méchants de la tête qu'est-ce qu'on va faire avec eux?". … Un court silence s'installe, mais j'accélère le mouvement, comme pour "chauffer leur tête" et autoriser les représentations "interdites", du fait de la peur, du fait des règles morales que les enfants étaient en train d'acquérir vu leur âge. "Alors, dites-moi, qu'est-ce qu'on fait avec eux, là, les méchants… ?". La plus jeune enfant se met à faire le tour de la pièce en sautant à cloche-pied. Tout en tournant elle hurle : "On les brûle!!!". — "Hein…. T'es folle!" rétorque sa sœur R., en mettant une main devant sa bouche comme pour réfréner quelque chose de spontané qui aurait pu sortir et qui n'était pas autorisé. Elle commente manifestant ainsi la réponse de sa petite sœur. Ce commentaire signe son ambivalence: à la fois elle est prise par la même excitation libératrice, et à la fois elle sait que c'est interdit de souhaiter du mal. Quant à moi, je n'avais certes pas envie d'allumer un feu de joie dans la salle de psychothérapie! Les trois petites filles s'agitent. L'aînée se met à chiffonner le dessin des tortionnaires qui est devant elle. Elle m'a donné la solution exacte. Je dis: "Vous savez quoi? On va les déchirer en mille morceaux et on va les jeter dans la poubelle. Vous êtes d'accord? ". "Ouiiiii " piaffent-elles, presque en cœur. Monsieur M. a sourit, à ce moment précis. Il avait compris le procédé. Madame M. essuie ses larmes.

Les petits morceaux de tortionnaires volent à travers la pièce. Moi aussi je déchire avec elles. Quand les bouts ne sont pas assez déchiquetés, on les recoupe encore en de plus petits morceaux. "Maintenant on va tout mettre dans un sac poubelle qu'on va bien fermer avec une ficelle et on va emmener le sac en bas, dans la grande poubelle de l'immeuble. D'accord?". Les trois petites filles sautillent, l'aînée palpe le sac. Toutes ramassent les morceaux de tortionnaires partout dans la pièce. Nous prenons soigneusement le temps de bien ficeler le sac poubelle. Je donne le sac aux parents. Tous deux font des nœuds très serrés qu'ils rajoutent aux nœuds des enfants. Je descends avec les enfants pendant que les parents nous attendent dans la salle de psychothérapie. Cela leur laisse de temps de récupérer et de se retrouver tous les deux, entre parents. Nous jetons le sac dans la grande poubelle. La petite dernière demande que je la porte. Elle veut à tous prix voir où est le sac. Puis, c'est R. qui veut aussi que je la porte, pour vérifier si le sac est bien au fond de cette grande poubelle. La fille aînée arrive à voir toute seule, mais elle me prend la main pendant qu'elle regarde.

La séance suivante, les parents me disent que les enfants vont beaucoup mieux. Ils ne font plus de cauchemars. En séance, les petites filles sont beaucoup moins agitées. Je leur demande, si des "méchants" sont revenus dans les rêves. Elles me disent d'abord "non", puis "oui". L'aînée a vu les policiers une fois, et la petite a rêvé de loups. Nous renouvelons le procédé, mais avec une charge émotionnelle beaucoup moins intense. Elles dessinent les agresseurs, visiteurs indésirables de leur nuit, et nous retournons jeter ces dessins dans la grande poubelle.

 

Commentaires.

Notre rôle n'est pas politique, il est clinique. Les "méchants" peuvent être policiers pour les uns, des terroristes pour les autres. Les contenus sont interchangeables mais le procédé et le type de catégories sont constants avec les enfants marqués par la répression politique. Il s'agit de rétablir l'ordre du monde, là où les agresseurs ont semé le désordre. Ils ont subi une tentative délibérée de déculturation: attaque des cadres culturels (harceler, arrêter, torturer systématiquement les vendredis), assujettir et humilier des parents devant leurs enfants (déshabillage, coups, moqueries,…) afin d'attaquer chez des enfants, les images parentales en construction.

Les séances en présence de l'ensemble de la famille ont un impact thérapeutique majeur. Ceci permet de faire dire aux uns et aux autres ce qu'ils ont fait et ce qu'ils ont pensé, au moment des événements traumatiques (arrestation, mise en prison d'un ou des deux parents,…). Les faire accéder à ce qu'ils n'osent pas se dire autrement permet aussi d'agir soit sur la colère qu'ils ne s'autorisaient pas à exprimer à l'égard du parent militant, le cas échéant.

Je demande souvent aux enfants qui ont tout perdu de me décrire les jouets, la chambre de l'enfant ou les coins privilégiés de son monde familier (s'il n'a pas de chambre). Je m'informe également des jouets qui ont été abîmés, souillés, piétinés, cassés. Quels sont ceux qui sont restés intacts, ceux que l'enfant aimait le plus, ceux qu'il a pu emporter, ceux qu'il a dû laisser ? On construit ainsi, pour l'enfant, le sens de sa propre continuité, même si elle est douloureuse. Il est nécessaire de s'occuper (avec les parents) de la tristesse de l'enfant, occasionnée par ses souvenirs. Sinon, nous risquerions de contribuer à l'instauration du refoulement ou du clivage. Les souvenirs traumatiques non métabolisés ont pour caractéristique de réapparaître tel un coup de tonnerre dans un ciel serein, des années après les faits que l'enfant, devenu adulte, se sera efforcé d'oublier.

 

PENSER L'AVENIR. QUELS ADULTES VONT-ILS DEVENIR ?

Un dernier point mérite d'être examiné: quel rôle ces enfants vont-ils jouer dans l'histoire collective? Comment vont-ils se construire et de quelle manière vont-ils contribuer à la construction de l'avenir de leur pays ou du pays d'accueil? Au-delà des différences individuelles, quels types d'adultes vont-ils devenir? Quel que soit leur destin individuel, devenus adultes, les enfants qui ont été fortement marqués par l'histoire collective partagent souvent un goût prononcé pour l'action, un goût prononcé pour tous les domaines où il est possible d'avoir une action concrète sur le monde. Ils se retrouvent souvent dans des situations où ils peuvent avoir prise sur le monde, avoir une influence sur le cours des choses, ou de l'histoire. Beaucoup deviennent des hommes politiques, des enseignants, des pédagogues, journalistes, psychologues ou psychiatres. On les retrouve souvent à dénoncer et réparer les blessures engendrées par l'histoire collective. Mais on les retrouve aussi du côté de la violence agie, à combattre sur les fronts des guerres contemporaines qui incendient la planète, ou comme garde du corps, ou dans les métiers de la sécurité privée ou publique, et ce, à tous niveaux de la hiérarchie et dans divers types de métiers. Le dénominateur commun reste cependant la nécessité de l'action : agir soit pour éradiquer la culture de la violence, soit pour la décrire, soit pour la servir.

Le 10 Novembre 1998, l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies a adopté une résolution désignant la période 2001-2010, "décennie internationale de promotion d’une culture de la non-violence et de la paix, au profit des enfants du monde " (sic). Pour contribuer à construire la paix, nous, psychologues, devons nous intéresser aux racines du mal visibles chez nos patients, enfants et adolescents marqués par les crises et les conflits d'aujourd'hui. Les racines de leurs souffrances psychologiques se situent dans l'influence destructrice des agresseurs, encore agissante des années après les faits. Pour construire la paix, il nous faut nécessairement penser la guerre, penser le mal et la destruction : mettre en évidence l’intentionnalité de l’agresseur et celle des systèmes tortionnaires, retrouver et dévoiler au grand jour les théories qui sous-tendent les actions et pensées destructrices des systèmes politiques, démonter les initiations par lesquelles les systèmes tortionnaires ont formé des bourreaux. Cette proposition constitue, à mon sens, un enjeu très important pour la recherche en psychologie, et ce pour de nombreuses années à venir au cours de ce 21e siècle.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Amnesty International, Rapport 2001, Paris, Amnesty International, 2001.

Amnesty International, Enfants torturés. Des victimes trop souvent ignorées, Paris, Amnesty international, 2000.

Bailly, L., Les catastrophes et leurs conséquences psychotraumatiques chez l'enfant, Paris, ESF, 1996.

Burnet, J., "L'image double", préface au livre de photographies de Philip Blenkinsop Extrême Asie, Paris, Nathan, Coll. Photo Poche Société, 2001.

Ferenczi S., (1932), "Confusion de langue entre les adultes et l'enfant", (1932), in Œuvres complètes, T.4, Paris, Payot, 1982.

Riffaud, M., On l'appelait Rainer, Paris, Julliard, 1994.

Riffaud, M., La folie du Jasmin, Paris, Tirésias, 2001.

Sironi, F., "On torture un enfant ou les avatars de l'ethnocentrisme psychologique", Sud Nord, N° 4, "Enfances", Ramonville Saint-Agne, Erès, 1995.

Sironi, F., Bourreaux et victimes. Psychologie de la torture, Paris, Odile Jacob, 1999.

Sironi, F., - "Les stratégies de déculturation dans les conflits contemporains. Nature et traitement des attaques contre les objets culturels", Sud Nord, N° 12, "Traumatismes", Ramonville Saint-Agne, Erès, 2000, pp. 29-47.

Sironi, F., "Les vétérans des guerres "perdues". Contraintes à la métamorphose", Communications, 70, Seuil, Passages, Paris, 2000, pp. 257-270.

Sironi F., " Les laissés pour compte de l'Histoire collective. Psychopathologie des mondes perdus ", Psychologie Française, Paris, Dunod, à paraître.

Summerfield, D., "The impact of war and atrocity on civilian populations: an overview of major themes" in D. Black, J. Harris Hendricks, M. Newman, G. Mezey, D. Summerfield, Psychological trauma: a developmental approach, London, Royal College of Psychiatry/Gaskell Press, 1996.

Zajde, N., Enfants de survivants, Paris, Odile Jacob, 1995.

 

NOTES

[1]. D'abord à l'Avre, puis au Centre Primo Lévi et actuellement au Centre Georges Devereux (Université Paris 8).
[2].
D. Summerfield, "The impact of war and atrocity on civilian populations: an overview of major themes" in D. Black, J. Harris Hendricks, M. Newman, G. Mezey; D. Summerfield, Psychological trauma: a developmental approach, London, Royal College of Psychiatry/Gaskell Press, 1996.
[3].
Mission effectuée en compagnie de T. Nathan, psychologue et professeur de Psychologie à l'Université Paris 8, et de Marianne Pradem, anthropologue, spécialiste des mondes balkaniques. Cette mission était organisée par l'OIM et coordonnée par Lino Losi.
[4].
Nathalie Monbet, médecin et psychothérapeute familiale (Aix-en-Provence), et Yves Grandbesançon, médecin à La Ciotat.
[5].
Le travail psychothérapique avec les anciens combattants russes a été décrit dans F. Sironi, 2000.
[6].
Voir F. Sironi, "Les laissés pour compte de l'histoire collective. Psychopathologie des mondes perdus", Psychologie Française, Paris, Dunod, 2002. A paraître.
[7].
Cité par James Burnet "L'image double", préface au livre de photographies de Philip Blenkinsop Extrême Asie, Paris, Nathan, Coll. Photo Poche Société, 2001.
[8].
Voir notamment S. Ferenczi (1932), "Confusion de langue entre les adultes et l'enfant", Œuvres complètes, T. 4, Paris, Payot, 1982.
[9].
S. Ferenczi (1932,1982), op. cit.

 

Si vous souhaitez écrire à l'auteur : Françoise Sironi

 


 

RESUME

Dans notre monde contemporain, les événements collectifs tels que les guerres civiles et économiques, la répression politique, la torture, les génocides, les déplacements forcés de populations, laissent des traces indélébiles sur le fonctionnement psychologique (intellectuel, affectif et social) des enfants et des adolescents qui ont connu ce type d'expériences.

Dans cet article, Françoise Sironi, s'appuyant sur son expérience clinique et psychothérapique avec des enfants et adultes victimes de tortures et de traumatismes collectifs majeurs, aborde les questions suivantes :

- De quelle manière l'histoire collective agit-elle sur l'histoire singulière et sur le développement des enfants et des adolescents?

- Comment repérer, à travers les souffrances psychologiques des enfants et des adolescents, la marque de la tentative de destruction psychologique des bourreaux et des systèmes tortionnaires (quand l'enfant a été directement torturé ou témoin de meurtres et d'exactions impensables) ?

- Comment traiter les troubles psychologiques consécutifs à des tentatives de destruction psychique?

- Enfin, comment agir de manière préventive, afin que la violence subie ne transforme pas ces enfants en véritables "bombes humaines" à l'âge adulte ou à la génération suivante ?

 

MOTS CLES: Torture — Traumatisme — Victimes — Psychothérapie — Violence —Tortionnaire— Enfants — Adolescents.

 

ABSTRACT

Collective events like terrorism, civilian and economical wars, political and religious persecutions, torture, genocides, forced migrations of populations always leave indelible marks on children's psychological functioning (intellectual one as well as affective and social one). In this article, Françoise Sironi's statements and analysis are based upon her clinical and psychotherapeutic experience with children and adolescents victims of torture and of traumatic collective events. She answers to the following questions :

1. How does collective History influence individual history? How does collective History influence the psychological development of children and adolescents?

2. What are the signs, within the psychological suffering of children and adolescents, of psychological destruction attempts, deliberately organised by torture systems?

3. How to treat children and adolescents submitted to psychological destruction? The author will shortly present the general principles of psychotherapy with tortured and traumatized children.

4. Finally, how is it possible to do prevention, in order that violence doesn't transform those children in real "human bombs" when reaching adulthood ?

 

KEY WORDS : Torture — Trauma — Victims — Psychotherapy — Violence — Torturers — Children — Adolescents.

 

Cet article a été publié dans la revue "Psychologie et Education", N° 49, 2002. Il est issu d'une conférence présentée le 29 Juillet 2001 dans le cadre du 24ème Colloque International de Psychologie Scolaire et de l'Education. Dinan (25-29 Juillet 2001)

 

Droits de diffusion et de reproduction réservés © 2002, Centre Georges Devereux

 

retour au site du Centre Georges Devereux :