../Paris 8/UFR7/Aide psychologique aux familles migrantes/EA2034

 

 

 

 

Auteur

Christine Mannoni-Parisi

Titre

Metis et malade: psychopathologie de l’enfant physiologiquement malade lorsqu’il est issu d’un couple culturellement mixte.

Diplôme

Thèse de doctorat en Psychologie [Psychologie Clinique et Psychopathologie]

Directeur de recherche

Tobie Nathan

Jury

Serban Ionescu, Professeur Paris 5, Président du jury, Tobie Nathan, Professeur, Paris 8, rapporteur, directeur de la thèse, Antoine Casasoprana, Professeur, Paris 7, Suzel Magnier (Praticien hospitalier

Date de soutenance

6 novembre1999

 

Décision

Mention très honorable, félicitations du jury.

 

 

 

 

RÉSUMÉ

 

Cette thèse débute par une réflexion sur l’identité des parents de métis. L’enfant métis est issu d’un couple culturellement mixte. En écoutant parler les familles métissées, une spécificité émerge. Partant d'un postulat tel que : élaborer son identité, c'est se prononcer sur son appartenance, il est apparu que le métissage ne peut aller jusqu’à la représentation intériorisée du sujet car on peut métisser des comportements, des habitudes de vie quotidienne mais pas les éléments intrapsychiques liés à la structuration identitaire. Lorsque les parents proviennent de deux cultures différentes, l’enfant doit apprendre à construire une identité qui lui est propre. Souvent, inscrit dans une double culture, il est obligé de se rattacher à un seul système de pensée et à exercer un clivage. Dans certains cas de métissage, le choix d'un lignage ne parvient pas à être défini, et pourtant tout être humain a une filiation car tout être humain est fils ou fille de...

Dans ce travail l'accent a été mis sur la notion d'affiliation – et non celle de filiation. La définition la plus adéquate paraît être celle d'un rattachement à un système par l'intermédiaire d'une méthode qui construit le sujet. La famille est un lieu où l'affiliation prend racine. D'autres systèmes que la dynamique familiale peuvent relayer cette fonction dans la construction identitaire de l'enfant; les systèmes institutionnels en font partie. L'affiliation est un phénomène qui vient s'inscrire naturellement dans la vie du sujet. Dans ce travail, sa fonction et sa capacité est repérée dans les cas où elle ne s'inscrit pas par le biais de la famille.

L’enfant malade

Dans certains cas d'enfant métis, il est apparu que le système d'affiliation ne fonctionne pas. Une fragilité dans ce domaine surgit. De manière générale, l'enfant malade physiologiquement acquiert une place spécifique pour l'ensemble des protagonistes qui le suit : parents, médecins, soignants etc... L'enfant métis nous semble présenter une prédisposition à déclencher dans les institutions hospitalières des mécanismes d'attachement à la structure, comme si le système d'affiliation familial n'était pas suffisamment efficace. En d’autres termes, on dirait que l'institution pense ces enfants comme "n'appartenant" à personne.

Partant donc de l’hypothèse que la maladie somatique grave organise le désordre de l'affiliation pour certains enfants métis, et que le corps médical se propose comme alternative contenante à l'enfance exposée à la maladie, le rattachement à l'institution est bien plus marqué pour eux. L'étude des mécanismes et de leur force dans les cas de métissage culturel ont souligné un degré d'opposition moindre des familles pour ces enfants-là. Cette singularité entraîne une réflexion pour le professionnel de la psyché. Il peut proposer une approche thérapeutique adaptée pour sensibiliser et aider les professionnels de la santé à éviter les pièges d'un tel fonctionnement.

Dans ce travail de recherche, qui a aussi été un accompagnement psychologique des enfants malades et de leurs familles, les données issues de la sociologie, de l'anthropologie, de la génétique des populations, de la biologie médicale et de l'ethnopsychologie sont autant de domaines qui offrent des réponses adaptées pour la prise en charge de ces patients. Le travail a été mené à partir de cas cliniques et d'éléments théoriques ayant un rapport étroit avec la notion de culture.

La recherche sociologique trace, au travers d’enquêtes d’attitudes, les sentiments, les pratiques, les configurations des protagonistes du couple culturellement mixte. Devant l’altérité, la structure familiale métissée cherche à mettre en place un cadre spécifique pour l’ensemble des sujets. Les réactions que suscitent l'événement d’un mariage interculturel sont souvent extérieures au groupe enfants/parents et provoquent dans ce couple une conduite "d’insularisation ". Le choix d’un partenaire étranger au groupe d’appartenance confirme une tendance à vouloir s’inscrire dans une démarche de quête. Le choix va alors s’inscrire dans un besoin d’échapper au groupe originel. Lorsque l’enfant paraît, des difficultés surgissent pour trouver un fonctionnement adéquat dans les domaines de l’éducation, des représentations, des transmissions trangénérationnelles, de la langue etc. Les relevés sur le terrain sociologique confirment une nécessité pour l’enfant de se sentir appartenir à un groupe structuré clos pour la bonne évolution de son identité. Le choix de la construction d’un cadre spécifique en dehors des deux représentations parentales est souvent vécu comme une fragilité psychologique pour l’enfant.

D’aucuns prétendent que la notion d’ethnie est subjective. Les réflexions faites à ce sujet sont très diversifiées et ont le mérite de nous faire réfléchir sur la notion d'appartenance. L’anthropologie étudie en premier lieu le rattachement de l'être humain à ses compagnons, ses proches, son groupe. Elle met l'accent sur la notion de filiation avec ses règles et ses fonctionnements intrinsèques selon les cultures. Elle révèle le lien fondamental entre les lois gérant ces règles et la dynamique d'identité de l'individu isolé. Bien que le phénomène soit universel, les moyens que les groupes mettent en place pour les faire fonctionner sont hétérogènes et révélateurs d'une pensée existentielle pour chaque groupe. Le sujet va alors s'inscrire dans ces règles pour construire son identité.

Par l'étude des connections entre langue et culture et les définitions de chacune d'elles, les professionnels mettent en évidence des fonctionnements. Tout comme la culture, la langue est un système clôturé qui introduit le sujet dans un groupe délimité et lui donne par la même occasion le sentiment de soi. La langue est donc en rapport étroit avec l'identité.

L'Ethnopsychologie permet une définition affinée de la notion de culture en connexion avec la psyché. L'intégration des normes culturelles pour l'enfant va s'inscrire dans une double codification dichotomique afin d'obtenir une perception organisée du monde. L'organisation psychique se structure par la mise en place d'un clivage entre le permis et le non permis dans le système de parenté. L'enfant apprend dans une même logique de quel lignage il fait partie, par une lecture des règles de l'alliance de son groupe. Ainsi, il se sent contenu et se voit proposé une frontière fonctionnelle mettant en place les défenses intrapsychiques qui le structurent. Par cette double délimitation culturelle et/ou affective fonctionnant comme des structures homothétiques, il construit son identité et le sentiment d'appartenance.

Les notions d'ethnie et de groupe d'appartenance ont pour l'être humain une réalité psychique et conceptuelle évidente dont les trois domaines théoriques nous offrent des réponses adaptées en ce qui concerne le métissage.

Les généticiens des populations s'accordent à dire que sans la capacité de l'homme à s'ouvrir sur d'autres groupes, la nature humaine ne survivrait pas. L'étude des groupes de populations apporte des réponses convaincantes aux questions générales concernant le métissage.

Les conceptions médicales ne tiennent pas compte de la notion de métissage. Pourtant, la médecine exploite sans le savoir des éléments psychologiques qui touchent à la représentation de l’affiliation pour le patient et sa famille d’un point de vue psychique. Le gène est l’élément moteur de cette représentation. L’individu devient universel et tout patient sera pris en charge d’une manière unilatérale.

En psychopathologie, les différentes approches de thérapies familiales retracent la nécessité pour le sujet de se situer au regard de sa généalogie d’un point de vue fantasmatique. L’enfant hospitalisé tente de comprendre un " destin familial " au travers de représentations culturelles et psychologiques.

En conclusion, ce travail confirme la nécessité de poser la question du métissage pour le patient car celle-ci est une variable reconnue et exploitée par lui-même et ses proches. Les éléments cliniques ont démontré la capacité d’une évolution thérapeutique non négligeable pour ces familles lorsque les représentations culturelles sont reprises et élaborées durant l’accompagnement psychologique. Pour mener à bien la prise en charge, le professionnel de la psyché doit tenir compte des éléments culturels. L’enfant métis est plus fragile que tout autre enfant dans ce domaine. Des compétences tenant compte de recherches anthropologiques, linguistiques, ethnopsychologiques, apportent des informations concrètes lors de l’élaboration des cas cliniques. Une relation d’expertise inversée s’installe alors entre le professionnel et le patient proposant un travail spécifique pour le psychologue et une approche constructive pour le corps médical à long terme.

 

 

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